Premieres escarmouches d'une guerre annoncée

Avant la période frénétique de l’élection présidentielle, les Préfets ont reçu comme consigne de boucler avant la fin octobre un document qui va passer au-dessus de la tête de bien des citoyennes et citoyens, englués dans les difficultés croissantes du quotidien : le schéma départemental de l’intercommunalité (SDCI). Il lui faut aller vite, mais en Gironde, la voie a été minée par « l’affaire Seurot » qui a contraint les autorités préfectorales, pressées de charcuter le territoire départemental, à piaffer d’impatience en attendant que l’Association départementale des Maires se mette en ordre de marche.
Privée depuis le 17 novembre de Président, elle ne peut pas participer, comme le prévoit la loi, à une démarche qui ressemble étonnamment à un guet-apens soigneusement monté. Il suffit d’être attentif à ce qui se passe ailleurs, dans des départements où le zèle politicien des représentants de l’Etat a pris le pas sur les considérations sur l’utilité des « suppressions, absorptions, fusions » prévues, dans la perspective de la mise en place des conseillers territoriaux.
Méticuleusement, selon les résultats potentiels des ordinateurs spécialisés, de nouveaux « fiefs » sont en effet en gestation dans le secret des directions des collectivités territoriales. Et des préfets « pressés » ont attaqué avant même que tous les décrets d’application des lois sur la réforme des collectivités territoriales soient publiés. Ils prennent de l’avance pour éviter, selon les informations venant de l’UMP, de fâcher les élus locaux au moment de la campagne présidentielle.
Prenons l’exemple du Gard et de l’Hérault, départements moins importants que la Gironde, mais à la structuration territoriale similaire. L’aventure politique de l’intercommunalité gardoise n’est pas, par exemple, exempte de coups similaires à ceux qui attendent la Gironde, et, bon gré mal gré, avec rebondissements, les contraintes de la faire évoluer selon les critères de la loi, les envies des uns et des autres, élus en tête, le préfet du Gard prépare d’arrache pied sa copie pour présenter « son » nouveau schéma organisationnel vers la fin 2011. Et ça tangue autour d’Alés, entre des décisions contradictoires prises par des conseils municipaux aux intérêts divergents et, bien évidemment, une « métropolisation » élargie qui va faire disparaître des structures existantes, alors qu’elles donnaient des services satisfaisants aux communes concernées. Les élus en sont réduits à manifester sur la voie publique… car ils sentent bien, comme d’autres corps sociaux, que leur avis ne pèsera rien face aux nécessités de la reconquête par la Droite en 2014 des pouvoirs locaux ! La Communauté des communes Autour d’Anduze est simplement menacée de disparition, dans le conglomérat du Grand Alés, présidé par le député UMP Max Roustan, initiateur du projet contesté du Grand Alès, et également coauteur de la réforme des collectivités territoriales… On leur avait assuré que jamais, au grand jamais, ils ne seraient mis de force dans une entité qui supprimera inexorablement leur identité patrimoniale, culturelle, économique , environnementale.
Le schéma exige une réduction du nombre des communautés : le Préfet passe à l’action en sachant que les élus ne pourront rien contre sa volonté, puisque la loi lui donne finalement tous les pouvoirs pour satisfaire l’appétit d’un député important. On a bien vu en Gironde, le député grand démocrate UMP, Garraud, écrire au Préfet, solliciter le Ministre de l’Intérieur pour s’opposer au projet de fusion des communautés de communes du Libournais. On sait bien que certains élus UMP, dans tous les départements, ont été consultés sur leur desiderata, et que quelques-uns se sont lâchés dans des cercles restreints, ou même durant leurs vœux ! Les élus girondins « expérimentés » savent bien que la Communauté du Haut Entre Deux Mers a été sabordée sur ordre d’un Ministre de l’Intérieur très connu…
Partout, les mêmes problèmes montent. Des maires, avec la population, défendent leur commune contre une loi dite de « reforme territoriale » : à Anduze contre l’absorption forcée dans le Grand Alès , à Mailhac contre l’absorption quasi générale dans le Grand Narbonne, dans les communes des Bouches du Rhône, contre l’absorption dans le Grand Marseille , en Indre et Loire contre la dissolution dans le grand Tours… et bientôt, ce sera la situation générale dans tous les départements dans lesquels règne le mythe très « capitaliste » des holdings politiques, transmissibles dans des conseils communautaires devenus des conseils d’administration ! Bien évidemment, c’est du pessimisme politique, car en Gironde tout ira pour le mieux, et les opérations de charcutage ne sont pas sous-tendues par des calculs de pouvoir qui découleront des cantonales.
Qui a prêté attention aux déclarations du leader de l’UMP au Conseil Général, résumant parfaitement ce qui va se produire à marche forcée avant la fin juin ? Lorsqu’il parle de l’objectif des cantonales, il rappelle la réalité du suffrage universel qui dérange, en précisant que cette échéance est: « une étape de la reconquête, car on va se rapprocher de la réalité ; la Gironde, ce n’est pas le rapport 80-20 ». Il a oublié de préciser que la gauche n’a jamais fait de charcutages électoraux, et que les résultats électoraux actuels sont obtenus sur la base de décisions prises par des Ministres de l’Intérieur de Droite !
On va donc changer la donne avant les Présidentielles, avec une « opération séduction » à la Raminagrobis (« approchez petites souris d’élus locaux, vous ne risquez rien… ») jusqu’en octobre, avant une guerre éclair fin 2012, si le sort électoral est favorable à l’UMP; et des ukases qui tomberont immédiatement pour que 2014 soit enfin « une étape de la reconquête » de ce pouvoir local qui tente de maintenir les piliers de la République ! Pour une fois, il faut croire une déclaration UMP, sauf que le processus ne passera pas nécessairement par les urnes en mars mais, comme pour l’élection à l’Association des Maires de la Gironde, par des artifices plus ou moins évidents.

