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L’Histoire n’incite pas à prendre des risques…

Dans l’Histoire de la France on trouve des exemples tristement célèbres de soldats en armes qui tirent sur des manifestants. Ce n’est pas une vision apocalyptique du maintien de l’ordre public mais simplement l’illustration de ce que des événements peuvent contenir comme imprévisibilité.

Ainsi à Fourmies, dans le département du Nord, le 1er mai 1891 devient un grand jour de grève et de manifestation pour la journée de huit heures. Mais, en soirée, sur la place de la Mairie, 250 manifestants se retrouvent sur la place de la mairie, exigeant la libération des ouvriers grévistes emprisonnés  ; certains ont des bâtons et quelques pierres. La foule est dense aux terrasses des estaminets. Tout à coup, sans sommation, une trentaine de soldats mitraillent pendant une quarantaine de secondes. Trente manifestants gisent sur le pavé  : 9 ne se relèveront jamais. Pour la première fois, l’armée de la République a tiré sur des ouvriers en utilisant son nouveau fusil  : le Lebel  ! L’émotion fut considérable  ; le 4 mai, les obsèques réuniront près de 40 000 personnes… et le 1° mai entrera dans l’Histoire ouvrière comme une date référence de la répression de l’Armée. Je sais ce n’est pas pareil…

La révolte des vignerons du Languedoc en 1907  a été également marquée par un vaste mouvement de manifestations survenu, dans le Languedoc et en pays catalan. De très nombreuses manifestations très musclées sont réprimées par le cabinet Clemenceau. Il s’agit de la plus grave crise viticole survenue au début du XXe siècle. L’armée est appelée en renfort car les gendarmes d’alors sont dans l’incapacité d’endiguer une violence grandissante avec par exemple le saccage de la Préfecture de Perpignan. Clemenceau jugea que « force devait rester à la loi » (ça ne vous rappelle rien?) et pour rétablir l’ordre il fit appel à l’armée pour tenter de juguler une révolte de plus en plus incontrôlable. Depuis le 17 juin, 22 régiments d’infanterie et 12 régiments de cavalerie occupèrent donc tout le Midi, avec 25 000 fantassins et 8 000 cavaliers. La gendarmerie reçut alors ordre d’incarcérer les responsables des manifestations.

Le 19 juin, Ernest Ferroul l’un des meneurs des « gueux » est donc arrêté à son domicile à Narbonne par les militaires du 139e régiment d’infanterie, et emprisonné à Montpellier. Trois autres membres du comité de défense viticole se livrent aux gendarmes. La nouvelle de l’arrestation programmée de tous les membres du Comité d’Argeliers à l’origine de la révolte lance une vive contestation. La foule entrava la progression des gendarmes en se couchant par terre. Narbonne se retrouva en état de siège. Une manifestation spontanée réclama la libération des membres du Comité et hurla à la vengeance. Des incidents éclatèrent durant toute la journée, la sous-préfecture fut prise d’assaut, des barricades furent dressées dans les rues. Le soir, dans la confusion générale, la cavalerie tira sur la foule. Il y eut deux morts, dont un adolescent de 14 ans.

Le lendemain 20 juin, la tension monta encore et le Midi s’embrasa. À Perpignan, la préfecture fut pillée et incendiée. À Montpellier, la foule alla au contact des forces armées. À Narbonne, l’inspecteur de police Grossot, l’un des participants à l’arrestation de Ferroul, fut repéré et violemment secoué par la foule. Pour le dégager, il est alors donné ordre à la troupe de…tirer sur les manifestants. Les coups de feu feront cinq morts dont une jeune fille, âgée de 20 ans, Julie Bourrel qui se trouvait là par hasard. Près de 33 blessés se retrouvent à terre.

