"La der des ders" : dernière allocution comme maire un 11 novembre !

1456712_426019887520980_785381012_nDans le courrier de la mairie il y a quinze jours est arrivé, à mon nom, un carton d’invitation du Président de la République me demandant de participer à la présentation officielle des cérémonies nationales en faveur du centenaire du début de la grande guerre. En effet en 2014 nous devrons nous attacher à mobiliser autour de ce qui a été le premier événement mondial tragique de l’Histoire de l’Humanité.

J’espère sincèrement que le discours prononcé par François Hollande ce jour là sera largement diffusé tellement il comporte de références à ce que nous devons retenir de cette terrible guerre. Je me permettrais aujourd’hui d’emprunter à ses propos des extraits qui me paraissent significatifs de ce que nous devons les uns et les autres retenir en ce jour du 95 ° anniversaire de la signature de l’armistice mettant un terme à un horrible massacre !

 

Vous êtes toutes et tous venus en citoyens conscients de l’importance d’une commémoration abstraite puisque déconnectée des témoins de cette époque. Je vous en remercie avec sincérité car sans vous l’oubli égoïste envahirait le monde ! Nous sommes de moins en moins nombreux à avoir dans nos mémoires ces veuves habillées de noir hantant les cimetières, ces gueules cassées, ces mutilés, ces têtes blanches portant fièrement des drapeaux et des médailles dans les rues de tous les villages de France. Eux avaient dans leur chair et leur esprit les traces de leur dévouement à ce que l’on appelait alors d’un qualificatif désuet la patrie !

C’est vrai que commémorer le 11 novembre 1918 paraît donc désormais à beaucoup comme dérisoire dans une société bassement matérialiste, dénuée de tout idéal et résolument tournée vers l’individualisme et le profit !

Qui a conscience à part vous qui êtes là de l’importance de la présence devant aux monument aux morts de générations n’ayant pas la mémoire courte ?

Qui a conscience de ce qu’a pu représenter pour des millions de jeunes hommes d’aller faire le devoir que leur demandait cette République qu’ils ne connaissaient que par les cours d’histoire d’instituteurs fidèles aux valeurs d’une école publique solide, respectée et omniprésente dans la vie locale ?

Qui sait réellement ce qu’a pu représenter ici à Créon ou ailleurs le déchirement résultant du fait de quitter son clocher, sa famille, son travail, pour aller se battre face à un envahisseur lointain et inconnu ?

Vous êtes mes amis anciens combattants bien placés par votre expérience de comprendre la valeur d’une commémoration car vous avez en vous les sentiments éprouvés lors de votre départ pour accomplir votre devoir au service d l’intérêt général.

Le Président de la république a parfaitement résumé ce que nous devrions du plus jeune au plus âgé, dans tous les foyers retenir de ce moment particulier de la commémoration : « Le temps de mémoire arrive à un moment où la France s’interroge sur elle-même, sur sa place, sur son avenir, avec l’appréhension qui s’empare de toute grande nation confrontée à un changement du monde. C’est pourquoi je veux donner un sens à l’acte même de commémorer.

Commémorer, c’est saisir la force des générations qui nous ont précédés afin de faire des leçons de vie pour les suivantes.

Commémorer, c’est rappeler que la République a traversé des épreuves terrifiantes et qu’elle a toujours su s’en relever. Et qu’elle ne doit avoir peur de rien.

Commémorer, c’est savoir d’où l’on vient pour mieux appréhender ce qui nous relie et nous fédère dans une nation, la nôtre.

Commémorer, c’est renouveler le patriotisme, celui qui unit, celui qui rassemble, qui n’écarte personne au-delà des parcours, des croyances, des origines, et des couleurs de peau.

Commémorer, ce n’est pas seulement invoquer la passé ou le convoquer, c’est porter un message de confiance dans notre pays.

Commémorer, c’est parler la langue des anonymes. C’est parler du courage du Poilu qui rencontre l’effroi au fond de la tranchée, c’est vanter l’audace du Français libre qui rejoint de GAULLE en juin 1940, c’est souligner l’héroïsme discret, parfois anonyme du Résistant qui rallie l’Armée des ombres, c’est saluer la dignité du Juste qui cache un Juif au péril de sa vie.

Voilà ce que signifie « commémorer » aujourd’hui ! » a expliqué François Hollande !