Cet article a 2 commentaires

  1. Sylvain Bahlia

    Bonjour
    Je partagerai volontiers le contenu de cette chronique, si je ne lisais une phrase qui me semble contradictoire avec tout le reste, à propos de la fusion des 3 CdC du libournais à l’initiative de M. Mitterrand. Quand l’UMP veut des fusions pour mettre en oeuvre la réforme territoriale, ce sont des vilains. Quand M. Mitterrand (PS me semble-t-il) fusionne 3 CdC avec la complicité (parfois contrainte) de ses amis maires locaux, ce serait une bonne fusion? A quoi jouent ces messieurs? Ce serait la protestation de l’inimitable M. Garraud qui donnerait un brevet positif à celle de M. Mitterrand? La même au demeurant. Désolé pour vous M. Darmian, mais ce sont vos amis qui brouillent votre message. Pourquoi ne pas dire clairement au PS que vous êtes POUR L’ABROGATION DE CETTE REFORME? Vous citez MAILHAC, dont le maire est Gérard Schivardi. Lui au moins, il est clair. C’est sans doute est-ce pour cela que, jadis, vous l’aviez exclu du PS? Merci de me répondre…

  2. Christian BAQUE

    Jean-Marie, bonjour
    Comment ne pas souscrire au message précédent? J’ai personnellement posé la question au sénateur Anziani en décembre, la réponse est plus que vague: il craint dit-il que « si nous arrivons au pouvoir en 2012, il y ait beaucoup de choses à faire, nous ne pourrons pas tout dès la première cession parlementaire ». En clair, il tape en touche. D’ailleurs, sa brochure ne parle pas d’abrogation, mais seulement de « revenir sur la réforme ». C’est vague. Et pas un mot là-dessus jusqu’ici du candidat PS (sortant) sur mon canton, alors même que c’est un canton menacé de démantèlement (moins de 15000 habitants).
    Cordialement.

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