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Cofinavirus (12) : les nouveaux rites du quotidien

Jour après jour, le confinement conduit à se confectionner des habitudes ou mieux des rites qui s’installent dans le quotidien. Les détails prennent une importance particulière et dans le fond ils rassurent car ils contribuent à préserver d’une improvisation dangereuse pour le moral.

Il semble que le lavage des mains compulsif fasse désormais partie intégrante de ce quotidien rythmé par des consignes impératives. Si l’on réfléchit un instant la catastrophe sanitaire aura eu au moins l’avantage de doper en France la marché des produits d’hygiène et notamment celui des savonneries.

Les plus ancien.ne.s se souviennent de l’école publique de leur enfance ou le lavage des mains était obligatoire et que des leçons d’hygiène corporelle en classe de fin d’études étaient dispensées en classe. Bien se frotter derrière les oreilles : la formule appartenait au répertoire favori. Il y avait aussi la fameuse inspection matinale (« montrez moi vos mains ») avec présentation en ligne permettant de détecter le dessous des ongles noir.

Dans le vestiaires il y avait une grand bac en ciment gris dont je me souviens avec des rangées de petits robinets pour que les récalcitrant.e.s puissent se mettre en conformité avec les règles apprises en morale. Une habitude perdue que le coronavirus aura peut-être

Là on ne risque pas les remontrances puisque toutes les heures selon les règles en vigueur il faut effectuer ce geste que… beaucoup ne connaissait pas ou avait oublié. Le rite de la désinfection cutanée va revenir à la mode. C’est une certitude. Nous en avons pour des mois à nous « engeler » les doigts et les fabricants à se frotter les mains pour la rentabilité de leur production. On en arrivera probablement un jour à faire des rencontres entre hydroalcooliques anonymes.

Allumer le bouton de la télévision appartient aux gestes institutionnalisés. Faute d’une codification bien définie cette décision constitue le révélateur de la personne qui détient le pouvoir. Le choix de la chaîne risque de devenir un véritable enjeu du même type. Il semble que dans certains foyers un protocole ait été établi d’autant que sport ayant disparu des télés il n’a plus de prééminence masculine sur la possession de la zappette.

Un certain libéralisme règne sur le choix des programmes. La conquête sera-t-elle durable. Les sociologues ont un beau sujet d’étude devant eux : comment le coronavirus a modifié l’équilibre des pouvoirs au sein de la famille. Assistera-t-on avant la fin de l’été sans cyclisme, sans football, sans rugby, sans basket, sans Formule 1 à une inversion du rôle de dominant ?

Des rendez-vous spécifiques sont apparus. La conférence de presse du directeur de la santé le soir avec ses statistiques mondiales, européennes et françaises. Il ne faut pas manquer le moment clé d’un discours d’une extraordinaire qualité technique mais qui manque singulièrement d’empathie.

Chaque soir il n’a que des mauvaises nouvelles à annoncer alors il les dilue dans un jargon médico-social et les téléspectateur.trice.s ne retiennent que le nombre de morts. Le rite de la statistique prend alors toute sa valeur et il faut avoir le courage d’envisager qu’il dissimule un drame humain considérable. On ne reviendra probablement pas de sitôt sur ces moments car ils entrent dans notre histoire commune.

Il reste aussi celui peu pratiqué hors des grands ensembles contrairement aux exemples valorisés par les télés de 20 heures des applaudissements en faveur des soignant.e.s, des sapeurs-pompiers, des fonctionnaires qui assument la continuité de ce qu’il reste du service public, des salariés de toutes les entreprises qui tentent de maintenir le lien social avec courage et détermination.

Le rite de cet hommage ne décolle pas car il n’y a pas de mouvement global porté par une organisation particulière. Il faudra un soir ou l’autre applaudir toutes celles et tous ceux (et ils sont nombreux) qui ont simplement respecté les consignes dans l’intérêt collectif.

Ne vous inquiétez surtout pas si toutes vos journées vous paraissent parfois très rituelles car ça traduit de votre part simplement une volonté de vous rassurer. Il faut même devenir un tantinet maniaque car c’est votre intérêt et surtout celui des autres. Il en va vraiment de l’avenir de notre société. Acceptez que les modalités de la vie changent durant quelques mois. Vous retrouverez avec un plaisir accru des habitudes que vous aurez su protéger.

Cet article a 8 commentaires

  1. Laure Garralaga Lataste

    Mon cher Jean-Marie,

    Dans le début de ce texte d’aujourd’hui, tu présentes les initiatives prises il y a « un bail d’années que les moins de 70-20 ans » ne peuvent pas connaître… » (souriez : ça peut pas faire de mal…).

