Gare aux loups de Panurge !

Que serait-il vraiment advenu si en 1981 facebook avait existé ? Bien évidemment, il est impossible de l’imaginer. Lorsque Robert Badinter monte à la tribune de l’Assemblée nationale, il sait en effet qu’il a une bonne partir de l’opinion publique contre lui. Il ne peut convaincre qu’avec des valeurs, des principes et surtout pas en s’adossant sur un ressenti populaire terriblement primaire. La raison a bien du mal à avoir prise sur les pulsions instinctives innées. L’homme est un loup pour l’homme. Il l’a toujours été et il le redevient à grande vitesse si tant est qu’il en ait été autrement un jour. Se battre à contre courant de l’opinion dominante, ne pas hurler en meute, refuser la facilité populiste, opposer la tolérance à la violence, la justice à la vengeance, la maîtrise à l’impulsivité, devient terriblement courageux. Imaginez un instant que Rober Badinter ait à affronter ces millions de gens se prétendant citoyens qui se déchaînent face à l’affaire du bijoutier de Nice. C’est irrationnel, manipulé, détourné et plus encore exploité, et donc il lui faudrait baisser pavillon devant cette vindicte facebookienne. Que vaudrait, face à ce déchaînement désastreux, cette déclaration liminaire au projet de loi abolissant la guillotine : «  Un pays épris de libertés ne peut, dans ses lois, conserver la peine de mort. C’est un impératif pour la liberté que de n’accorder à quiconque un pouvoir absolu, tel que les conséquences d’une décision soient irrémédiables. C’en est un autre que de refuser l’élimination définitive d’un individu, fût-il un criminel. Une justice qui se dérobe à cette double exigence avoue son impuissance et réduit son influence civilisatrice. La peine de mort entérine une faillite sociale ; son abolition répond à un principe éthique. Le rejet de la peine capitale, constamment réclamé par les grands courants de pensée et plusieurs fois évoqué devant les Assemblées parlementaires, n’avait jamais pu, encore, s’imposer clairement à la conscience collective, comme si la nation tout entière, agitée depuis deux siècles de ce tourment, n’osait s’en débarrasser. Or le principe en est, désormais, tacitement admis puisque le peuple français s’est prononcé à deux reprises pour des candidats qui se réclamaient de l’abolition. Il faut donc en tirer les conséquences, et traduire dans nos lois un choix auquel les électeurs ont implicitement consenti. En rappelant que les études faites conduisent à la même conclusion : il n’existe entre l’évolution de la criminalité sanglante et l’absence ou la présence de la peine de mort aucune corrélation (…) ». Badinter serait lapidé en place publique interactive pour tenir des propos défavorables aux victimes. Il faut en effet avoir une solidité extraordinaire dans ses convictions pour tenir tête à la foule de la théorie voulant qu’un Homme puisse priver un autre homme de la vie, sur la base exclusive d’une justice primitive : « œil pour œil, dent pour dent ! ». Badinter l’avait, comme Zola l’avait eue avant lui ! Badinter a lutté de toutes ses forces pour se situer au-dessus des instincts, pour parler aux esprits. Et il faut bien avouer que cet « exploit » ne sera plus jamais égalé ! Cet homme avait une force de caractère impressionnante. Ne jamais céder à la facilité bestiale, ne jamais renoncer à éduquer, ne jamais reculer devant le nombre ! Plus personne dans la société française actuelle n’a suffisamment de c…….. pour ne pas se dégonfler devant les loups de l’opinion dominante.

En définitive tous les « tueurs » institutionnels ou tous les « tueurs » improvisés devraient avoir le champ libre. Catastrophique ! Condamnation quotidienne des règlements de comptes par arme dans des quartiers difficiles, mais le droit pour n’importe qui de tirer sur un autre être humain. Donner la mort dans la rue serait donc moins grave, beaucoup moins grave que de couper un cou au petit matin dans une cour pavée de prison ? La faute d’un gangster doit être dénoncée, combattue et condamnée mais elle ne permet pas d’ôter la vie d’autrui. Aucun homme, dans aucune circonstances, ne peut s’arroger personnellement le droit de vie et de mort sur un autre homme, sauf s’il en est investi par la société ! Le principe est intangible.

La pétition facebookienne incontrôlable, car pouvant être simplement une opération de médiatisation montée par des affidés de la vengeance individuelle, n’a aucune signification, sauf à illustrer ce propos de l’ex-garde des sceaux : « L’alliance entre totalitarisme, fanatisme et peine de mort est historique. » En fait, pire que les adversaires historiques de la loi, d’abolition de ce qui était une décision prise par un jury populaire, les signataires de cet appel à l’impunité vis à vis de la loi républicaine admettent que n’importe qui, pour n’importe quelle cause, dans n’importe quelles circonstances, peut exercer ce que la République n’admet plus ! N’importe qui, sur la base d’un fait douloureux, délictueux, agressif, a désormais un blanc-seing populiste pour dégainer son arme et tirer. Le mal est fait.

Les « loups de Panurge » ont pris le dessus sur la raison... Les victimes ne sont pas forcément celles que l’on croit. Il faut éradiquer par l’éducation, par la sévérité des sanctions (la prison rend plus violent!) la violence sous toutes ses formes. Il faut condamner les actes illégaux de tout le monde. Il faut agir pour protéger les gens pouvant être la proie d’actes violents. Mais rien de saurait justifier la mort !

