Le décret qui enfonce les portes ouvertes des cantines

En France, il faut attendre une crise pour que de grandes décisions soient prises. Immédiatement relayées de manière succincte et caricaturée par les médias, elles se transforment en psaumes ressassés comme des vérités abrutissantes destinées à constituer une opinion dominante favorable. Personne n’analysant sereinement les conséquences d’une annonce, tout peut être proclamé avec l’espoir de le voir avalé par le plus grand nombre. En s’américanisant, notre société découvre le mal terrible que cause… l’obésité. Les enfants ou les adolescent(e)s d’aujourd’hui sont en effet les malades de demain. Tous les spécialistes font le même constat, mais personne ne recherche des solutions courageuses, car les lobbies économiques paralysent toutes les initiatives de politiques manquant de courage. Chez nous, dans notre pays de la gastronomie raffinée, environ 33 % (20 millions) des Français seraient en surpoids (avec toutefois de fortes disparités Nord-Sud) et environ 10 % (6 millions de personnes) des Français seraient obèses, selon des chiffres de 2009.
Aux États-Unis : 34% des Américains sont obèses. Il y avait 72 millions d’adultes obèses aux Etats-Unis, dont 33,3 % d’hommes et 35,2 % de femmes en 2005-2006, selon cette étude qui, tous les deux ans, porte sur 4400 adultes. L’obésité touche davantage les minorités : plus d’une femme noire sur deux est obèse (53 % des 40-59 ans), de même pour les Hispaniques (51 %) tandis que les femmes blanches sont obèses à 39 %. [source : ATS, 29 novembre 2007. Finalement, relevons que 68% des Américains sont en surpoids, et qu’au Canada, 36% des Canadiens sont obèses. C’est le constat avec à la clé, selon tous les observateurs, un style de vie !
Alors, face à ce danger, ce matin, un décret vient de sortir, qui réglemente les menus des restaurants scolaires. Ouf ! La lutte contre l’obésité et ses conséquences est entamée et on s’attaque à l’essentiel : un gamin qui mange tous les jours dans les cantines qui l’acceptent peut au maximum être « contrôlé » sur 120 repas, alors que dans le même laps de temps il lui reste 975 occasions de faire n’importe quoi si l’on compte le petit-déjeuner ! C’est vrai qu’en le privant de frites, pour les replacer par des brocolis, environ une vingtaine de fois sur un an, on va lutter efficacement contre l’obésité et la mal bouffe ! Encore une fois, c’est purement de l’esbroufe et de l’intoxication politico-alimentaire !
L’école et les élus locaux sont montrés du doigt comme les responsables de cette mutation sociale… alors que la grande majorité des menus sont déjà faits depuis des décennies par des diététiciennes ! Il est vrai que la frustration et la prohibition ont toujours eu des effets contraires à ceux qu’elles cherchent à museler ! Quatre ou cinq plats devront être présentés à chaque déjeuner, dont nécessairement un plat principal comprenant une garniture, et un produit laitier », indique le décret. Ouf ! La France est sauvée… mais personne ne se pose la question de savoir comment, techniquement, on peut présenter… 4 ou 5 plats dans une cantine scolaire communale, à tarif identique et dans les conditions matérielles actuelles. Du vent… rien que du vent !
L’eau et le pain devront être mis à disposition sans restriction, ce qui constitue une mesure « révolutionnaire », car ces débiles d’élus locaux restreignent l’eau et le pain… dans les cantines ! Le sel et les sauces (mayonnaise, vinaigrette, ketchup) ne seront, en revanche, pas en libre accès, mais servis en fonction des plats… Là encore, il faudrait donner le pourcentage de restaurants scolaires qui mettent librement à disposition des enfants ces produits, quand les équilibres diététiques sont garantis par des professionnelles. Et alors, là, il y a la mesure qui tue, celle qui va tout changer : les gestionnaires des restaurants scolaires devront tenir à jour « un registre dans lequel sont conservés, sur les trois derniers mois, les documents attestant de la composition des repas, notamment les menus et les fiches techniques descriptives des produits alimentaires achetés auprès des fournisseurs. Ce qui va, bien entendu, totalement changer la donne sur 10 % des repas pris par un rationnaire dans sa vie réelle !
En revanche, rien sur les déplacements vers l’école, le collège ou le lycée… Rien de positif, de valorisant sur la marche à pied, sur l’utilisation du vélo, sur l’abandon des automobiles « maternelles » ou des bus de ramassage. On continue à accepter, par manque de courage, à transformer les rues conduisant aux écoles ou des collèges en « Mac Drive » (c’est vraiment de circonstances) évitant aux chères petites têtes blondes de faire… quelques mètres seuls ! On sait de manière certaine que l’obésité est au moins autant le fait de l’inactivité que de l’absorption de…frites ! Mais il faut du courage pour interdire l’accès des automobiles polluées (l’habitacle de la voiture de maman est le lieu le plus pollué dans le quotidien d’un enfant) et polluantes aux abords de tous les établissements scolaires, ou pour refuser tout ramassage en bus à moins d’un kilomètre de l’école ! Et bien évidemment, les parents des élèves ont salué la fin des frites à la cantine… car elle les dégage de leur responsabilité sur la santé de leur progéniture, en leur faisant croire que le problème est réglé par un décret ministériel débile qui brasse du vent ! Un de plus !