Si nous cessions un jour de commémorer nous donnerions raison à ceux qui, chaque jour insidieusement ou ouvertement prônent partout dans ce monde de l’indifférence la haine, l’affrontement, l’exclusion, le racisme… et qui vivent de l’oubli, de l’ignorance, de la facilité et des approximations.

Chères et chers amis, nous sommes dans une période dangereuse qui nécessiterait solidarité, opiniâtreté et exemplarité or nous plongeons résolument vers l’individualisme forcené, la fragilité des engagements et surtout la médiocrité.

Avons nous confiance comme l’ont eue nos grands-pères ou arrières grands-pères dans l’avenir  de notre pays ?

Pouvons nous en nous regardant dans une glace et assurer à nos enfants, nos petits-enfants que dans le contexte actuel de crise sociale, morale, financière, comme le soulignait Maurice Genevoix : « ce que nous avons fait, c’est plus que ce que l’on pouvait demander à des hommes et nous l’avons fait » ?

Face à des détails de la vie, face à la mise en cause de certains éléments minimes et subalternes de notre confort, face à la tentation des pires instincts endormis en nous, sommes nous suffisamment forts pour dépasser notre corporatisme, nos exigences de nantis, nos partis pris comme l’on fait des millions de soldats, de médecins, d’infirmières pour aller défendre l’intérêt général des autres ?

Avons nous conscience que nous sommes partis pour étouffer la démocratie que d’autres ont défendue au péril de leur vie ?

J’en doute chaque jour davantage mais je sais que fuir devant l’ennemi reste la pire des solutions.

Mesdames, messieurs les armes tuent encore dans le monde et notamment en Syrie au Mali. La nature tue encore aveuglément comme aux Philippines. Des femmes et des hommes meurent à chaque instant pour les mêmes raisons que celles qui ont tué durant cinq ans ces soldats de toutes origines, de toutes convictions, de toutes religions. Des otages meurent. Des journalistes sont assassinés. Eux aussi sont morts pour la France selon la formule consacrée mais surtout pour la liberté, pour l’égalité et la fraternité que nous effaçons chaque jour par indifférence ou par ignorance de nos esprits.

J’ai tenu d’ailleurs à ce que ces valeurs auxquelles j’ai adjoint la laïcité fondement du vivre ensemble, soient peints sur les entrées des écoles créonnaises afin que les enfants s’approprient au moins les mots et avec l’espoir que des enseignants et des parents leur en apprennent le sens !

Mes chers amis comment ne pas saluer les 430 000 soldats venant de toutes les colonies, de l’Afrique à l’Asie du Sud-Est et qui ont pris part à une guerre qui aurait pu ne pas être la leur. Ils y ont participé pour la France, et cet engagement fut ensuite au cœur de leur légitime exigence d’émancipation et d’indépendance. La France a  souscrit une dette d’honneur à l’égard de leurs descendants qu’ils soient en Afrique, en Asie ou qu’ils soient aujourd’hui citoyens français. Cette dette d’honneur, nous l’honorons, en ce moment-même au Mali, pour lutter contre le terrorisme et préserver, à notre tour, l’intégrité d’un pays démocratique.

 

Il y eut aussi ceux qui furent vaincus non par l’ennemi, mais par l’angoisse, par l’épuisement, par l’horreur absolue des combats, par le mépris de la vie humaine nés des conditions extrêmes qui leur étaient imposées. Certains furent condamnés de façon arbitraire et passés par les armes. Cent ans plus tard, il nous revient d’aborder dans un esprit de réconciliation cette douloureuse question des fusillés. Aujourd’hui, à mon tour, avec le Président de la République je souhaite qu’aucun des Français qui participèrent à cette mêlée furieuse ne soit oublié et s’il s’avérait que nous découvrions un Créonnais victime de ces faits nous lui redonnerions la place qu’il mérite à coté de ses frères d’armes. Il n’y a que ceux qui n’ont jamais affronté la guerre qui peuvent en effet prétendre qu’ils auraient été en toutes circonstances des héros !

