FRACTURE D'IDEAL

Thu, 10 Nov 2005 00:00:00 +0000

Les sections ont voté. Dans un climat parfois très tendu, dans la confusion ou dans la sérénité nécessaire à la conclusion d'un véritable débat. La participation aura démontré que les militants savaient aussi être, le moment venu, des citoyens. Il leur a fallu une bonne dose de patience pour supporter pressions diverses, débats bloqués, représailles potentielles, querelles de personnes, tricheries volontaires ou involontaires avant de glisser leur bulletin dans l'urne.

En effet, les socialistes cultivent avec passion le sens du paradoxe. Ils se plaisent particulièrement à se déchirer au nom de l'unité. C'est ce qui fait leur charme et leur faiblesse. Ce scrutin, placé par tout le monde sous le signe du rassemblement, aura consacré une véritable fracture. Pas une fracture provoquée par un choc frontal de cultures, mais une fracture de  » fatigue  » des idées. Il est en effet bien difficile de faire bouger des frontières, protégeant surtout le pouvoir en place. Il ne faut pas espérer contester trop vivement. Au sein des socialistes, vient de se produire une nouvelle fracture d’idéal. Elle risque de connaître un développement durable !

Le  » légitimisme «  aura en effet constitué le plus précieux des arguments durant les dernières semaines. Il correspond à un sentiment profondément ancré dans un parti marqué par la peur du  » coup d'Etat permanent « . Michel Rocard, qui désormais prône le  » respect des chefs  » avait été laminé à plusieurs reprises par cette certitude : au P.S. il ne faut jamais avoir raison avant les autres !

Les leçons de ce scrutin sont donc très claires, et auront des conséquences indirectes fortes. Avec 30 ans de militantisme politique, dont 27 dans la minorité, j’ai acquis une certaine philosophie de congrès. Elle consiste à se résigner à l’inaction durant les périodes pré-électorales.

La première a valeur de symbole : ce n'est plus, en politique, l'électeur qui a raison, mais le militant. En fait, en confirmant la prédominance de ce dernier dans le jeu, le P.S. aura beaucoup de mal à se réconcilier avec le premier. Les élections partielles se succèdent d'ailleurs depuis des mois, et le fossé ne se comble pas. La flambée des banlieues ne va d'ailleurs pas arranger les choses. Il faudra maintenant beaucoup de persuasion pour faire sortir de son canapé, un jour de scrutin, le peuple de Gauche. En fait, peu importe si on a raison dans la population, puisque le pouvoir ne bascule que  par la seule volonté des adhérent(e)s.

La seconde leçon, c'est que ce résultat ouvre une longue période de turbulence. Le conseil d'administration de la maison P.S. ne sera plus composé que de chefs potentiellement candidats au fauteuil présidentiel. Les alliances de personnes ne se feront plus au Mans, sur les textes, mais autour des personnalités de la motion majoritaire. N'ayant plus besoin de négocier avec quiconque, elles pourront paisiblement, entre elles, à l'intérieur de la famille, régler les détails des ralliements potentiels. Or on sait qu'il n'y a pas pires querelles que celles qui rongent les familles, surtout quand il y a du  » bien  » à partager. Tous les analystes vous l'expliqueront : la gestion d'un groupe trop nettement majoritaire est plus difficile que quand la marge de man?uvre est mince. La solidarité de survie consolide des collectifs. Celle de confort les disloque. La guerre des chefs putatifs va débuter dès cette fin de semaine puisque le TSF (tout sauf Fabius) a fonctionné à plein…

La troisième tient dans une remarque que l'on prête à Staline quand on lui parla de l'entrée potentielle du Vatican dans la dernière guerre mondiale :  » Le Vatican ? Le Vatican ? C'est combien de divisions ?..  » Ce vote aura en effet démontré que les sections  » vaticanesques  » n'ont plus leur place dans un parti de  » Panzer divisions « . Le P.S. a ainsi confirmé son ancrage urbain quasi exclusif. Il suffit de « contrôler » quatre fédérations pour contrôler tout le reste du territoire. Bouches du Rhône, Nord, Pas de Calais et Paris sont les clés de voûte du pouvoir. Pessac, Mérignac, Léognan, La brède pour un camp; Floirac, Cenon, Lormont, Saint Ciers sur Gironde? pour l'autre suffisent à régler le cours des événements. Les autres ne sont que les harkis de service.

Comme la Rive-Droite girondine, à dominante ouvrière, s’affaiblit lentement comme dans le pays, les cadres moyens issus du secteur public ou des ex-entrepises nationalisées prennent peu à peu le dessus. dans le sillage des élites. Ce congrès aura consacré la » fonte » de la pensée ouvrière dans le P.S. Elle n’a plus qu’une part faible dans les organes de décision…et un rapprochement entre les « penseurs » de la motion 5 et ceux de la motion 1 soit entre Montebourg-Peillon et Hollande-Strauss Kahn n’est pas à exclure, au nom d’une alliance intellectuelle triomphante.

Les communiqués victorieux ne changeront rien aux réalités inquiétantes de ce résultat. Elles peuvent renforcer une direction, mais affaiblir le parti. Elles peuvent consolider des ambitions personnelles, mais ravager l'intérêt collectif. Elles peuvent magnifier le statut de François Hollande, et le contraindre à d'âpres négociations pour résister à la montée de leaders ayant désormais le champ libre. Elles peuvent générer une cohabitation entre deux philosophies très éloignées, que le pays ne réconciliera que dans le combat électoral.

La minorité attendra des jours meilleurs, c'est à dire ceux ? qui déchanteront pour la majorité. Il reste à espérer que l'espoir ne change pas trop de camp de la gauche. Les prochaines partielles en offriront, pas à pas, l'illustration, car quoiqu'on en pense, c'est le Peuple qui a toujours raison.

Mais je déblogue

 

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