Cet article a 9 commentaires

  1. Annie PIETRI

    Comme tu as raison, Jean Marie ! Comme il est déprimant de constater le succès des soutiens Facebook à ce bijoutier, dont on peut comprendre l’exaspération, sans que cela lui donne le droit de tirer « dans le dos » de ses agresseurs….
    J’ai vécu 40 ans à Nice, et je ne suis pas surprise des réactions d’une grande majorité de niçois, encouragée par une majorité d’ élus locaux….Mais ce qui m’a interpellée – et oserais-je le dire découragée – c’est la réaction de quelques camarades de mon ex-section du PS de Nice, qui ont cru bon de se joindre au cœur des soutiens du bijoutier…..En particulier l’un d’entre eux, qui se flatte d’une formation juridique, et qui exerce des fonctions de fonctionnaire d’autorité dans une collectivité locale de la région PACA…..
    Heureusement, quelques voix niçoises se sont élevées contre cette réaction moutonnière et vengeresse…
    Alors, tout le monde comprendra que j’aie choisi de fuir cette région, qui n’a pour elle que son climat, et de venir m’installer à Créon….Plus le temps passe, et moins je le regrette !!!

  2. farges-ortiz STEPHANIE

    C’est ce que j’inculque à mes enfants depuis leur plus tendre enfance.

  3. Eric Batistin

    Le prix de quelques bijoux volés ne justifie pas d’ôter la vie.
    Mais alors la vie a-t-elle un prix ?
    Nous serions nous en paix et hors de toutes difficultés, ce qui nous encourage à défendre l’abolition de la peine de mort et à interdire le meurtre en règlement de compte privé, et le reste du monde en guerre, ce qui justifierai sans autre indignation que des êtres humains meurent ailleurs, pour assurer notre confort journalier ?
    Je repose la question: Mais alors la vie a-t-elle un prix ?
    Nous aurions nous l’avantage de préserver nos vies, n’y attribuant aucune contrepartie possible, aucune chose n’ayant plus de prix .
    Mais pourtant nos soldats meurent à tous les bouts du monde sans que nous n’y trouvions à redire. Leurs vies a bel et bien un prix, celui de notre essence par exemple.

    Alors, le prix de l’or contre une vie, est-ce là le problème?
    Discutons-nous d’un principe républicain que nous souhaitons exporter, ou d’une valeur marchande universellement reconnu ?
    Le débat me semble porter, non sur la vie perdue et la mort infligé, mais sur l’assurance avec laquelle certains souhaitent préserver leurs privilèges, et sur l’envie de partager dont rêvent les autres.
    Le problème soulevé ici ne fait qu’opposer deux clans dans leurs façons d’engager le commerce entre les peuples, donner la mort ou pas ne représentant tout au plus que le prix que l’on accorde au travail du bijoutier volé en opposition à la compassion que l’on porte au voleur.
    Ce voleur là est le héros luttant contre les tenant de la finance internationale.
    Ce bijoutier là est le héros nationaliste luttant contre tous les envahisseurs.

    La mort tout le monde s’en fout.
    Celle de l’assassiné.
    Celle qui hante l’âme de l’assassin.

    Et moi qui ferait mieux de me taire, une minute.

  4. vattier

    tout a fait en accord avec votre ecrit

  5. J.J.

    Nice est certainement une ville agréable et qui a des atouts évidents. J’y ai séjourné une seule fois quelques jours avant un merveilleux voyage en Italie.

    N’en déplaise à monsieur Estrosi, je n’ai gardé comme souvenir marquant de la ville de Nice que les crottes de chien sur les trottoirs et les nombreux dortoirs à l’air libre des clochards (certainement plus confortables qu’à Strasbourg, par exemple)….

    Soyons honnête, j’ai quand même admiré les orangers, arbres d’ornement des voies publiques.

  6. Eric Batistin

    Autre chose, ne trouvez-vous pas complètement surréaliste que ceux qui défendent avec le plus d’assiduité un assassin soient tous des fervents défenseurs de l’application de la peine de mort ?!
    Et pour continuer en ce sens, que ceux qui souhaitent le plus que l’assassin ne soit pas épargné sont surement les plus laxistes quand à la répression appliquée à la délinquance !
    Nous naviguons en plein Dadaïsme !

  7. Alain.e

    Aucun homme, dans aucune circonstances, ne peut s’arroger personnellement le droit de vie et de mort sur un autre homme, sauf s’il en est investi par la société ! Le principe est intangible.
    D’ accord avec cette phrase , si c’ est un homme, mais il reste à définir ce qu’ est un homme.
    Il faut lire le témoignage de Patrick Pelloux dans Charlie- hebdo qui raconte l’ histoire de trois jeune qui prennent le bus de nuit à Paris, payent leur place et s’ assoient,puis survient la horde, et un jeune veut prendre la place de l’ un des trois assis,qui refuse.
    Alors il sort un couteau et le plante dans le ventre du jeune assis.
    Mais pas simplement enfoncé dans un geste de colère, mais bien enfoncé dans le ventre ,vers le coté droit, visant le foie, et remonté avant de sortir, comme le font les tueurs, les barbares .
    Puis ceux de la bande ont échangé de vêtements afin de ne pas être identifié.
    Alors pour moi ces gens ne sont pas des hommes, mais des bêtes féroces, sans compassion, sans pitié, sans valeurs.
    Cela pose plus de question que l’ on peut amener de réponses, violence gratuite, barbarie, pourquoi ? et on fait quoi ? et a t’ on les moyens financiers de faire ?

  8. J.J.

    Plus surréaliste encore, c’est dans cette même tranche de population (défense d’un assassin et défenseurs de la peine de mort) que recrutent les associations anti IVG !

  9. Christian Coulais

    Monsieur le Maire de Nice est tout de même fier d’annoncer « une caméra de surveillance pour 400 habitants, au micro de France-inter ! Pour 345 000hab. à la louche, plus de 850 mauvais oeils, boudiou! Pour quel budget ?

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