A chacun son lapsus révélateur

Il existe au moins trois personnalités politiques qui vont rallier le camp du philosophe iconoclaste, Michel Onfray. Il est certain que personne n’en parlera dans la presse bien pensante, car ce serait transformer en événements ce qui ne serait que des erreurs ordinaires. Rachida Dati, Luc Chatel ou Eric Woerth vont se rallier aux thèses du philosophe voulant que, selon lui, Freud, le père de la psychanalyse, « n’a jamais soigné ni guéri ses patients ». Il légitime « la misogynie et l’homophobie » et se révèle « un compagnon de route du césarisme fasciste autoritaire de son temps » et « il a fait par exemple une dédicace élogieuse à Mussolini ». Freud fut en effet un grand spécialiste de l’analyse du lapsus, ce phénomène qui frappe les gens qui comptent, quand ils oublient qu’ils sont devant un micro. C’est en effet le précurseur de la psychanalyse qui fit connaître au grand public l’existence de l’inconscient, et les signes qu’il envoie comme les actes manqués, entre autres… Dans son livre Psychopathologie de la vie quotidienne, Sigmund Freud met en lumière les différentes formes… d’actes manqués, et accompagne ses découvertes de nombreux exemples. Le livre compte plus de 300 exemples d’actes manqués de la vie quotidienne, mais pas ceux auxquels nous venons d’assister. Il faut donc tuer Freud pour éviter que des interprétations soient possibles dans le contexte déjà désastreux pour l’UMP.
“J’ai lancé toutes les procédures pour renforcer la fraude fiscale” avait lancé dans un sursaut de parler vrai Éric Woerth, en direct de l’antenne de RTL le 27 juin dernier. Invité dans l’émission de Jean-Michel Apathie, “Le Grand Jury”, le ministre du Budget entre 2007 et 2010, s’exprimait sur l’affaire Bettencourt. Il s’est trouvé lié au dossier suite à différentes révélations concernant : l’absence de contrôle fiscal sur la fortune de Liliane Bettencourt lorsqu’il était Ministre du Budget, le rôle de sa femme, Florence Woerth, conseillère financière, employée par la société qui gère la fortune de la femme la plus riche de France, sa fonction de trésorier de l’UMP ayant accepté des dons de la part de la propriétaire de l’Oréal. Plus personne ne parle de ces faits, et de ce lapsus linguae qui, dans le fond, n’était qu’un aveu implicite du rôle que ce brillant orateur a pris au service de l’action présidentielle. Alors qu’il s’expliquait sur ces liens présumés avec l’affaire politico-judiciaire, et sur son combat en tant que ministre du Budget contre les niches fiscales, ce lapsus inopportun lui a échappé… mais il était révélateur ! On le conservera pour une instruction judiciaire qui n’aura jamais lieu. Eric Woerth a été condamné à la fermer, afin qu’il ne fasse pas un nouvel impair sur les retraites, et pour donner le temps de tenter de masquer derrière la fabuleuse manipulation sur la menace terroriste, les turpitudes financières d’un ministre de la république.
Depuis hier, à la collection lapsus, il faut ajouter celui de Lux Chatel, le sinistre de l’Education nationale, réputé le chouchou du petit Nicolas (pas celui de Sempé mais celui de l’Elysée). Ambitieux en diable, ce jeune homme y est allé de sa prédiction politique. Il s’est très brièvement bombardé Premier ministre, le temps d’un lapsus aussitôt rectifié, alors qu’il s’ingéniait précisément à démentir toute ambition ou tout intérêt pour Matignon… comme le lui demandait la communication élyséenne. Interrogé sur RCJ sur le remaniement gouvernemental annoncé pour novembre, et sa présence sur la liste des éventuels remplaçants de François Fillon, l’enfant prodige mais pas prodigue pour l’école, s’est refusé à faire de la « politique fiction ». Un peu comme Woerth s’était ingénié à expliquer que ce qu’il affirmait était la vérité ! « J’ai toujours fait en sorte de garder du recul et de garder la tête froide (…). Ce qui me préoccupe, moi, c’est mon domaine ministériel. Le président de la République il m’a nommé Premier ministre… » ajoutant aussitôt « il ne m’a pas nommé Premier ministre, il ne m’a pas demandé de me préparer à la fonction de Premier ministre, il m’a demandé de m’occuper de l’Education nationale », a poursuivi le porte-parole du gouvernement, « c’est ça qui me préoccupe et rien d’autre, malgré les lapsus ». Ouf ! On a eu chaud… et voici tous les prétendants au fauteuil rassurés sur leur avenir. Chatel doit se mordre la langue d’avoir révélé son ambition prématurée, car la Chef de l’Etat français risque bel et bien de prendre le lapsus pour une erreur politique ! Il reste cependant que ce genre d’aveu implicite ne va pas faire couler autant de… salive que celui de Rachida Dati, pour laquelle l’économie n’a pas de secret.
Reçue sur Canal+, l’ancienne garde des sceaux se lance dans une vivre critique des fonds d’investissements étrangers, quand sa langue fourche : « Quand je vois certains qui demandent des taux de rentabilité à 20,25 % avec une fellation quasi-nulle ». Au secours, muselons vite Freud et ses interprétations de ce genre de confusion, car les risques sont trop grands quand on revoit l’émission et le passage sur les questions liées aux affaires de cœur de l’Elysée. On lui accordera le bénéfice du doute, et d’une élocution rapide. N’empêche que celui ci s’inscrira dans l’histoire comme ceux de Kouchner, confondant le 8 juillet 2009 sur France info le mouvement autonomiste dans le cadre de la répression chinoise d’un mouvement autonomiste les « Ouïghours » et les « Yogourts », ou celui d’Obama qui a vu les GI débarquer sur « Obama Beach » le 6 Juin 2009 ! Heureusement que toutes ces erreurs, strictement involontaires, ne sont pas interprétables et sont absolument sans intérêt dans ce monde de la raison pure et… de la langue de bois.

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