L'injection qui condamne à mort la barbarie institutionnelle

 

La longue agonie d’un condamné à mort, en Oklahoma, l’état fascisant des Etats-Unis illustre la terrible facette de la peine de mort que l’opinion publique réclame au nom de la vengeance Quelques minutes après le début de l’injection d’un nouveau cocktail létal, qui n’avait jamais appliquée le coupable agonisait et conduisait les responsables de l’exécution à l’annuler un peu tard ! . Prendre la vie d’une autre est durement condamnable mais rien ne justifie que l’on donne une couverture légale à un crime institutionnel.

Robert Badinter dans son formidable discours du 17 septembre 1981 avait dénoncé cet acte institutionnel de barbarie sociale : (…) : La vérité est que, au plus profond des motivations de l’attachement à la peine de mort, on trouve, inavouée le plus souvent, la tentation de l’élimination. Cette justice d’élimination, cette justice d’angoisse et de mort, décidée avec sa marge de hasard, nous la refusons. Nous la refusons parce qu’elle est pour nous l’anti-justice, parce qu’elle est la passion et la peur triomphant de la raison et de l’humanité (…) ». Or là-bas dans ce grand pays civilisé qui nous sert de guide pour sa culture, son libéralisme économique débridé, son puritanisme renaissant, sa misère grandissante on est allé encore une fois au bout de l’horreur. L’exécution d’un condamné a tourné à la torture reprochée aux systèmes sociaux les plus répugnants. On a testé des produits susceptibles de tuer (ça ne vous rappelle rien) sur Clayton Lockett un criminel inexcusable ! Il a été pris de convulsions, soulevant la tête et la poitrine de la table d’exécution, tremblant, agitant la tête et grognant des mots inaudibles selon les témoins. L’injection létale a été lamentablement manquée puisque les trois produits ayant déjà été injectés se sont révélés inopérants pour causer une mort rapide. En définitive le condamné a succombé à « une crise cardiaque foudroyante » exactement 43 minutes après la piqûre !

Chaise électrique, pendaison, chambre à gaz, exécution relèvent de l’habitude et pas nécessairement de l’invention diabolique de l’administration de produits chimiques destructeurs. Face à cette situation depuis cinq à sept ans, plusieurs Etat américains ont choisi d’abolir la peine capitale par cette technique. En raison du refus de fabricants européens de fournir l’anesthésiant le plus courant (pentobarbital) pour des exécutions humaines, les 32 Etats pratiquant encore la peine capitale « ont de très grandes difficultés à trouver des barbituriques et s’échinent à chercher » une source d’approvisionnement pour vider les fameux couloirs de la mort ! Le Tennessee a déjà approuvé le retour à la chaise électrique, la Géorgie, la Virginie, l’envisagent, tandis que le Missouri et le Wyoming parlent de renouer avec le peloton d’exécution, mais « ils n’en sont qu’au stade de la discussion ».

Dans le monde pour tuer légalement on ne manque pas d’imagination afin de satisfaire au principe « œil pou œil dent pour dent » dont jamais personne n’a pu démontrer l’efficacité. Texas, Virginie et Oklahoma c’est en effet le top trois des Etats américains qui ont exécuté le plus de condamnés à mort. Et cela continue : le Texas a dépassé les 500 exécutions depuis 1978, la Virginie, deuxième Etat en termes d’exécutions de condamnés, est bien loin derrière, avec 110 exécutions. L’Oklahoma est troisième avec 105 mises à morts. Pourtant c’est totalement inutile pusique, le taux de criminalité dans ces Etats n’est pas moins important malgré la «menace» que représente la peine de mort pour les criminels. « Il n’y a pas de corrélation entre le taux de criminalité ou la baisse du taux de criminalité et la peine de mort », souligne Arnaud Gaillard, sociologue « En réalité, une bonne partie des condamnations à mort émane de quelques comtés, explique-t-il, notamment le Comté de Harris, où le district attorney requerrait systématiquement la peine de mort, en faisant un genre de commerce pour se faire réélire.» Jamais il n’y a eu autant d’actes violents aux USA et pourtant on continue à injecter des produits pourris pour tenter de justifier la sévérité d’un système au moins aussi violent que ceux qui en sont en marge.

