VU DE PARIS

Thu, 08 Dec 2005 00:59:00 +0000

La venue de représentants des Ministères sur le terrain, hors visite  » préfabriquée  » pour les médias, constitue désormais un événement. On est habitué, depuis quelques semaines, à des débarquements commandos, sous les regards complaisants des caméras, mais les véritables réunions de travail, avec du temps et du dialogue, relèvent de l'exception confirmant la règle. Hier pourtant, dans ce contexte particulier, Créon accueillait une délégation regroupant, fait rare, des représentants de trois Ministères différents venus chercher des informations sur le terrain en matière de développement économique à travers le tourisme. Dans une période où seules les grandes initiatives spectaculaires comptent, la France d'en haut commence à prendre conscience que le développement durable passe aussi par la valorisation de filières. Elle s'éveille à la mise en réseau d'initiatives de base, dont on sait qu'elles peuvent mieux résister aux effets des crises économiques répétées que les macros actions.

GONFLER SES AMBITIONS .-
Malheureusement il faut admettre que, pour être crédible, et donc entendu, il faut  » gonfler  » ses ambitions. Annoncez que vous ouvrez 50 ou 100 ha de zones d'activités, et vous serez écouté. Clamez que vous allez accueillir une usine, et vous serez apprécié. Affichez des créations d'emplois massives, et vous serez respecté. Peu importe la  » durabilité  » de ces prétentions : l'essentiel réside dans l'impact temporaire de cette victoire que représente l'arrivée d'une entité conséquente.  Créer de l’emploi, c’est faire le meilleur « social ». Il est donc  le privilège du monde économique ! Le chef d’entreprise doit en être remercié, encensé, glorifié…Sauf qu’ensuite, au moment des plans sociaux, des délocalisations, des réductions d'effectifs, des ventes et des reventes des entreprises, on laisse le soin à la puissance publique d'assumer les dégâts… sociaux. Les bénéfices ont été distribués. Les patrons ont été mutés. A la collectivité de proximité de panser les plaies et de pallier les carences. Pourquoi la cour des comptes, au lieu de surveiller le taux d’endettement des communes, ne se pencherait-elle pas sur les dépenses publiques accordées, en matière de création d’emplois, en les comparant au coût social des suppressions d’emplois? Les Ministères, eux-mêmes, comme d'ailleurs les  » grandes  » collectivités locales, n'évaluent que très rarement les retombées réelles de leurs soutiens ou de leurs aides. Les exemples sont tellement nombreux que les démonstrations sont quasiment quotidiennes, sans que l'on rappelle, pour autant, l'antériorité des efforts déployés pour implanter les? partants. Ainsi des équipements gigantesques en matière de loisirs et de tourisme s'effondrent, alors que l'on espérait qu'ils redresseraient la situation de zones sinistrées. Ils sont ouverts en fanfare et liquidés en catimini.

Le partage entre le politique et l'économique n'a jamais été très clair dans notre pays. Nul ne veut plus entendre parler de collectivisation des moyens de production ou de distribution, mais chacun sait pourtant que le libéralisme intégral génère l'insécurité permanente pour les producteurs et les distributeurs?Alors, on navigue à vue.

Je rencontre beaucoup de  » politiques  » qui badent le monde des  » grands patrons  » en tentant de les séduire, de les subjuguer, de leur démontrer que, bien qu'étant de gauche, ils savent apprécier les qualités du monde économique. Une sorte de danse du  » ventre « , destinée à nourrir leur ego. Le  » politique  » veut absolument démontrer qu'il est, lui aussi, un excellent  » gestionnaire « , alors qu'on ne lui demande que de participer au progrès social, en offrant aux responsables économiques un contexte favorable à l'exercice de leur métier. La confusion des genres n'a jamais été profitable à l'efficacité. Elle entretient le fait du Prince.

DONNER DES OUTILS.-
En choisissant de donner des outils concrets (infrastrucures routières, haut débit, aéroport, port, ferroutage…) aux initiateurs du développement économique, les élus font leur boulot.

Ainsi, en construisant la voie verte Roger Lapébie, le Conseil général a ouvert une forte opportunité de création d'une filière. C’est décisif. En construisant des lieux d'accueil, en les mettant en réseau, en effectuant leur promotion, les collectivités (Communes, communauté, Pays, Office de Tourisme) accentuent la qualité des éléments mis à disposition des acteurs du territoire d'Entre Deux Mers. Elles ne pourront guère aller plus loin.

Ce ne sont pas elles, cependant,  qui vont recevoir les touristes dans leurs chais, qui vont ouvrir les commerces en fonction des jours et heures de fréquentation de la voie verte, qui vont créer des services, qui auront les moyens humains de développer des chambres d’hôtes, des gîtes? En ne sachant pas nécessairement mettre des limites à leurs aides, à leur implication dans un secteur régi par une loi du marché, plus ou moins rude, les collectivités entretiennent l'illusion d'une réussite peu durable.

Dans le secteur du tourisme, il n'est pas inutile de reconnaître que la micro activité a davantage de chance de perdurer et de résister que celle soumise à une forte concurrence internationale. La multiplication des facettes d'une filière se révèle finalement plus porteuse que l'unicité d'une production. La polyculture a ainsi permis à des propriétés de se sauver. La diversification de ses acheteurs aussi. Pour l'avoir oublié, bon nombre d'entreprises se retrouvent du jour au lendemain en difficulté.

La délégation ministérielle n'était pas passée hier par Créon pour trouver une solution miracle, mais une volonté de créer une dynamique sous des formes différenciées mais cohérentes. A partir de ses atouts diffus mais réels, un territoire peut, en effet, bâtir un projet à sa mesure.

Certes, c'est ingrat et usant, mais si des gens de Paris se déplacent un jour pour en discuter et l'observer, c'est que, quelque part, on peut avoir un espoir de ne pas être taxé d'utopisme béat.

< span style="font-size: 10pt; color: #000000;">Mais je déblogue?

 

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