Vous direz que le rappel de ces faits historiques n’a aucun rapport avec la situation actuelle. Sauf que le gouverneur militaire de Paris, le général Bruno Leray, n’a pas fait dans la dentelle en n’excluant pas le recours au feu durant une manifestation si par hasard les soldats de la force Sentinelle étaient en danger ou voyaient des personnes en danger. Au micro de France info, il a déclaré : « Les consignes sont extrêmement précises. Ils ont différents moyens d’action pour faire face à toute menace. Ça peut aller jusqu’à l’ouverture du feu. (…) Les soldats donnent des sommations dans les cas éventuels d’ouverture du feu. Ils sont parfaitement à même d’apprécier la nature de la menace et d’y répondre de manière proportionnée. » Les militaires pourraient tirer « si leur vie est menacée ou celle des personnes qu’ils défendent », a-t-il poursuivi. Le gouverneur militaire de Paris a affirmé que les militaires intervenaient « très régulièrement sur tout type d’incident, de nature terroriste ou pas ». Çà n’arrivera pas… mais était-ce la peine de prendre le risque ?

Cet article a 6 commentaires

  1. LAVIGNE Maria

    L’oligarchie arrogante qui gouverne notre pays ne recule devant rien pour affirmer une autorité entachée d’irrégularités au plus haut sommet de l’état. Le costume était trop grand pour certains ambitieux narcissiques, imposteurs. Le pouvoir doit revenir au peuple et non à la finance. Les Français veulent vivre debout et non de mendicité alors que d’autres se gavent sur le dos de ceux qui sont déjà miséreux. Les décisions ont toujours été prises par les puissants pour les puissants…jusqu’à quand ?

  2. Philippe LABANSAT

    Dans les jardins de l’archevêché, à Narbonne, il y a des photos de cantonnement de ces militaires, venus réprimer les vignerons. On voit des photos de ces troufions autour de la soupe, les fusils en faisceaux. On a du mal à imaginer cette ville et ce territoire occupé par l’armée de la nation, là, en réponse à une crise paysanne majeure.
    Notre pays est donc maudit, dès qu’il s’agit d’entendre le pays et de lui apporter des réponses autres que le mépris ou la répression…

  3. Bernadette

    Dans le massif de la clape, il y a des châteaux qui ont décoré les murs intérieurs de grands posters de la révolte vigneronne du Languedoc. J’ai trouvé cela très choquant.
    J’aime assez ces lieux de villégiature qui sont bercés par le chant des cigales.
    Le catharisme et le sac de beziers induit une histoire très particulière de révoltes et de féodalité.
    C »est l’histoire….

  4. jourdannaud pierre

    Légitime était votre colère,
    Le refus était en grande foi.
    On ne doit pas tuer ses père et mère,
    Pour les grands qui sont au pouvoir.
    Soldats, votre conscience est nette,
    On ne se tue pas entre français;
    Refusant de rougir vos baïonnettes
    Petits soldats, oui, vous avez bien fait.
    Refrain
    Salut, salut à vous,
    Braves soldats du 17e !
    Salut, braves pioupious,
    Chacun vous admire et vous aime !
    Salut, salut à vous,
    A votre geste magnifique !
    Vous auriez, en tirant sur nous,
    Assassiné la République.
    Comme les autres, vous aimez la France,
    J’en suis sûr; même vous l’aimez bien;
    Mais sous votre pantalon garance
    Vous êtes restés des citoyens.
    La patrie c’est d’abord sa mère,
    Celle qui vous a donné le sein;
    Il vaut mieux même aller aux galères
    Que d’accepter d’être son assassin.

    Espérons qu’un jour viendra en France,
    Où la paix, la concorde régnera !
    Ayons tous au cœur cette espérance,
    Que bientôt ce grand jour viendra !
    Vous avez jeté la première graine
    Dans le sillon de l’humanité;
    La récolte sera prochaine;
    Et ce jour-là, vous serez tous fêtés.

  5. J.J.

    Bel hommage aux soldas du « 17 éme « qui mirent la crosse en l’air pour ne pas tirer sur leurs concitoyens.
    Inutile de dire que les punitions sont tombées dru !
    Le sinistre de l’intérieur était à l’époque Clémenceau, que les vignerons avaient surnommé « Clément Sot ».

    « Les rois nous saoulaient de fumée,
    Paix entre nous, guerre aux Tyrans
    Appliquons la grève aux armées,
    Crosse en l’air et rompons les rangs !

    S’ils s’obstinent ces cannibales
    A faire de nous des héros,
    Ils sauront bientôt que nos balles
    Sont pour nos propres généraux. »
    (L’Internationale)

    La violence appelle la violence, honte à ceux qui tiennent des propos provocateurs, menaçants, disproportionnés.

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