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Ceïba partage son amour des autres

De la salle cambaise de Bellevue, la bien nommée, le regard domine le lit argenté de la Garonne qui peine en cette soirée d’été, malgré les pluies orageuses, à filer sous les ponts bordelais. Là-bas, sur des matelas ou à même le sol, les migrant.e.s que le pouvoir ne veut plus voir, entrent dans une énième nuit de galère. Comment ne pas penser à eux quand dans le cadre des 19° rencontres lyriques, Ceïba chante avec justesse, passion et sincérité son amour pour les contrées qu’ils ont quittées ? Elle offre en effet un périple planétaire endiablé ou tendre mais tellement précieux, grâce à ces musiques qu’ils ont apportées sur d’autres continents que leur Afrique natale. Ils ont enrichi le monde de leur sens du rythme, de leur envie d’exprimer par le corps leurs sentiments intérieurs, de leur joie de survivre sans que celui-ci leur en soit conscient. Les bagages de cette chanteuse, danseuse, percusionniste débordent de ces illustrations musicales puisées sur des terres lointaines.

Ceïba a rassemblé dans un tour de chant époustouflant de dynamisme et d’intensité vocale les facettes de ces trouvailles toutes plus lumineuses les unes que les autres. Elle met du soleil, beaucoup de soleil dans l’eau froide d’une société oublieuse de ce qu’elle doit à celles et ceux qu’elle rejette. Elle fait pleuvoir une fraternité lumineuse sans aucune retenue tellement on ressent son amour pour ces airs importées de pays éloignés et proches à la fois : les Antilles, le Brésil, le Sénégal, la Réunion, Haïti ou même de cette France sachant d’où elle vient.

A l’aise dans huit langues dont le fon, le linga, le créole martiniquais ou réunionnais elle donne du relief à ses trouvailles ou à ses compositions grâce à une voix  d’une justesse absolue. Il suffit de fermer les yeux pour retrouver ce bonheur du partage dont sont friands ces peuples sachant noyer leur misère dans des rythmes effrénés. Ceïba souriante, lumineuse entraîne de la biguine antillaise au chant vaudou haïtien en passant par les mélopées sénégalaises avec une aisance, une facilité dénotant un enracinement profond dans son cœur de ces chansons venues de là-bas. Certes elles les aiment profondément mais elle a une envie furieuse de les offrir au public et surtout de les lui faire partager. Elle veut être suivie dans le voyage initiatique qu’elle propose sous cet arbre séculaire dont elle porte le nom. Ce « ceïba » porte vers le ciel les branches mères d’une créativité africaine originelle que s’est appropriée une civilisation réputée supérieure.

Ceïba, tour à tour féline et ondulante, percutante ou envoûtante est accompagnée d’une danseuse déployant cette énergie propre à celles qui veulent oublier leur sort dans une danse improvisée chaloupée ou endiablée. Souple, imaginative et démonstrative Khady Sar traduit avec son corps  les chansons ou les musiques déployés par un trio orchestral talentueux. Un bassiste précis et profond (Félix Lacoste)  ; un batteur explosif et polyvalent Franck Leymeregie) ; un claviériste généreux et agile (Matthias Ovalle Canales) constitue un ensemble cohérent qui distille des airs chaleureux auxquels il est impossible de résister. La salle les suit d’ailleurs facilement ce qui prouve leur capacité à générer chez les autres le plaisir de s’évader, de retrouver leurs rêves d’ailleurs.

La cohésion du groupe ainsi que son enthousiasme communicatif contribuent fortement à créer une ambiance réconciliant les cultures autrement que par ces voyages organisés aseptisés. Dans ce tour du monde « africainisé » on sent vraiment la terre, la réalité sociale, la vérité des vies à travers des parcelles musicales plus parlantes que toutes les descriptions ou tous les documentaires. Ainsi l’émouvante chanson d’une rencontre en Casamance avec une femme sénégalaise, composition personnelle de Ceïba, se trouve au cœur du récital. Une histoire émouvante, poignante même par sa résonance avec les événements actuels sur Bordeaux!

Ceïba aime les autres. Ceïba donne aux autres. Ceïba ne se sent bien que dans le partage et vraiment on ressort à la fois joyeux et pensif sur la simplicité de la nature humaine quand on veut bien, l’espace d’une chanson ou d’une danse, laisser ses préjugés de coté.

Dans le cadre des Scènes d’été du Conseil départemental vous pouvez la retrouver tout cet été dans les festivals ou villages soucieux d’offrir la vraie richesse des Hommes, celle qu’ils portent dans leur cœur !

(1) Les 19° rencontres lyriques de Cambes se poursuivent ce samedi 27 juillet (21 h) avec « The Very smal Orchestra » et dimanche 28 juillet à 16 h 30 avec un superbe festival de chant lyrique (Entrée gratuite)  

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