La programmation du nouveau puzzle territorial

On commence à voir se dessiner le destin des conseils généraux. Ils sont condamnés à une mort lente selon le principe du siphonnage. On va peu à peu au fil de réformes successives les vider de leurs compétences pour les transférer vers d’autres structures qui ne seront pas nécessairement mieux armées pour faire face à des tâches lourdes de proximité. En confiant à André Vallini, ancien Président du Conseil général de l’Isère, le rôle de répartiteur des dépouilles avec ou sans consentement des destinataires, le Président de la République a choisi un homme politique réputé pour sa froideur dans l’action. C’est un signe de la détermination de mener à son terme une vaste réorganisation du maillage territorial de la République. Le scénario est parfaitement cadré et rien ne l’arrêtera. Il va se dérouler selon un calendrier déjà connu pour peu que l’on remette en synergie plusieurs éléments dispersés. Avant 2017 on va s’orienter vers 3 dates clés.
Le 1° janvier 2015 les fameuses « métropoles » qui doivent sauver la place des territoires français les plus peuplés et les plus attractifs en Europe seront mises en place. Les négociations ont déjà débuter. Dans leurs compétences on a prévu très large avec comme arrière-pensée de pouvoir transférer des pans entiers des tâches affectées aux conseils généraux de manière consensuelle si les deux partis le souhaitent mais l’année suivant de manière ce sera de manière plus coercitive en utilisant le bâton ou la carotte financiers selon le contenu de la loi des finances 2016. Il sera aisé de calquer les dotations de l’État sur le fameux critère de « l’intégration des compétences » faisant que plus une intercommunalité aura pris de responsabilités, plus elle recevra de dotation de l’État. En revanche plus il y aura intégration des communes vers les intercommunalités, plus ces dernières seront privées de ressources et celles de leurs hôtes augmentées. Objectif : contraindre les plus petites communes à fusionner faute de moyens pour vivre puisqu’elles manqueront de moyens financiers en 2016. CQFD !
La première lame passera dans le budget 2015 avec une première sévère ponction sur les sommes versées aux communes par l’Etat afin que ces dernières réduisent la voilure car il leur sera impossible de compenser ces réductions par une augmentation de la fiscalité. Bercy a depuis de longues années le même programme qu’elle a lancé dès le début de la crise : l’affaiblissement progressif par fermeture des crédits des communes que l’on ne peut qu’indirectement contraindre à se saborder mais pas ouvertement fusionner. André Vallini est d’ailleurs sans ambiguïté : « Avec 36 767 communes, la France compte 58 communes pour 100 000 habitants alors que l’Espagne n’en compte que 18, l’Allemagne et l’Italie 14 et le Royaume-Uni 1 seule car les grands pays européens ont, depuis une vingtaine d’années, fusionné leurs communes. Et si la France dispose avec ses centaines de milliers d’élus locaux d’une vraie richesse, ils sont de plus en plus nombreux à reconnaître eux-mêmes, notamment dans les petites communes, qu’ils n’ont plus les moyens de leurs compétences (1). Il faut donc favoriser la montée en puissance des intercommunalités qui prendront appui sur les communes comme relais de proximité et parallèlement, il faut accélérer la mutualisation entre communes et intercommunalités pour faire des économies de fonctionnement. » C’est clair ! Le boulot devra être mis en place pour le 1° janvier 2018 ! C’est déjà parti !
Le 1° janvier 2016 on reparlera de la modification des schémas de cohérence des intercommunalités. Beaucoup de fusions ont été évitées ou modérées dans la première version. La nouvelle carte sera simple et reposera sur le travail qu’effectuent actuellement les élus locaux sur les schéma de cohérence et d’organisation territoriale (SCOT) !