C’est la dernière fois que je prends part comme Maire de Créon à une cérémonie du 11 novembre. Je ne pense pas en avoir manqué une seule depuis 50 ans car je crois à la vertu de l’exemple. Je la dédie à tous les morts créonnais des guerres et aussi permettez moi cet ajout personnel à mes deux grands pères qui avaient combattu avec des fortunes diverses à Verdun pour l’un et dans les Abbruzzes pour l’autre. L’un à 18 ans dans l’armée française l’autre à 20 ans dans l’armée italienne. J’ai récemment souligné que je leur devais beaucoup et je leur dédie cette phrase de lazare Ponticelli dernier poilu justement franco-italien : « J’ai voulu défendre la France car elle m’avait donné à manger… Tous ces jeunes tués, je ne peux pas les oublier. Quel gâchis ! » C’est simple mais tellement vrai !

Merci aux porte-drapeaux de leur mobilisation et de leur présence. Merci à vous toutes et à vous tous d’être présents.

Merci à toutes celles et tous ceux qui préfèrent le combat à l’indifférence. Merci à celles et ceux qui, dans leur mémoire, font vivre le souvenir afin que nous retrouvions des lendemains qui chantent.

Merci à vous qui savez que la paix ne se décrète pas mais qu’il faut la construire patiemment grâce à l’éducation et à la tolérance comme le prônait il aura bientôt 100 ans un certain Jean Jaurés.« on enseigne pas ce que l’on sait ou ce que l’on croit savoir : on enseigne et on ne peut enseigner que ce que l’on est ! » Alors n’oubliez jamais la valeur de l’exemple et transmettez le respect du passé sans lequel nous n’aurons jamais d’avenir

Cet article a 5 commentaires

  1. JLE

    Merci à toi du très touchant hommage que tu m’as rendu et qui restera gravé à jamais en moi

  2. suzanne marvin

    merci Monsieur Darmian ,merci monsieur le Maire de Créon ,sincérité, dignité ,respect, honneur, vous caractérisent…….vous pouvez passer le flambeau ,et nous espérons que vos succésseurs se dévouent avec abnégation comme vous l’avez fait pendant toutes ces années…………. Merci encore…..

  3. Bernard Gilleron

    Je suis né deux ans après la fin de l’autre mais la guerre continue éternellement tant que ses causes profondes ne sont pas éradiquées.
    Or de ces causes il aurait été de ton devoir « testamentaire »(comme maire s’entend!) d’en parler plus que des gisants et de leur inutile courage instrumentalisé par les sabreurs et ne profitant qu’aux planqués de l’arrière, bourgeois et profiteurs.
    Et mêler le Mali néo-colonial à cette affaire n’a rien arrangé.
    Non cher ami, ce dernier discours est raté.

  4. Mathilde

    « Ce dernier discours est raté ». C’est formidable de pouvoir détenir la vérité péremptoire! D’autant que votre critique est minutieusement dévelopée et argumentée!…Qu’attendez-vous, M. Gilleron, vous qui connaissez manifestement les causes profondes des guerres, pour les éradiquer?
    Vous devez sûrement être beaucoup plus intelligent que ceux (dont je fais partie) qui ont la faiblesse et la simplicité d’esprit de trouver ce discours juste et émouvant.

    Dans mon ignorance crasse, je te remercie également Jean-Marie pour ton engagement sincère au service de la transmission et de la mémoire et pour toutes les belles choses que tu as dites lors de ces commémorations au cours de ce dernier mandat que j’ai eu l’honneur et le privilège de partager avec toi.

    1. Bernard Gilleron

      Je ne connais pas les causes de toutes les guerres mais la cause ultime de toutes est l’intérêt économique des capitalistes, particulièrement celle-là. N’oubliez pas que Jaurès a perdu sa vie pour empêcher les peuples d’y prendre part.
      N’oubliez pas non plus, qu’à rebours de Jaurès, les sociaux démocrates des deux côtés du Rhin, dont Guesde (mieux inspiré quand il fréquentait encore Marx à Londres) ont voté les crédits de guerre.
      Voilà ce qu’un honnête homme comme Jean-Marie que ne lie plus aucun souci électoral ou partisan aurait pu dire à son dernier discours.
      De même que dénoncer les stupides prétentions guerrières néo-coloniales du trio infernal Hollande- Fabius- Le Drian au Mali ou si l’URSS ne s’était pas entremis, en Syrie.
      Si ses amis ne gardent pas Hollande, ses ennemis s’en chargeront, et en l’état actuel des choses j’en ferai partie, alors que Communiste à Créon, j’aurais voté Darmian au second tour des deux mains.

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