Une occasion d'ouvrir ma gueule!

Il y a quelques jours, dans l’émission des « Grandes Gueules », bien poujadiste et franchouillarde de RMC, j’ai été taillé en pièces en direct, et avant même que j’ai pu m’exprimer comme invité. Il paraît que cette habitude, consistant à bouffer de l’élu de tout niveau, constitue le fonds de commerce de ce qui ressemble davantage aux jeux du cirque médiatique qu’à une confrontation loyale d’idées.

Il est vrai que j’avais été sollicité pour m’exprimer sur une utilisation possible de la taxe carbone, visant à inciter nos concitoyens à se déplacer à vélo : un sujet pas très « bandant » comme ils disent! Vous vous imaginez, au pays des 4×4 triomphants et des bagnoles pour gens fortunés pouvant acquitter sans aucun problème particulier le surcoût des produits issus de l’énergie fossile, combien un zigoto, en plus totalement méconnu de ces philosophes de la vie quotidienne, pouvait les intéresser… Sainte Blandine jetée aux lions du cirque! Ils eurent tôt fait de railler les mesures incitatives qu’ils ne connaissaient point,  mais qu’ils résumèrent vite en une idée aussi brillante que « la prime à la semelle » pour celles et ceux qui marcheraient à pied pour se rendre à leur boulot (entreprise, administration, école, collège, lycée, université) ou en courses, ou tout bonnement pour entretenir leur santé!

Or, il se trouve que mercredi et jeudi j’ai représenté le Conseil général de la Gironde, très en pointe en matière de construction de pistes cyclables en site propre (le premier de France en nombre de kilomètres), aux rencontres des départements cyclables à Annecy, pour les rencontres nationales des Départements cyclables. Une manifestation de laquelle les « Grandes Gueules » étaient absentes, mais où une certaine impatience commençait à gagner les esprits et à faire monter le ton.

En effet toutes les études, toutes les statistiques, toutes les projections ressassent la même conclusion : le vélo doit retrouver une place dans une société empêtrée dans des déclarations contradictoires. Elle s’enthousiasme pour les déclarations souvent mercantiles et enflammées de Nicolas Hulot (voir le Canard Enchainé de cette semaine), dresse des louanges à Daniel Cohn Bendit après l’avoir haï, se passionne pour la fonte de la banquise ou la disparition des ours blancs, se lamente sur le réchauffement climatique qui va noyer les Maldives, se révolte contre les effets de serre, mais oublie que, faute d’un changement radical de ses modes de vie individuels, cette société de grandes gueules conduira la planète à sa ruine.

Jamais le vélo, pour les déplacements de proximité (moins de 3 kilomètres et jusqu’à 5 kms), n’a été aussi décisif dans cette mutation. Et il n’y a rien de « nase » ou de « ringard » ou de « débile » dans une proposition visant à contribuer, tout bonnement, à la mise en œuvre de ce qu’il faut bien considérer comme une politique courageuse, mais… qui permet seulement de prendre en compte des constats objectifs. Restituer la prime carbone pour acheter encore plus de gazole, d’essence ou payer le permis de chasser, c’est se tirer une balle dans le pied! La restitution doit être affectée!

En 2007, les collectivités territoriales de base (communes et intercommunalités) ont dépensé 238 millions d’euros pour créer, gérer et animer les déplacements à vélo. Il faut y ajouter 228 millions d’euros pour les conseils généraux et régionaux, 118 millions pour les fédérations et 170 millions pour tous les événements... Ces efforts sont à mettre en parallèle avec ceux d’un État qui contemple l’évolution après avoir tenu « son » Grenelle de la communication environnementale, mais qui met à peine 15 millions dans ce secteur des déplacements ! Au total, avec une grille d’évaluation objective, on atteint un gain de plusieurs milliards d’économies environnementales sur une seule année, une diminution considérable de la consommation d’espace (25 m2/ heure pour une voiture qui se déplace contre 0,6 m² pour un vélo), 1000 euros d’économies pour le système collectif, et 1,21 € par kilomètre parcouru pour l’ensemble du système de santé pour un cycliste préférant 30 minutes de déplacement vélo ou pédestre à l’utilisation de son automobile… Et on arrive ainsi à ce que, malgré un très faible taux d’utilisation de la bicyclette, une étude nationale qui sera présentée le 3 octobre prochain, permet de chiffrer à 7,2 milliards l’impact économique direct ou indirect de la pratique actuelle du vélo en France ! Bien évidemment, tous ces chiffres considérables ne changeront rien aux railleries des grandes gueules de tout poil, qui se moqueront des 60 contrats familiaux de déplacements vers l’école signés à Créon, des 4 000 vélos loués sur le modeste Point Relais Vélo de Créon, des 50 000 passages sur la piste Lapébie, des 2 kilomètres de pistes cyclables en site propre et à double sens, desservant tous les équipements sociaux communaux.