    1. François

      Bonjour !
      Si des rites ou rituels ( savon de Marseille, masque, mouchards à usage unique, … ) sont remis en tête d’affiche ou de console, oui @ LAURE GARRALAGA LATASTE, le rite du rire est certainement une bonne prévention à la mélancolie qui s’installe (encore X semaines!).
      Voici un petit journal transmis par une amie professeure de collège … en confinement ! ! ! (Merci Chantal!)

      JOURNAL DE CONFINEMENT

      JOUR 1

      Mercredi 18 mars. Premier jour à quatre à la maison. Journée ensoleillée, les enfants ont pu profiter du jardin. Pas encore de nouvelles de la maîtresse, j’imagine qu’il faut le temps de s’organiser. Ce midi, apéritif en famille, jeux l’après-midi ; Mathilde avait fait un gâteau au chocolat pour le goûter. Petit air de vacances !

      JOUR 2

      Jeudi 19 mars. Première tonte de l’année ! J’adore l’odeur de l’herbe coupée. Les arbres sont en bourgeons, les tulipes sortent de terre, les premiers jours de printemps sont toujours agréables !
      Foot avec les enfants qui ont fini par se disputer, comme toujours. La vie s’organise tranquillement.

      JOUR 3

      Vendredi 20 mars. Les premiers devoirs sont tombés pour Mathis : révisions sur les divisions. Surtout rester calme…
      Léa fait des dessins pour papa et maman. Trop mignon.

      JOUR 5

      Dimanche 22 mars. Le jardin est au carré, on dirait Versailles ! Comme quoi il y a toujours du bon à prendre ! Mathilde a les mains dans la farine la moitié du temps : gare aux kilos en trop !
      Léa a épuisé la moitié du stock de pages blanches, c’est moche pour la planète.
      Côté divisions, on rame…

      JOUR 7

      Mercredi 25 mars. Si Mathis me demande encore une fois ce qu’est un dividende, je lui fais manger son cahier !
      Léa a enfoncé toutes les pointes de feutres et chouine à longueur de journée.
      Mathilde s’est lancée dans la confection d’un gâteau roumain à la purée de marrons et aux pruneaux. Est-ce vraiment une bonne idée ? Le temps commence à sembler long.

      JOUR 10

      Samedi 28 mars. Je crois que mon fils est con, j’ai abandonné la division. On a une semaine de retard sur le travail envoyé par la maîtresse. J’ai vomi le gâteau aux marrons.

      JOUR 11

      Dimanche 29 mars. La caisse à outil est nickel, j’ai rangé mes clefs plates par ordre de grandeur, les marteaux par ordre croissant de poids. J’ai trié tout ce qui pouvait se trier dans la maison : clous, vis, boutons, punaises (par couleurs), slips.. Je commence à voir flou.

      JOUR 14

      Mercredi 1er avril. On continue sur le passé simple. La décence m’oblige à me taire. ..

      JOUR 15
      Je rédige une lettre à l’attention du pape pour faire canoniser la maîtresse de mon fils. J’ai envie d’écouter Céline Dion en passant l’aspirateur dans le garage. Je crois que ça va pas le faire.

      JOUR 16

      Vendredi 3 avril. « Les enfants prenâmes le goûter sur la terrasse ». Bon c’est fois-ci c’est clair, Mathis n’aura pas non plus le prix Nobel de littérature… J’ai envie d’épouser sa maîtresse…je crois que je commence à délirer…
      Léa regarde la télé H 24.
      Mathilde a commencé une pièce montée à cinq étages. Je le sens pas trop. J’ai déjà pris cinq kilos…

      JOUR 17

      Samedi 4 avril. Je crois que j’ai chopé un Gilles de la Tourette avec ce putain de passé simple de merde !
      La pièce montée s’est cassé la gueule.
      J’ai des hallucinations, les dessins de ma fille me parlent !

      JOUR 18

      Dimanche 5 avril. Pour la première fois de ma vie, j’ai prié Dieu…

      JOUR 19

      J’ai bouffé la page du livre de conjugaison. Problème réglé…

      JOUR 20

      Passé la journée à chercher le chien, on l’a perdu !

      JOUR 21

      Merde, c’est vrai, on n’a pas de chien ! J’attaque ma cinquième bière de la journée.
      Léa ressemble à un lapin qui aurait attrapé la Myxomatose.

      JOUR 30

      36 mars. Je suis sûr d’avoir vu passer la maîtresse de Mathis dans la pâture derrière chez nous : elle promenait son Bescherelle en laisse.
      Je vais reprendre un ricard …

      JOUR 31

      J’ai les dents qui grattent, je transpire des yeux. Je me rends compte que mon slip est à l’envers. Comme je le porte au-dessus mon pyjama, j’ai l’air encore plus con.