Les maires auront du mal à ne pas reconnaître la validité des nouvelles propositions de fusions ou à s’y opposer puisqu’elles répondront à leurs vœux et seront le fruit d’un travail dont ils ne cessent de vanter les mérites. Date limite de ces fusions absorptions : 31 décembre 2018 avec la fixation des périmètres par le Préfet et donc par l’Etat sans consultation bien évidemment des habitants ! Les métropoles gavés de fric et de compétences récupéreront les périmètres suburbains qu’elles accusent de ne pas participer à leurs investissements alors qu’ils en sont les grands bénéficiaires. Les communautés de communes se réduiront à 7 maximum en Gironde !
1° janvier 2019 il sera temps de répartir les dernières dépouilles des conseils départementaux. Les collèges, les transports, l’environnement (eau et déchets) seront déjà rendus aux régions qui mettront en place des antennes territoriales sur les décombres des anciens conseils généraux et calquées sur les départements qui eux n’auront pas été touchés. Il suffit de lire les déclarations de Vallini pour avoir les références : « Le tourisme, les transports, les routes, les collèges, tout ça pourrait être piloté par les régions qui s’appuieraient sur les intercommunalités pour une gestion au plus près des réalités locales. Quant aux prestations sociales, on entend de plus en plus d’élus de toutes tendances évoquer le transfert du RSA aux Caisses d’allocations familiales. Restent l’enfance maltraitée et la solidarité avec les personnes âgées et les personnes handicapées : mais là encore, on peut envisager des schémas régionaux d’autant plus cohérents qu’ils concerneraient un vaste territoire mais dont la mise en œuvre serait évidemment assurée par les intercommunalités au plus près des bénéficiaires ».
Le chemin est donc tracé et on ne voit absolument pas la Droite revenant au pouvoir en 2017 en modifier la trajectoire. Trop heureuse de constater que le boulot a été bien préparé et surtout programmé de telle manière que les sénatoriales, les élections départementales et régionales lui soient éminemment profitables ! Détenant tous les leviers il lui sera facile de restreindre la gouvernance territoriale à 12 gouverneurs de provinces élus à vie ! C’est ce que l’on appelle l’esprit de sacrifice héroïque de la Gauche : le bonheur parfait pour Bercy et la fin de la démocratie représentative de proximité. Une plaie  pour la République selon les sondages afin satisfaits. Le libéralisme débridé s’installera au pouvoir pour deux ou trois décennies !

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Cet article a 2 commentaires

  1. Vanmeulebroucke Guy

    Bonjour(?)JMD,

    Il semblerait que toutes ces réformes de centralisme despotique ne soient pas aussi simple à mettre en œuvre.

    Parus sur la gazette.fr du 26 courant:

    DÉCENTRALISATION.

    L’examen du projet de loi de décentralisation boycotté par quatre syndicats au CSFPT.

    Quatre organisations syndicales prévoient de boycotter, le 30 avril, la séance plénière du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, durant laquelle le projet de loi de …

    INTERCOMMUNALITÉ.

    L’interco forcée censurée par le Conseil constitutionnel.

    Le Conseil constitutionnel vient de mettre un terme au rattachement d’office à un établissement de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre des communes isolées ou en….

    @+++++

  2. Guillot

    Cher Jean-Marie,
    C’est effectivement une question complexe qui ne peut être traitée dans la précipitation. Certes, on peut effectivement considérer que le maintien de notre tissus communal conduit effectivement à une démocratie à deux vitesses dans la mesure où, qu’on le veuille ou non, les droits du citoyens sont nécessairement différents dans les petites et les grandes communes. La lecture du CGCT est à cet égard édifiante. Ainsi, dans les petites communes (Moins de 3.500 habitants) :
    -certains droits sont restreints : délais de convocation du conseil municipal (3 jours au lieu de 5 /GCT Article L2121-12), Quorum nécessaire pour la convocation du conseil à l’initiative des élus (le tiers des élus dans les grandes, la majorité pour les petites / CGCT Article L2121-9)
    -d’autres n’existent pas (ou ne peuvent pas matériellement exister) : Absence d’obligation de règlement intérieur, (CGCT Article L2121-8), de débat d’orientation budgétaire (CGCT Article L2312-1), de mise à disposition du public du rapport de synthèse sur les SPIC (CGCT Article D2224-5), de note de synthèse sur les affaires soumises à délibération (CGCT Article L2121-12), de mise à disposition d’un local pour l’opposition (CGCT Article D2121-12) et surtout d’espace d’expression pour la minorité (CGCT Article L2121-27-1).
    Cette liste n’est bien entendu pas exhaustive……..
    Pour y remédier un regroupement des communes apparaît nécessaire mais ce regroupement modifierait alors à l’évidence l’exercice de la démocratie locale dans un sens qui ne serait pas nécessairement favorable s’il n’était pas accompagné d’une limitation des mandats dans le temps comme le suggère implicitement Jean-Marie à propos des régions dès l’instant où nous aurions affaire à de puissantes collectivités : des gouverneurs à vie dans les régions mais aussi dans les communes !!!!!
    Amicalement
    Norbert

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