Un petit pas judiciaire, un grand pas pour la laïcité

Le colloque sur la laïcité, organisé au sein de l’Assemblée nationale par le groupe socialiste, tombe au cœur de l’actualité. Pas seulement parce que dans des centaines de communes, des élus courageux ont planté des arbres pour rappeler que la séparation des églises et de l’Etat date d’il y a exactement 105 ans, et qu’elle est sans cesse remise en cause. Je représenterai les Maires de France lors de cette réunion qui rassemblera plusieurs centaines de personnalités, désireuses de témoigner sur la valeur de ce principe maltraité et bafoué par le Chef d’un Etat n’ayant plus qu’une seule obsession : donner des gages aux communautés de toutes sortes. Même Marine Le Pen a compris le parti qu’elle pouvait tirer de cette situation, créée par cette volonté politicienne de satisfaire les appétits de pouvoir temporel de personnes se réclamant du pouvoir spirituel, et de décideurs appliquant la doctrine du profit à tous les étages de la société. Il est urgentissime de rappeler les fondements de cette laïcité qui ne saurait être tolérante, car elle doit se défendre bec et ongles quand elle est attaquée ou menacée. La laïcité nécessite une veille permanente, une lutte constante et des explications répétées. Elle n’est jamais acquise !
Un tribunal des prud’hommes a été beaucoup plus courageux que bien d’autres institutions, apeurées par les retombées d’une position paraissant trop souvent « sectaire », alors qu’elle est absolument le contraire. Les prud’hommes ont validé lundi le licenciement pour « faute grave » d’une ex-salariée voilée d’une crèche de Chanteloup-les-Vignes, dont les nombreux soutiens ont exprimé leur « soulagement ». Espérons que ce jugement motivé permettra une fois pour toute de clarifier la situation qui semble, même pour des organismes se réclamant historiquement de l’héritage de la loi de 1905 assez confuse.
Le conseil des prud’hommes a débouté l’ancienne employée de la crèche Baby Loup de toutes ses demandes, considérant notamment qu’elle avait fait preuve « d’insubordination caractérisée et répétée », ce qui a justifié son licenciement pour « faute grave ». Dans ses motivations lues à l’audience, le conseil a également souligné que le règlement intérieur de la crèche, qui interdit le port de signes religieux au nom du principe de « neutralité », est « licite ». Il serait donc étonnant de maintenir certaines positions dans le système éducatif, avec cette référence.
« C’est une victoire pour les laïcs et un soulagement pour Baby Loup », a déclaré Me Richard Malka, un des avocats de la crèche, à l’issue du prononcé du jugement. « Cette décision fera date », a-t-il poursuivi. Et je le crois. C’est une véritable victoire qui contredit toutes les approximations relatives à ce que doit être la laïcité prétendument positive ! Elle n’a pas besoin de qualificatif car elle est incontournable et sans partage.
Maurice Leroy, ministre de la Ville, a salué la décision: « ce jugement réaffirme l’application du principe républicain de laïcité, auquel je suis profondément attaché, et qui s’applique dans l’espace public. « Il est toujours bon de rappeler que la laïcité est le respect de toutes les croyances et religions qui relèvent, elles, de la sphère privée », a ajouté le Ministre qui devrait, mercredi matin, le rappeler en conseil des Ministres. Voici que tout le monde devient en effet laïque ! Il suffit que Marine Le Pen, soutenue par les intégristes catholiques, s’approprie ce thème, pour que tout le monde se réveille. Se félicitant de la décision, le président du Haut Conseil à l’intégration (HCI) Patrick Gaubert a ainsi jugé que « l’application du principe de laïcité a clairement prévalu ». Je voudrais savoir si les positions seraient les mêmes si l‘employée avait été licenciée pour avoir refusé d’enlever sa croix autour du cou… Mais c’est une autre histoire. Supposons que si la salariée de Baby Loup à Chanteloup-les-Vignes, de retour d’un congé parental, avait fait part à la directrice de sa volonté de porter une croix au lieu du voile, la laïcité aurait été aussi louée ! La salariée avait saisi, après son licenciement, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) qui lui vait donné raison…
« Toutes les communautés vont continuer à tranquillement cohabiter à Baby Loup, car cela avait été un peu mis à mal », s’est félicitée la directrice-adjointe de la crèche. Il faudrait que ce soit la France qui puisse continuer à voir cohabiter les personnes de toutes les philosophies, religions pu convictions privées. Il ne faut pas que le FN puisse exploiter ce jugement, alors que les privatisations continuent à mettre en péril, dans de nombreux domaines, la laïcité.
Il est significatif de noter que le jugement a été accueilli par des applaudissements dans la salle d’audience, tandis qu’un vif échange a opposé quelques minutes plus tard à l’extérieur du palais de justice les soutiens de la crèche à un homme, se présentant comme « citoyen français, représentant lui-même et sa religion ». Le quadragénaire a notamment dénoncé l' »intégrisme laïc ». C’est fait… la guerre est enclenchée : l’intolérance va grandir.
Demander le respect des consciences, c’est forcément être intolérant, comme si imposer aux autres un signe de son appartenance religieuse ou de son adhésion à une secte ne constituait pas une marque irréfutable d’irrespect de la liberté des autres. Nul ne saurait être condamné pour ses choix philosophiques relevant de la sphère privée. Et il faut être prêt à se battre pour que toute femme ou tout homme puisse exercer sa religion si elle n’empiète pas sur la sphère publique.
Les « prudes » hommes ont donné un signe fort, qui constitue un encouragement pour tous les planteurs d’arbres dans les communes de France. Attention cependant à ce que leur décision exemplaire ne se limite pas à ce seul élément visible de l’entrée de la religion dans le monde du travail…car l’effet produit serait contraire à l’intérêt général bien compris.

Cet article a 2 commentaires

  1. Alain.e

    Il me semble en effet normal que cette personne soit licencié, au même titre d’ ailleurs que cette professeur stagiaire de Toulouse qui l’ a été également car elle portait le voile pour enseigner aux enfants du primaire .
    A présent qu’ un prof porte une croix cachée sous ses vétements dans un pays dont l’ histoire se confond avec la religion catholique , pourquoi pas ?
    Ce qui est intolérable c’ est ce prosélytisme religieux,cet affichage,la foi doit rester de l’ ordre privé

  2. François

    Entièrement d’accord avec ton raisonnement, je suis étonné que personne(ni toi même !) ne s’élève contre le méthode « gangreneuse » des Témoins de Jéhovah, reconnu secte qui recrutent pour endoctrinement par le porte à porte, donc depuis la voie publique, reconnaissables toujours par deux ou trois, revenant régulièrement à la charge dans nos campagnes: AUCUNE intervention de Politiques ( toutes couleurs ), de Police ou de Gendarmerie…RIEN ! Et doucement, le venin s’infiltre comme un cancer!
    Est-ce cela la Laïcité que tu défends ?
    Amicalement.

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