      JOUR 32

      An 3020 d’après ma belle-mère. Plus de farine dans les magasins, Mathilde est prostrée sur une chaise dans la cuisine, elle fait la conversation au four. Mathis essaye de diviser le passé simple. Léa bave devant la télévision. Les stocks de Ricard sont épuisés. Au secours…

      JOUR 40

      37 avril 2028. Oh putain on a remonté le temps ! Il se passe des trucs bizarres… Il y a une dame dans ma cuisine qui pleure en regardant le four, je ne sais pas du tout qui c’est. Et cette petite assise dans le coin qui regarde en ricanant, elle me file je jetons. De toute façon je ne sais plus comment je m’appelle. Je ne sais même plus pourquoi j’écris. C’est la fin…

      JOUR 50

      Il s’est passé quelque chose. Il y a des gens partout, on entend « c’est fini ! », « C’est fini ! », « Plus de confinement ! ». Je ne sais pas ce qu’il se passe. Je sors pour voir. Je m’y reprends à trois fois avant de savoir enfin passer la baie vitrée. Je respire à pleins poumons. Je tombe dans les pommes. Direction les urgences.

      JOUR 60

      Vendredi 15 mai. Reprise du travail depuis une semaine. Mathilde, Mathis et Léa vont bien. La vie a repris son cours normal, si ce n’est que j’ai du cholestérol, du diabète, des troubles de la personnalité (mon double ne parle qu’au passé simple et cherche à diviser tout ce qu’il peut).

      AVEC LE SOURIRE ! ! !
      AMICALEMENT

    1. richard walter

      C’est vrai que l’on redécouvre des fondamentaux ( enfin pour les générations d’avant )…. Se laver les mains était un réflexe quand j’étais gamin. Il faut aujourd’hui que le gouvernement nous le rappelle dans des spots radio ! Sinon, merci pour le partage de ma petite fantaisie . Bien à vous. Riccardo.

  2. J.J.

    « Le rite de cet hommage ne décolle pas car il n’y a pas de mouvement global porté par une organisation particulière. »

    Ce n’est pas vraiment exact : en réalité cette initiative est due au mouvement ATTAC, qui a beaucoup manifesté sa désapprobation de la casse des système de santé, et dont on constate maintenant les effets..

    Évidemment les larbins de la presse « aux ordres » sont priés d’observer le principe : « Motus et bouche cousue ».
    Ça suffit avec la contestation incontestable à qui l’on donne du grain à moudre : pénurie de masques et autres produits sanitaires de première nécessité, maintien primesautier et criminel des élections, affaire de la chloroquine, sans parler des mensonges et des réponses dilatoires ou ambiguës assénées (accord de proximité) avec un aplomb sans vergogne … N’en jetez plus mais…
    RESTEZ CHEZ VOUS !
    Salut et Fraternité

  3. faconjf

    Bonjour,
    Tous le savaient, « C’est une « note pour Mr Emmanuel Macron » de cinq pages, datée du 5 septembre 2016 et présentée comme « confidentielle ». Rédigée par le professeur Jérôme Salomon, elle a été transmise le lendemain par mail à l’équipe de campagne du candidat (pas encore déclaré) à la présidence de la République.  » La suite ici:
    https://www.lopinion.fr/edition/politique/epidemie-france-n-est-pas-prete-professeur-salomon-avertissait-214841
    RIEN n’a été fait, pire ils ont continué à détruire le système sanitaire et les moyens de faire face aux crises épidémiques ou/et attentats prévisibles.
    Pas grave, l’union sacrée et les merdias aux ordres travaillent sans relâche à restaurer l’image du « Mozart de l’économie » et lorsque le monstre Cov se fera plus discret il remontera sur son trône et avec les honneurs.
    Boris Vian nous l’avait déjà chanté dans sa java des bombes atomiques.
    « …
    Je suis bien convaincu
    D’avoir servi la France
    On était dans l’embarras
    Alors on l’condamna
    Et puis on l’amnistia
    Et l’pays reconnaissant
    L’élu immédiat’ment
    Chef du gouvernement. »

    Vous avez aimé la saison 1 de cette saga aux allures de film catastrophe, vous aller adorer la saison 2 haletante et pleine de rebondissements qui débutera en juin 2022.
    RESTEZ CHEZ VOUS.
    Salutations républicaines

  4. Bernadette

    @ faconjf,
    Acte 2 en 2022. C’est quoi ?

    1. faconjf

      Le deuxième quinquennat du méprisant

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