Prudence, éthique, déontologie : la télé est sauvée!

Il existe un principe dans la vie publique qui devrait servir de règle aux rapports entre les femmes et les hommes qui y gravitent : « ne fais jamais aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse ». Ce serait plus sincère et plus simple et c’est donc forcément utopiste. Il faut savoir toujours se méfier des condamnations outrancières, des indignations exagérées, des accusations tapageuses, des méfiances viscérales…et chaque matin en se rasant pour les hommes, en se maquillant pour les femmes, il est préférable de bien se regarder dans les yeux pour savoir si l’on a véritablement la conscience si paisible que ça ! Ainsi, je suis de ceux qui condamnent sans aucune ambiguïté les mesures de « méfiance déplacée » qui frappent de manière détestable les femmes des hommes qui participent à la vie politique nationale. Actuellement, elles sont interdites d’antenne, au prétexte fallacieux qu’elles pourraient avoir une attitude partisane dans l’exercice de leur fonction. Une sorte de procès d’intention qui met en jeu leurs qualités professionnelles a été institutionnalisé, et le verdict fait jurisprudence de manière absurde. En fait, le « couple » devient mortel pour les…femmes journalistes, comme si l’exercice d’un métier répondait uniquement aux relations que l’on peut avoir avec une personne étrangère à l’entreprise dans laquelle on travaille. .. C’est la promotion canapé inversée. Il vaut mieux coucher avec un acteur, un Président de la République, un footballeur, un directeur de chaîne, être le compagnon d’une Ministre, que de partager la vie quotidienne d’un ex-futur candidat à la Présidence de la République…
Après Anne Sinclair (compagne de DSK) et Béatrice Schoenberg (compagne de Borloo), Audrey Pulvar, a donc été privée d’antenne sur i-TELE, après l’annonce de la candidature d’Arnaud Montebourg à la présidentielle. On s’indigne vendredi, dans une tribune à Libération, de ce « procès permanent en incompétence » fait à toutes les femmes. Dans le fond, il aurait mieux valu qu’elle devienne une maîtresse de 5 à 7 d’un homme politique important, ou qu’elle déjeune avec lui pour prendre les consignes, plutôt que de s’installer sincèrement dans une liaison qui devient dangereuse. Le pire, c’est que ce sont toujours des femmes qui sont « sanctionnées ». La journaliste d’I Télé s’indigne de « ce procès permanent en incompétence, manque de maîtrise ou hystérie », fait à toutes les femmes, au-delà de son cas personnel. « Ainsi donc, au-delà de mon cas aujourd’hui, une femme serait encore condamnée à penser comme et par son compagnon. Elle serait toujours incapable de s’émanciper, non seulement du jugement dudit compagnon, mais aussi des sentiments qu’elle nourrit pour lui », écrit-elle dans une tribune libre. En fait, c’est son émission qui disparaît de la grille et, encore une fois, on peut se poser des questions sur la motivation.
Arlette Chabot doit jubiler, car elle qui était d’une impartialité parfaite a été virée sans avoir pu séduire un présidentiable. Et pourtant, avec les efforts qu’elle faisait avec certains, elle aurait pu trouver une solution. Tous les mecs copains comme cochons avec les hommes politiques sont, eux, exonérés de toute suspicion. Tenez, ce n’est pas à Jean-Pierre Pernaud que pareille mesure arriverait… Il ne correspond pas aux vraies valeurs que porte la chaîne d’information continue. « C’est une mesure de prudence, d’éthique et de déontologie (sic) », a déclaré sans sourciller le directeur de la rédaction d’I-Télé. Si demain on applique ces critères à toutes les animatrices et tous les animateurs de rendez-vous télévisuels consacrés à la politique il va y avoir des sièges vides sur le petit écran.
Une « mesure de prudence » ? Que ces journalistes n’aient pas à interviewer leur « compagnon » on le comprend, comme on comprendrait que Patrick Ollier, ci-devant Ministre chargé des relations avec le Parlement, ne soutienne pas les initiatives de Alliot-Marie… une affaire « d’éthique » ? On croit rêver quand on constate tous les manquements quotidiens avérés à l’éthique, qui ne choquent personne : reportages bidonnés (ex : interview de Fidel Castro par PPDA), collusion entre le pouvoir et les responsables de l’information (nomination des directeurs par le Chef de l’Etat français), temps d’antenne, entretiens sans aucun contrôle… Et alors, quand on arrive à « l’éthique » on peut se gondoler sur la place publique. Les manquements à une charte d’entreprise se multiplient dans l’exercice même de la fonction, mais ils ne génèrent jamais le départ de celle ou celui qui les a commis. Rares justement sont les femmes qui dans ce métier peuvent être suspectées de connivence avec les pouvoirs et c’est véritablement une insulte faite à leur professionnalisme. En prenant cette décision, les responsables d’I-Télé accréditent justement l’existence officielle de connivences à l’intérieur des rédactions. Ils se contentent de faire un tri révélateur entre des complicités réputées visibles, et se taisent sur celles qui sont dissimulées. C’est aussi admettre un possible lien direct entre la manière dont se déroulent les émissions politiques et les invités qui s’y prélassent. D’ailleurs, vous en conviendrez, quand le Président de la République est interrogé, ses questionneurs ne sont pas un brin suspects de complicité. Mieux, il se murmure qu’il va interdire à son épouse d’aller à la télé, ou à ses Ministres de déposer la liste de leurs connaissances dans le système médiatique. Une sorte de « purge » s’impose ! Au nom de l’éthique et de la déontologie. En attendant, Pulvar est la victime de ce mal qui parcourt les élites administratives, médiatiques et économiques du pays : ne pas prendre le risque de déplaire au Chef de l’Etat français !

Cet article a 2 commentaires

  1. jocelyne Troscompt

    On se croit revenu au siècle dernier où la femme n’avait droit de vivre qu’avec les règles de son père ou de son mari. Les journalistes féminines n’ont-elles pas le droit d’avoir une conscience politique différente de leur compagnon ? Pauvre France, tu régresses !

  2. Michel d'Auvergne

    Ma femme a le droit d’avoir son point de vue: la fenêtre de la cuisine !
    Ne rigolez pas, on en est encore là, c’est pourquoi je ne pense pas que l’on régresse mais plutôt qu’on a pas bougé !
    On a l’air malins avec notre débat sur la « burqua »!
    Bien sûr que je suis d’accord avec Jocelyne.

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