Écoutons encore Robert Badinter : «  Je sais qu’aujourd’hui (note du rédacteur c’était le 17 septembre 1983 soit il y a plus de 30 ans!)– et c’est là un problème majeur – certains voient dans la peine de mort une sorte de recours ultime, une forme de défense extrême de la démocratie contre la menace grave que constitue le terrorisme […]. Cet argument procède d’une méconnaissance complète de la réalité. En effet, l’Histoire montre que s’il est un type de crime qui n’a jamais reculé devant la menace de mort, c’est le crime politique […]. La mort et la souffrance des victimes, ce terrible malheur, exigeraient comme contrepartie nécessaire, impérative, une autre mort et une autre souffrance. À défaut, déclarait un ministre de la Justice récent, l’angoisse et la passion suscitées dans la société par le crime ne seraient pas apaisées. Cela s’appelle, je crois, un sacrifice expiatoire. Et justice, pour les partisans de la peine de mort, ne serait pas faite si à la mort de la victime ne répondait pas, en écho, la mort du coupable. […]. Soyons clairs. Cela signifie simplement que la loi du talion demeurerait, à travers les millénaires, la loi nécessaire, unique de la justice humaine […] »

Rien que pour ces phrases lumineuses, courageuses et après le comportement de ces bourreaux d’Oklahoma digne des plus horribles régimes dictatoriaux je suis fier d’être Français et de gauche !

 

 

Cet article a 3 commentaires

  1. Facon

    Bonjour,
    Pendant le discours de M.Badinter, l’ombre de Victor Hugo planait sur l’Assemblée Nationale. En écho son plaidoyer contre la peine de mort devant l’Assemblée Constituante du 15 septembre 1848 dont j’extrais ce passage.
    « Voyez, examinez, réfléchissez. Vous tenez à l’exemple. Pourquoi ? Pour ce qu’il enseigne. Que voulez-vous enseigner avec votre exemple ? Qu’il ne faut pas tuer. Et comment enseignez-vous qu’il ne faut pas tuer ? En tuant.

    En France, l’exemple se cache à demi. En Amérique, il se cache tout à fait. Ces jours-ci on a pu lire dans les journaux américains l’exécution d’un nommé Hall. L’exécution a eu lieu non sur une apparence de place publique, comme à Paris, mais dans l’intérieur de la prison. « Dans la geôle. » Y avait-il des spectateurs ? Oui, sans doute. Que deviendrait l’exemple s’il n’y avait pas de spectateurs ? Quels spectateurs donc ? D’abord la famille. La famille de qui ? Du condamné ? Non, de la victime. C’est pour la famille de la victime que l’exemple s’est fait. L’exemple a dit au père, à la mère, au mari (c’était une femme qui avait été assassinée), aux frères de la victime : cela vous apprendra ! Ah ! j’oublie, il y avait encore d’autres spectateurs, une vingtaine de gentlemen qui avaient obtenu des entrées de faveur moyennant une guinée par personne. La peine de mort en est là. Elle donne des spectacles à huis clos à des privilégiés, des spectacles où elle se fait payer, et elle appelle cela des exemples ! »

    Aujourd’hui rien n’a vraiment changé chez l’oncle Sam et Victor Hugo en donne la raison dans le même discours.

    « Savez-vous ce qui est triste ? C’est que c’est sur le peuple que pèse la peine de mort. Vous y avez été obligés, dites-vous. Il y avait dans un plateau de la balance l’ignorance et la misère, il fallait un contre-poids dans l’autre plateau, vous y avez mis la peine de mort. Eh bien ! ôtez la peine de mort, vous voilà forcés, forcés, entendez-vous ? d’ôter aussi l’ignorance et la misère. Vous êtes condamnés à toutes ces améliorations à la fois. Vous parlez souvent de nécessité, je mets la nécessité du côté du progrès, en vous contraignant d’y courir, par un peu de danger au besoin.

    Ah ! vous n’avez plus la peine de mort pour vous protéger. Ah ! Vous avez là devant vous, face à face, l’ignorance et la misère, ces pourvoyeuses de l’échafaud, et vous n’avez plus l’échafaud ! Qu’allez-vous faire ? Pardieu, combattre ! Détruire l’ignorance, détruire la misère ! C’est ce que je veux. »

    Que dire de plus!

    Salutations humanistes et républicaines

  2. DUBERNAT

    C EST QUAND MEME LAMENTABLE DE NE PAS EXPERIMENTER LES PRODUITS MEME SUR UN CONDANNE A MORT SA NE DOIT PA SE FAIRE IL Y A UN MINIMUN DE RESPECT QUELQUE SOIR L INDIVIDU

  3. Cubitus

    Le jour où l’exécution d’un coupable rendra en échange la vie à sa victime, la peine de mort se trouvera peut-être justifiée.
    Sauf erreur judiciaire…

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