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HISTOIRES D’ÉTÉ : surtout faites les mûres souvent !

Parmi les baies de l’été qui se méritent, les mûres occupent une place particulière car on ne les cueille pas sans risques. Les vraies, celles qui poussent dans les ronciers touffus et bardés de défenses piquantes, ne se trouvent pas en effet dans les petits chemins qui selon Mireille sentent la noisette et qui n’ont ni queue, ni tête ! Il faut justement aller loin des sentiers battus par les promeneurs pour dénicher des fruits noirs de qualité offrant une garantie de non-pollution par les gaz d’échappement ou plus fréquemment par les pesticides des champs avoisinants. Ces repaires n’existent plus vraiment car ils inquiètent dans une société de la place nette et donc partout ils sont broyés, rasés, taillés et même parfois brûlés. Les ronces n’ont plus leur place dans ce monde de la nature mise sous tutelle par les hommes ! Plus personne ne s’intéresse vraiment à leurs fruits qui appartiennent aux curiosités pour les randonneurs attentifs : les mûres ne seront bientôt plus attirantes que pour les enfants attardés du siècle dernier.
En fait cette disparition met en évidence une tendance progressive à l’éradication de tout ce qui est considéré comme gênant pour les apparences avec en plus une connotation de dangerosité préoccupante. Les ronces qui appartiennent à la flore spécifique à nos régions n’ont plus à leur place dans la nature puisqu’elles sont considérées comme inutiles. Elles protègent pourtant derrière leurs « barbelés » végétaux et nourrissent des dizaines d’insectes, d’oiseaux et d’animaux divers appartenant à notre biodiversité mais dont l’économie n’a rien à faire ! En les approchant mon petit-fils a ainsi vite recensé les inconvénients de ces fourrés avec les serpents, les taons, les guêpes, les abeilles et autres bestioles susceptibles d’agresser le ramasseur de baies noires. Si on ajoute les épines potentiellement menaçantes il a refusé de participer à l’œuvre pourtant si agréable de la collecte !
J’avoue ne jamais avoir eu un tel réflexe dans mon enfance ! La nature « naturelle » spontanée, non ordonnancée devient paradoxalement une menace pour celles et ceux qui la fréquentent alors qu’avec un minimum de respect, elle donne tant ! Un grand saladier de grosses mûres a bien plus de prix que toutes les baies de cultures dopées aux nitrates. Certes celles qui pendent en grappes au bout des tiges du roncier ne sont pas aussi rutilantes mais elles ont le goût exceptionnel d’avoir grandi en toute liberté.
D’ailleurs les plus belles, les plus attrayantes sont nécessairement les plus difficiles à récupérer, là-bas, en haut et au milieu du roncier ! C’est la même frustration que le renard face aux raisins inatteignables ou c’est au prix d’une mise en danger de ses mains et de ses bras que l’on peut aller les cueillir ! Mais le plaisir final est à la hauteur du cheminement précautionneux au milieu des épines insidieuses car ne pardonnant pas le moindre faux mouvement.
Plus grand monde va donc récolter ce fruit « défendu » pour une tarte ou de la confiture ! Le travail demandé reste exigeant car il ne peut être que manuel et patient. L’appétence pour cette baie a disparu et ne se cultive désormais qu’avec l’achat de produits laitiers aromatisés ou contenant quelques-unes d’entre elles sans que le mangeur sache ce que peut représenter leur présence. Il n’y a que ceux qui se sont employés à les ramasser qui en apprécient la valeur. La facilité du consommateur tombe quand on se mue durant une à deux heures en producteur !
La mûre doit en plus se cueillir à point c’est à dire la plus noir possible et elle doit se détacher sans effort de la grappe où elle est installée. Si ce n’est pas le cas elle aura une pointe d’acidité car elle ne sera pas assez… mûre. Elle mérite parfois une pointe supplémentaire de sucre dans les préparations où elle est incluse car justement elle n’est jamais vraiment récoltée au faîte de sa maturité. Pour réussir une bonne confiture rien ne vaut le bon vieux presse-purée avec la grille la plus fine dans lequel vous passez les baies. Elles perdent leurs pépins et vous obtenez un mélange homogène. Ne jamais sur-doser en sucre car autrement vous enlevez vraiment le goût initial des mûres sauvages. Si vous êtes de la campagne votre enfance remontera vite à la surface dès la première cuillère. C’est divin de simplicité alors que la rareté des productions de ce type
Lorsque vient le temps de la récolte de la baie de la ronce on sait que la rentrée est proche et surtout que l’on va entrer dans la période des vendanges. Il existe même un lien direct puisque les viticulteurs prétendent qu’en regardant les mûres ils peuvent connaître l’état de leurs raisins. Si elles sont saines et généreuses, elles augurent de grappes identiques… en revanche si elles sont par contre dures, rabougries et sèches elles augurent des vendanges difficiles ! Alors en fin d’été avant d’entrer dans la pension du quotidien offrez vous le plaisir de faire les mûres !

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