Être « grande gueule », c’est surtout parfois avoir de l’appétit et en l’occurrence un appétit d’avenir. Pas le nôtre, mais celui des enfants et petits enfants auxquels, selon un constat de Saint Saint-Exupéry, nous empruntons la terre.

A Annecy, des centaines d’élus, de techniciens et d’associatifs, comme ce sera le cas du 7 au 9 octobre prochain, sous « ma » présidence et en présence du secrétaire d’État aux transports à La Rochelle, pour le Congrès national des villes et territoires cyclables, ont constaté combien le décalage entre l’indifférence gouvernementale et la motivation du terrain est important. Mais que font les « Grandes Gueules », les vraies, celles qui préoccupent les écrans des télés et qui bavent sur un Grenelle de dupes!

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Interview

Cet article a 4 commentaires

  1. Dominique Trento

    Emission désolante et bravo pour avoir gardé votre calme et pour vos arguments.
    J’espère que les habitants du canton de Créon pourront profiter de cette politique publique dans leur déplacment scolaires et professionnels.
    Cordialement

  2. daniel PALACIN

    Bravo encore pour l’argumentaire,
    mais Créon c’est Créon.
    Tant mieux si Jean Marie DARMIAN élu local, citoyen de chez citoyen a développé cette idée que le vélo est un outil extraordinaire,seul moyen de transport avant l’invention de l’automobile, de retour aujourd’hui comme nourriture politique pour l’écologie,virer les bagnoles des centres villes…
    Toutes ces actions sont louables, défendables, la mobilisation existe, le raccordement des différentes pistes cyclables en site propre avance.
    Vous nous complétez tout cela par des chiffres des études des pays Européens qui l’ont mis en place depuis longtemps.
    Et après…le résultat final si l’on en connait l’échéance c’est quoi.
    Une très bonne réinsertion du vélo dans le mode de déplacement de nos citoyens avec tous les avantages qu’ils vont y trouver.OK
    Mais franchement pensez-vous faire diminuer la vente des 4×4, le binz sur les quais, la rocade, l’impossibilité de stationner en centre ville, même les artisans ne veulent plus y aller travailler,…
    Le chiffre qui serait intéressant de connaitre, c’est celui en pourcentage que LA PROMOTION DU VELO DANS NOS MODES DE TRANSPORTS IMPACT par rapport à d’autres solution dont on sera obligé à long terme d’envisager.
    L’entreprise a bien compris qu’elle doit se remettre en question par rapport à une nouvelle époque une nouvelle donne économique et sociale, mais les grandes villes sont dans l’impasse par leur conservatisme de leur patrimoine entre autre.
    Ce n’est pas le vélo qui va tout régler.
    Nous voulons avancer s’adapter aux conditions démographiques actuelles accélérer l’urbanisation de besoins en partant d’un existant du temps justement des vélos.
    Les exemples sont nombreux en ce moment,
    tout ce que l’on ne sait pas faire dans bordeaux va atterrir à Bordeaux Lac:
    Camping, stade, Zénith
    Mais pire le PB de Bordeaux Lac c’est qu’au niveau automobile c’est carton rouge aussi, on ne pourra pas drainer la circulation correctement.
    Enfin encore un exemple à Bruges (pour changer), on agrandit comme souvent un centre médical accolé à un centre de remise en forme et un groupement de Kinés.
    Les travaux sont réalisés en grande partie sur les parkings existants.
    Seulement le problème c’est que cela ne va pas mobiliser plus les gens à prendre leurs vélos, mais comme le stationnement sera réduit à sa plus simple expression le quartier va devenir invivable.
    Oui je sais moi aussi j’en possède un vélo, mais franchement JMD je préfère quand vous nous parlez d’autre chose que de votre « marotte », le vélo.

  3. J.J.

    C’est vrai que le vélo ne réglera pas tout les problèmes : ça n’empêchera pas les zozos de se déplacer en 4X4, certaines viles ne peuvent pas y accéder facilent (pentes à 14 0/0, il faut avoir des molets d’auvergnat !).
    Mais là où c’est possible, pourquoi ne pas faire le maximum pou l’encourager, le vélo ?

    Il existe des concepts : Karapat, Karavélo, Pédibus, qui, avec le soutien des enseignants, des municipalités, l’implication des parents d’élèves organisent des ramassages scolairs à pied ou en vélo, désengorgeant ainsi les abords des écoles. C’est un bon début et un bon exemple.

    C’est vrai, on ne réglera pas tous les problèmes avec le vélo, mais ça peut contribuer à faire bouger les choses.

    Quant aux gens de « Grosses Têtes », savent-ils qu’on peut, sans tomber dans la misère, se déplacer autrement qu’avec des véhicules de grande remise ?

  4. J.J.

    Edifiant l’interview !

    Malgré la sottise de certains interlocuteurs, ça a quand même permis de donner une « dimension nationale » à ce projet.

    Je ne suis pas auditeur des « grosses têtes », je ne les connais donc pas mais je serais curieux de savoir quels sont les brillants humanistes qui disaient avec véhémence leur opposition à ce projet.

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