L'estocade vient toujours après les piques

Le document qui a été transmis par le Ministre de l’éducation nationale est véritablement le plus révélateur qui puisse exister sur la gestion actuelle du pays. Il constitue une preuve irréfutable de la mise en place d’un plan réel de démantèlement du service public d’éducation. Il définit non seulement des objectifs, mais une méthode démultipliable par des fonctionnaires zélés, sous pression et prêts à tout pour sauvegarder leur avenir. C’est, en définitive, l’acte de mort d’un enseignement public offrant l’accès pour tous à un service public de qualité. C’est exactement le même processus que mettent en œuvre les patrons du CAC 40 quand il s’agit de détruire une entreprise et de réaliser des milliers de suppressions d’emplois. J’ai la certitude qu’un cabinet privé spécialisé a rédigé ce qui est une véritable déclaration de guerre à l’école laïque. En mettant en lambeaux le système actuel, déjà bien malade, le plan va simplement favoriser le secteur privé. Un double effet en est attendu.
D’abord celui qui permettra de détruire des milliers de postes pour « économiser » financièrement sur un budget jugé excessif. Ensuite décrédibiliser au maximum l’école publique, afin de favoriser, par opposition, l’enseignement privé à tous les niveaux !
La démarche a débuté depuis des années, mais elle entre dans la phase finale. Toutes les mesures Darcos ressemblaient aux piques que reçoit un taureau dans l’arène avant que le matador l’achève… Il a donné le tournis à tous les enseignants, en jouant sans cesse avec l’avenir des uns et des autres, en réformant sans cesse les programmes, en accumulant de faux diagnostics, en opposant les niveaux, en démolissant la formation initiale, en accompagnant la privatisation et surtout en méprisant les professeurs de tous rangs… au prétexte qu’il avait été l’un des leurs ! Chatel a le redoutable privilège de porter l’estocade !La liste de ces « gisements d’efficience » (sic), détaillés dans une douzaine de fiches, fait froid dans le dos : augmentation du nombre d’élèves par classe, suppression des Rased (les maîtres spécialisés dans la difficulté scolaire), « mise en extinction » des psychologues scolaires, baisse de la scolarisation des moins de trois ans, fermeture des petites écoles rurales, recours accru aux étudiants vacataires pour assurer les remplacements… Pour chacune de ces pistes, les recteurs doivent chiffrer les « économies réalisables », un bilan global devant être fait le 15 juin soit la semaine prochaine. Il faut que tout soit bouclé avant la fin juin, afin que les examens d’abord, et les vacances ensuite, anesthésient les réactions d’un corps enseignant déjà résigné et inorganisé ! La seule recommandation du ministère aux recteurs est de réaliser ces objectifs comptables « sans dégrader les performances globales ». C’est purement de la gestion financière et même comptable de la pire espèce, celle qui méprise l’humain pour se consacrer aux chiffres ! L’illustration du libéralisme reposant sur le fric, et le mépris absolu des valeurs autres que celles du profit, protégé au nom d’une idéologie de caste.
Absolument aucune référence à la réussite scolaire n’est contenue dans cette méthode de gestion des ressources humaines. Elle ne préoccupe plus personne, puisque les parents qui le pourront, enverront leur progéniture vers des établissements pouvant gérer à leur guise les effectifs des classes. C’est là, l’astuce de base : empiler les enfants d’un coté afin de détériorer au maximum les conditions de l’enseignement, déstructurer la semaine scolaire, pour transférer vers les familles et les parents le financement de ce qui revient jusque là à l’Etat, transformer l’école en déversoir de savoirs inutiles, pour réserver l’éducation intelligente à ceux qui auront la liberté de la mettre en oeuvre… Ce plan financier va alimenter une fracture sociale dont on paiera le montant dans deux ou trois décennies. En fait, pour réduire « sa dette financière », le gouvernement actuel va générer une « dette sociale » beaucoup plus durable, et surtout beaucoup plus dangereuse !
En une période où l’on sait que le savoir n’est plus la clé de la réussite, on va accentuer l’inégalité dans les domaines des apprentissages qui font véritablement la différence. Il n’y a que les parents qui ne peuvent pas imaginer l’école autrement qu’ils l’ont subie, qui ne se préoccupent pas de la capacité de leurs enfants à communiquer entre eux, ou avec l’extérieur; à être autonomes dans leurs recherches, dans leurs passions, dans leurs choix; à être responsables de leur parcours; à être aptes à s’intégrer par la culture ou le sport dans la vie sociale. Avec des effectifs pléthoriques, des niveaux fossilisés, des ruptures n’ayant aucun lien avec l’évolution des enfants, l’absence totale d’accompagnement des plus en difficulté, dans une course d’obstacles sélective, rien ne sera plus possible. Le gouvernement y va donc sans retenue puisque, aux mesures énoncées ci-dessus, il faut ajouter la suppression des assistants étrangers en langue dans un pays où l’on sait bien que le niveau est faible dans ce domaine. Seules les familles ayant conscience de l’intérêt des apprentissages d’une langue étrangère, et qui pourront payer, donneront cet atout à leurs enfants. Il en ira de même pour tout le reste ! Tuer un mammouth est une affaire longue et difficile. Il faut lui porter de nombreux coups pour espérer le mettre à genoux, et s’acharner ensuite pour lui ôter toute vie. Il n’y a pas, dans ce type de lutte, une frappe mortelle unique, mais une multitude de blessures qui, additionnées, vont conduire à la paralysie puis à la mort du « monstre ».
Dans une lettre ouverte datée du 14 décembre 2008, diffusée par divers relais dans toute la France, j’avais annoncé cette mort prochaine de l’école publique… mais lentement et purement, elle s’est noyée dans l’indifférence. Le 19 juin, j’invite tous les parents, tous les élus, tous les enseignants, à participer à un « petit » sursaut de résistance, en plantant le premier arbre français de la laïcité à, 11 h 30 à Créon. Certes, ce ne sont que des symboles, mais je n’ai pas les moyens suffisants pour lutter contre un plan ministériel de démantèlement d’une telle ampleur. En cette période de désinformation, de passivité, de ratios déshumanisés, il faut exiger la « sanctuarisation » de l’éducation. Mais qui est prêt à se mobiliser pour agir au lieu de polémiquer ? Première réponse le 19 juin prochain. Ce matin là, à Créon, on ira, je l’espère, vers une augmentation des effectifs… faute de quoi, je crains le pire !

Cet article a 3 commentaires

  1. quinquin

    Nous ne sommes plus dans des ratios…Mais dans le démantèlement de ce que nos anciens ont créé. Et personne ne bouge ! Mias faudra-t-il que la rue parle à nouveau..Je ne parle pas de ces pseudos-manifestations où chaque syndicat chemine de son côté…Mais de la vraie rue : Celle du peuple ! comme 1848, en 1870, en 1910, en 1936, en 1948, en 1968….A vous de voir cher politicien !
    A++++++

  2. danye cortot

    Ces pseudos-manifestations font tout simplement rire le Seigneur Nain  » Quand le peuple se réveillera ..nous verrons les massacres arriver mais pas de suite encore …..le bonheur coule dans les chaumières…le festif n’est pas encore mort complètement ..nous marchons tous bien serrés vers l’abattoir. Politique ..politique …mascarade..promesses non tenues , les gens seraient ils devenus des drogués pour rester aussi endormis ??

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