Michelle, la mère courage du peuple chilien !

Second round in Chilean presidential electionsIl y a des soirées électorales qui demeurent définitivement sur les rayons des souvenirs et qu’il est bon, de temps à autres, d’aller rechercher au moment où l’Histoire se répète. Ainsi le dimanche 15 janvier 2006 demeurera parmi les grands moments d’une vie , la mienne, marquée par bien des hasards heureux ou malheureux car ce fut la seule soirée durant laquelle j’ai pu vivre au cœur d’un Ministère l’élection d’une Présidente de la République. C’était à Santiago du Chili et nous étions anxieux (1) de connaître le sort que réserverait le peuple à Michelle Bachelet, fée courageuse s’il en est. Une ambiance tendue puis lentement plus décontractée au fur et à mesure que s’affichaient, sur l’écran géant les résultats de son duel avec le milliardaire Sébastian Pinera, précédèrent une jubilation profonde parmi tous les présents. Intense émotion, embrassades, les larmes aux yeux accompagnèrent le privilège immense d’être parmi les témoins de l’événement de la cinquième femme à la magistrature suprême en Amérique du sud mais la première au suffrage universel direct avec 53;5 % des voix !

La plongée ensuite dans les rues de Santiago en liesse, la ferveur de ce peuple engagé, militant, exubérant, heureux de partager «sa » victoire avec des Français… Un bonheur communicatif et profond envahissait l’air estival du Chili. On revivait le bonheur dans ce pays n’ayant jamais vraiment effacé les stigmates de son passé fasciste. Une femme à la Moneda, dans ce palais ouvert sur la ville où s’était joué le drame de la mort d’Allende et où avait régné en tyran sanguinaire Pinochet et ses bourreaux galonnés. « Michelle » comme clamaient des milliers de poitrines portaient en elle tous les espoirs d’une société plus juste, plus fraternelle que l’humaniste Ricardo Lagos avait amorcée. Elle était la « mère » d’une démocratie qu’il fallait consolider et affirmer. Jamais je n’ai ressenti par tous les pores de ma peau autant de ferveur et de confiance dans des lendemains qui chanteraient.

Sa popularité était antérieure à son accession à la présidence. Nommée ministre de la Défense en 2002 par le président Ricardo Lagos, elle avait travaillé au dialogue entre civils et militaires, dans un pays aspirant à une réconciliation nationale après les années de plomb Pinochet. La fille de général rompt avec le style figé de la classe politique traditionnelle. Souriante, chaleureuse, n’hésite pas à serrer les gens dans ses bras ou à danser et chanter en public si l’occasion se présente. Elle ne frime pas, elle ne sourit pas artificiellement, elle ne va pas en talons aiguilles sur les pavés de Valparaiso, elle restera durant tout son mandat « Michelle » malgré des crises graves (transports publics à Santiago, manifestations des lycéens…). Elle achèvera ses 4 ans de présidence avec une popularité record. Les sondages lui donnaient un indice de satisfaction de plus de 80%. L’ex-présidente socialiste n’a pour autant pas pu immédiatement se représenter, la Constitution chilienne interdisant d’exercer deux mandats consécutifs. Michelle Bachelet aime les Chiliens et ils viennent de le lui rendre son amour en la plébiscitant avec 62 % des voix pour un second mandat. Elle prêtera serment ce 11 mars et j’aurai tant voulu être là-bas dans ce beau pays où j’ai ressenti le vrai prix de la liberté.

Le « Chili s’est regardé lui-même, sa trajectoire, son passé récent, ses blessures, ses gestes, le travail encore à faire. Et il a décidé qu’il était temps de mener des changements de fond », a-t-lle déclaré devant des milliers de partisans enthousiastes à Santiago, le soir de sa réélection. « Ça ne va pas être facile, mais quand a-t-il été facile de changer le monde pour l’améliorer ? » Elle a insisté sur l’urgence à construire un « Chili plus juste » et promis que « plus jamais une minorité ne fera taire la majorité ». Au cours de sa campagne, Michelle Bachelet a promis de mettre en marche dans les cent jours après son élection un ambitieux programme de cinquante réformes, fondé notamment sur une révision de la Constitution de 1980, héritée de la dictature. Une réforme fiscale, avec une hausse de l’impôt sur le bénéfice des sociétés de l’ordre de 8 milliards de dollars (3 % du produit intérieur brut), doit aussi permettre une refondation du système éducatif pour instaurer une instruction publique de qualité, l’amélioration du système de santé et des services publics… Un vrai programme « révolutionnaire » dans ce Chili qui a subi une libéralisation débridée touchant surtout le système éducatif  hérité de la dictature, jugé cher et inefficace. Elle proposait de lancer une réforme instaurant la gratuité des études universitaires d’ici à six ans. Méfiants, les nouveaux leaders du mouvement étudiant avaient appelé à ne pas voter lors des élections. Une grande manifestation étudiante est d’ores et déjà prévue pour le 15 mars, quatre jours après la passation de pouvoir… Le rêve Bachelet avec sa « Nouvelle majorité » sera donc de courte durée mais elle a suffisamment de charisme pour le récréer à tout instant. J’aurais tant aimé être à Santiago ce soir dans les rues…pour m’enivrer du parfum de la liberté une fois encore retrouvée !

Cette publication a un commentaire

  1. davidsudest

    Viva la presidente Bachelet contra el fascismo de Pinochet.

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