Cet article a 7 commentaires

  1. PIETRI Annie

    Si ce décret sur le contenu des menus des cantines scolaires -et encore, le longueur des frites n’est pas précisée – est tout ce qui préoccupe nos gouvernants sur le sort de l’école et l’avenir des enfants qui la fréquentent, il est certain que le système scolaire et l’enseignement sont sauvés. Et si j’ai bien compris ce que j’ai entendu aux infos, on trouvera des crédits pour rémunérer des fonctionnaires chargés de contrôler l’applcation de ce décret débile…. Ce sont les enseignants qui vont être contents. Mais il y aura bien quelques parents pour trouver cela …. génial !

  2. Christian Coulais

    Une fois de plus, le jugement porté est le bon; portail de l’école trop loin de la voiture; assiette à 4 éléments savamment dosée par une diététicienne; temps de cuisson respecté, ce qui implique plus de service de steaks hachés car il faut les cuire sans qu’ils ne puissent plus être saignants; personnel compétent et matériel haut de gamme. Armoire de refroidissement pour éviter le refroidissement des mets à l’extérieur trop longtemps, four à vapeur pour justement respecter en cuisson les saveurs et les vitamines. Connaissez-vous beaucoup de parents qui ont un four à vapeur à disposition ?
    Laissons le soin aux communes de se fournir local, de saison, voire bio, en acceptant de payer le juste prix pour un noble service, celui de nourrir nos enfants 1 repas journalier sur 4. Car je compte le goûter, bien souvent constitué de gâteau chocolaté industriel, sous emballage unique, jeté bien souvent au sol…

    Malgré un Sénat requinqué et des affaires plein les réserves, les poubelles débordantes et les cadavres au congélateur, le gouvernement continue de nous rouler dans la farine. Mais il y a de la friture sur la ligne…Serez-vous churros ou chichi aux prochaines élections ?

  3. batistin

    Bien que l’Europe souhaite réduire la fourniture de denrées alimentaires aux Restaurants du Coeur et autres soupes populaires par manque de surplus agricole, l’hiver s’annonce pourtant doux pour les familles dans le besoin.
    Elles n’auront qu’à s’installer près des conteneurs à ordures des cantines scolaires où trois à quatre plats par enfant seront jetés journalièrement pour raison d’hygiène et de santé publique.
    Il est vrai que par ces temps d’opulence il est bon d’inculquer à nos enfants le sens du goût et le goût du voyage. Ah! le beignet « sambousse » de Somalie !

    Comprenez ici que la décision de l’Europe n’est dictée que par la nécessité d’argumenter par avance sur une probable pénurie.
    Fausse pénurie annuelle et nécessaire au maintien de la valeur de cotation du riz.
    Avec les famines qui tuent en Afrique, la dernière sur-cotation en bourse ayant été fort mal vue tout de même, il semble plus raisonnable de priver quelques millions de pauvres européens pour justifier la prochaine flambée des cours.
    Après tout, quand une nation peut et doit servir 4 à 5 plats au choix à ses enfants elle doit bien être capable de nourrir ses pauvres.
    Mais il est vrai aussi que le budget du Ministère de la Culture et de la Communication a été augmenté de 1% . Ce qui permet à monsieur Frédéric Mitterrand d’annoncer fièrement qu’après le copieux repas servi, les enfants pourront faire sieste digestive en lisant une belle plaquette sur l’histoire de l’art, culinaire surement.
    Quand l’on sait que le budget de la Culture est surtout réservé à la Communication, entendez « Propagande électorale », on apprécie mieux la recette de la courge farcie.
    Le plus fort dans cette histoire est à quel point il faut être gonflé pour lancer des mesures aussi creuses les unes que les autres.
    Nous devons à nos chefs l’invention du soufflet qui ne retombe jamais !
    Et nous devons à nous-même d’en rester sur le cul d’une telle outrageante effronterie.
    Encore des claques qui se perdent.

  4. Michel d'Auvergne

    Taxons le ketchup et instaurons une ration de phosphore obligatoire… Et pas seulement dans les cantines !
    Un chitoyen du pays de la chauchiche de choux. Chalut !

  5. J.J.

    La taxe sur les boissons gazeuses sucrées et le décret sur la limitation du quetecheupe dans les cantoches sont les deux mamelles gouvernementales de la lutte contre l’obésité.

    Dans les années quarante, heureux temps si il en fut, il n’y avait pas besoin de mesure drastique contre l’obésité, les tickets d’alimentation y pourvoyaient largement.

  6. facon jean françois

    Le gouvernement vient de s’offrir à bon compte ( celui des communes) une mesure destinée à donner bonne conscience aux mamans. Combien de ces gentilles mamans auront gavé leur progéniture de repas préfabriqués industriellement dès la sortie des biberons. La voie la plus courte vers le chemin rituel des macKFquick.

    La société du moindre effort conduit les chères têtes blondes en voiture jusqu’au portail de l’école, bientôt une chaise à porteurs pour se déplacer dans la cour à la récré?

    Chers parents, « déculchaisez » vos enfants si vous ne voulez pas les transformer en « couch potatoes » .

    (litt. « pomme de terre de divan ») désigne une personne qui passe beaucoup de temps assise sur son divan (angl. couch) , à regarder la télé. La pomme de terre (angl. potato) est une allusion à la vie végétative du sujet. Pluriel : couch potatoes.

  7. PIETRI Annie

    Et voilà !  » la FCPE, principale fédération de parents d’élèves, s’est félicitée de la publication de ce décret comme d’une « victoire après tant d’années »….. »(Sud Ouest du 3 octobre). Et la formation des maîtres ? et la qualité de l’enseignement ? et la pédagogie ? ça l’intéresse, la FCPE ?????

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