Dans le couloir où on croise la mort injuste !

278Glenn Ford, 64 ans, a été libéré après avoir séjourné 30 ans dans une cellule du couloir de la mort de la prison d’Angola, en Louisiane. L’homme, condamné en 1984 à la peine capitale pour l’assassinat d’un bijoutier en novembre 1983, a toujours clamé son innocence. De nouveaux éléments ont désormais prouvé que Glenn Ford n’avait en effet rien à voir avec les faits et avait donc été injustement condamné. Le procès avait fait l’objet de beaucoup de critiques car de nombreux doutes subsistaient et la clarté n’avait pu être faite sur plusieurs points. De plus, l’accusation reposait sur un témoignage contesté. Il y avait aussi un relent de racisme à cette affaire, l’accusé noir ayant été condamné par un jury exclusivement composé de blancs.

Glenn Ford est l’un des détenus innocentés ayant passé le plus de temps dans le couloir de la mort. Le dénouement de cette affaire conforte le travail des activistes luttant contre la peine de mort. Ford est en effet le 144e condamné à mort finalement innocenté ces 40 dernières années aux Etats-Unis. Mais la vraie question c’est combien d’autres sont passés de vie à trépas ans avoir pu prouver leur innocence… Dans cette période troublée où on entend des relents terribles de retour en France vers la peine de mort on peut véritablement s’interroger sur les fondements oraux d’une telle revendication.

Pour ma part j’ai toujours eu à portée de mains dans ma jeunesse contestataire « cellule 2455, couloir de la maort » de Caryl Chessman. Oui je sais je date mais combien de fois ai-je lu ce bouquin qui me posait question quand dans notre pays on doutait du bien -fondé de supprimer la guillotine. Chessman avait été condamné à mort pour une série d’agressions sexuelles qu’il a toujours niées, et bien qu’il n’ait tué aucune de ses victimes. Ayant décidé d’assurer lui-même sa défense, il multiplia les recours afin de reporter la date de son exécution, ce qu’il réussit à faire pendant douze ans.

Durant cette période, il écrivit plusieurs livres, dont le best-seller que j’avais acheté en livre de poche. La guerre juridique menée par Caryl Chessman contre les tribunaux fédéraux de Californie a un écho répercutant avec trois best-sellers de l’édition mondiale de 1954 à 1960 : le fameux «  Cellule 2455 couloir de la mort, » traduit en quatorze langues, « À travers les barreaux », « Face à la justice », sortis clandestinement de prison. Le dernier livre de Chessman publié, The Kid was a killer (Fils de la haine) est un roman, en réalité son troisième écrit. Il nie, farouchement, durant douze ans, être « le bandit à la lumière rouge ». Accusé de viol et de kidnapping, Chessman n’a pas d’antécédent pour crimes sexuels mais il y a un doute qui ne va pas lui bénéficier.

En janvier 1948, Chessman était en liberté conditionnelle de 27 ans à la prison de Folsom, et il avait passé la plus grande partie de sa vie d’adulte à entrer et sortir de prison lorsqu’il a été arrêté comme le « Bandit à la lumière rouge ». Surnommé ainsi parce qu’il approchait ses victimes dans des coins isolés, faisant clignoter une lumière rouge ressemblant à celle utilisée par la police, et volait ses victimes. Il entraînait parfois les femmes dans un autre coin pour les violer. Caryl Chessman avait signé une confession, qu’il a reniée plus tard, disant que cela résultait de la brutalité policière. Mais les témoignages des femmes agressées, et de nombreuses preuves ont mené à son inculpation pour 17 chefs d’accusation, allant du vol au kidnapping. Le jury a déterminé qu’une des accusations pour kidnapping avait entraîné des blessures à la victime. Selon la loi californienne « petit Lindbergh » votée en 1933, les peines encourues dans ce cas étaient soit la prison à vie sans possibilité de libération anticipée, soit la peine de mort. Je jury n’ayant pas accordé des circonstances atténuantes, Caryl Chessman fut commandé à mort. A l’époque c’était la chambre à gaz. Il fut donc exécuté le 2 mai 1960 dans la chambre à gaz de la prison de Saint-Quentin (USA). Il aurait dû normalement bénéficier d’un dernier sursis quelques minutes avant son exécution. Un juge avait décidé de la retarder d’une demi-heure afin de juger si la demande de recours déposée était recevable. Malheureusement, sa secrétaire oublia d’inscrire un chiffre en recopiant le numéro de la prison, ce qui empêchera le juge d’arrêter l’exécution à temps… Comme quoi la vie ne tient parfois qu’à un fil.

Après avoir croupi dans le couloir de la mort, Glenn Ford a eu 3 décennies à effacer de sa vie. Il a avoué nourrir des sentiments « mitigés » par rapport à ce qui lui arrive: heureux d’être enfin libre et en même temps furieux au vu des 30 années qui lui ont été volées. On le comprend ! « Caryl Chessman est mort » comme ledit une chanson de Nicolas Peyrac… et jamais on ne connaîtra la vérité, celle qui soulage les consciences mais qui en plonge d’autres dans le doute…celui dont on dit qu’il peut bénéficier aux accusés. Enfin quand il existe !  En France pour l’opinion dominante il n’y en a plus !  On coupe les têtes !

Cette publication a un commentaire

  1. J.J.

    Le 2 mai 1960, un jour dont je me souviens car, étant à l’époque à l’Ecole Normale, le « Patron » était descendu de son bureau d’où il écoutait les informations, pour nous annoncer la nouvelle de l’éxécution de Caryl Chessman. Au lieu de faire nos prépas pour le lendemain, nous avons eu un long entretien sur la peine de mort qui a l’époque sévissait encore en France.
    Il nous avait déclaré sa fierté de savoir que notre établissement avait compté parmi ses élèves l’avocat maître Neau, bien oublié maintenant, et qui oeuvrait alors pour l’abolition de la peine de mort.

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