Le Vert est dans le fruit !

À force de pervertir l’engagement politique militant et de draguer l’électorat à partir de principes médiatiques dans le vent, les partis politiques se condamnent à l’inutilité. Les Verts vont en faire l ‘amère expérience, après s’être laissé embarquer dans un happening qui les conduira à la perte totale de leur identité. D’abord, ils ont accepté de s’associer avec Europe Écologie, sorte de force mouvante, sans aucune culture militante autre que celle de la contestation tous azimuts…Portée par le bagout crypto-Mai 68 de Dany-le-Rouge devenu Vert, les nouveaux venus ont imposé à leurs alliés une union par intérêt, avec contrat de mariage qui ne résistera pas aux premières années de vie commune. Malgré tous les efforts, il y a partout des difficultés de communication et de partage du bien commun que constitue un électorat, dont on sait qu’il n’a pas ses racines dans les classes les plus fragiles.
En Aquitaine, au Conseil Régional, l’unanimité avant élections n’a pas résisté aux forces destructrices de la participation aux instances électives. Il semble que, désormais, la tentation du héros, bardé de médailles gagnées sur le front de l’aventure lointaine, soit plus forte pour une partie des composantes du conglomérat écologiste que celle de se comporter en parti organisé, capable d’assumer un choix crédible. Nicolas Hulot s’apprête à semer la zizanie dans ce qui reste un assemblage fragile non stabilisé. Les uns crient au Messie, les autres hurlent à l’usurpation. Les uns renonceraient à leur identité pour rallier le camp d’un animateur de télé spectacle, transformé en homme d’affaires, alors que les autres préfèrent le parcours pugnace, rigoureux et exemplaire d’une ex-juge ! En fait, les uns et les autres se sont eux-mêmes mis en difficulté, et ne se relèveront pas de cette contradiction, qui va se régler par internet, c’est à dire véritablement sans respect pour le seul acte militant qui compte, le vote devant les autres. La donne de la primaire écolo a brusquement modifié la perception que l’on pouvait avoir de ce mouvement, au moins aussi complexe que peut l’être le PS. Les amis de Nicolas Hulot ne décolèrent plus, depuis que le conseil fédéral d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) a décidé de contourner celui qui se croyait incontournable, en décidant que le vote aurait lieu en juin, et surtout pas comme prévu en septembre… sans utilisation du fichier Ushuaïa, car le corps électoral serait restreint, moyennant un droit d’entrée de 20 €, aux seuls 14.000 adhérents et «coopérateurs», les sympathisants ayant signé le manifeste écolo. Un moyen de coincer Nicolas Hulot qui comptait sur sa notoriété télévisuelle pour récupérer des centaines de voix des adeptes du petit écran, écolos de canapé !
C’est un tel « scandale », que l’entourage de l’inventeur du «pacte écologiste» de 2007 n’exclut plus une candidature «hors primaire» de son champion. Une manière de tuer les Verts, en marginalisant leur candidate et en les condamnant à assumer le financement d’une campagne présidentielle, sans être certains d’être en état de la payer ! Personne ne voudra assumer une telle responsabilité et les Verts se retrouvent dans la situation du PC à l’égard de Jean Luc Mélenchon.
S’il part, Nicolas Hulot sait fort bien que son programme ne sera pas l’argument essentiel de son parcours : il suffira qu’il aille faire de la promotion sur le territoire, pour récupérer l’investissement. D’ailleurs, interrogée sur la cote de popularité de son concurrent, Eva Joly n’y va pas par quatre chemins sentant bon la noisette : «Quand vous avez fait TF1 pendant vingt ans, vous êtes forcément populaire, mais il ne faut pas confondre notoriété et crédibilité !» .
Daniel Cohn-Bendit, loin du tohu-bohu ambiant, joue au sage : il fait semblant de «croire encore» que ses amis trouveront «une solution» : «Je les conseille tous les deux sans préférence. Maintenant, je dis à Nicolas qu’il faut qu’il se présente et fasse campagne. Ce sont les votes et les sondages qui trancheront…» L’eurodéputé, qui a eu Hulot au téléphone, lui conseille encore de composer avec la décision du conseil fédéral d’EELV et de «faire un tour de France» avant la primaire de juin. «Il a de l’aura et il verra ainsi des milliers de personnes, à qui il pourra dire de s’inscrire à la “coopérative” pour pouvoir voter», dit-il. Et allez, c’est véritablement du militantisme de haut niveau. Hulot va faire une tournée de music-hall et se vendre comme une savonnette ! Il a un argument politique imparable, qui nécessite une citoyenneté exceptionnelle : « Il faut un peu de rationalité : si on se retrouve avec deux candidats, ça aura des conséquences. Une campagne, en dessous de 5 % des voix, ça coûte cher.» Les écolos s’en souviennent. En 2007, Dominique Voynet n’avait pas dépassé 1,57 % des voix. » Ouf, un véritable engament politique ! Nicolas Hulot est plus rentable qu’ Eva Joly, ce qui dénote un niveau élevé de réflexion sur le quotidien des électrices et des électeurs. En fait, c’est une argumentation que les socialistes n’auront pas à prendre en compte, ce qui ne peut que satisfaire les votants des « primaires ».
Noël Mamère, appelle l’homme qui survole le monde « à la raison », ce serait une « arme de destruction massive » pour « tuer l’écologie politique une deuxième fois, après le Pacte écologique qui a tué Dominique Voynet » en 2007 (1,57%). Dans les tous derniers sondages sur la présidentielle, une élection particulièrement difficile pour les écologistes, Eva Joly recueille entre 3 et 7%, Nicolas Hulot de 7 Ã 8%.
Vive les primaires ouvertes aux adhérents à 20 euros…Vive les candidats « société civile ». Vive les assemblages allant de « l’égolo bobo » à « l’écolo gogo ». Figurez-vous qu’il y en a, parmi eux, qui se moquent du PS…

Cet article a 3 commentaires

  1. Michel

    Excellent, Jean-Marie!
    Fidèle amitié.

  2. baillet gilles

    Bonjour,
    si les écologistes font le choix du candidat Hulot, ils s’éloignent pour longtemps de la gauche et se transforment en machine à ramasser les déçus de Sarkozy (bourgeoisie urbaine dite de droite modérée) et de Bayrou.Ils illustent effectivement ce que la politique devient: un combat d’appareils médiatiques. Rien de plus rien de moins. D’ailleurs la mutation du FN en force essentiellement médiatique, est la démonstration de cette extrême médiatisation: plus de réunion publique des candidats mais des contacts pris par face boock, lors des quelques rares distributions de tracts ou par le jeu des raiseaux préexistants. Tout ça pour profiter d’une vague médiatique lancée dans les médias. On n’a plus affaire au FN des années 90 qui était trés structuré par Paul Marion, l’ancien secrétaire d’Etat à la propagande du régime de Vichy.
    Le cas Mélenchon n’est pas que financier pour le PC, il est idéologique avant d’être médiatique.
    Très cordialement
    Gilles Baillet

  3. Eric BELET

    Adhérent des VERTS avant que ce soit « tendance », je ne peux que déplorer avec vous cette emprise du monde médiatique sur le travail et les convictions du monde militant. Ce phénomène semble envahir inéluctablement tous nos mouvements, y compris ceux qui le dénonçaient.
    Je fais donc partie de ceux qui considèrent que les VERTS ne devraient pas participer à l’élection présidentielle, afin d’en dénoncer les dérives, et se concentrer sur les élections des parlementaires ( législatives, sénatoriales, européennes )pour influer réellement sur les politiques publiques.

    Eric BELET Artigues près Bordeaux

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