Désormais le 11 novembre on commémorera une poignée de mains

Comment ne pas ressentir un immense écœurement en voyant la manière dont les médias télévisés ont traité en direct la commémoration du 97° anniversaire de la signature de l’armistice de la Grande Guerre ? Ce moment de mémoire d’éducation populaire par excellence s’est transformé en caricature d’un système d’une affligeante futilité. Comment peut-on espérer redonner des couleurs à la République quand durant des heures de diffusion d’un événement institutionnel on bassine l’auditoire avec une poignée de main ? Pas celle que le Président va donner aux familles des 4 soldats morts pour la France sur des territoires d’opérations militaires extérieures depuis un an ! Pas celle qu’il délivrera aux représentants des associations d’anciens combattants porteurs de milliers d’événements dans le pays. Pas celle qui féliciterait le responsable des armées pour la qualité de l’organisation de la cérémonie.
Autour de tous les monuments aux Morts en France les élus locaux cherchent justement à conforter la valeur de ce 11 novembre, jour férié dont il faut convenir que plus grand monde connaît le sens. Un reportage rude sur Sud Radio effectué dans un collège de Talence par Christophe Bernard diffusé le matin même avait en effet de quoi désoler n’importe quel éducateur un tant soit peu enclin à effectuer un brin d’éducation civique… et pourtant toute la matinée on a attendu une poignée de mains ! Il fallait entretenir le suspens autour de ce qui devient tellement banal pour récompenser les rares téléspectateurs présents devant leur poste.
La poignée de main historique devait retenir les partants pour les courses dans les centres commerciaux ouverts. En tout cas, dans le milieu politique, où l’image que l’on renvoie est primordiale, aucun geste n’est laissé au hasard. L’image renvoyée aux citoyens est essentielle et c’est elle qui dicte les attitudes de ces experts en langage corporel. Le doute qui pesait sur la manière dont serait effectué ce geste maintiendrait chez eux celles et ceux qui auraient pu aller se recueillir vers 11 h dans leur village ou leur ville.
Violente ? Concupiscente ? Amicale ? Dédaigneuse ? Détendue ? Glaciale ? Distante ? Respectueuse ? Agressive ? S’agirait-il d’une « paix armée », d’un « armistice », d’un « pacte de non-agression », d’une « réconciliation », d’une « revanche » : les supputations allèrent bon train sur l’interprétation du scoop de la journée. Que porterait comme symbole ce geste qui avait valu à André Labarrère son surnom de « Toque-manette » ?
Minute après minute l’impatience des commentatrices et des commentateurs montait d’un cran. On sentait bien que les rites du dépôt de gerbe au pied de la statue d’un certain Georges Clémenceau ou de la « réanimation » de la flamme n’avait aucun intérêt. Et même les traditionnelles explication sur la tombe du soldat inconnu étaient débités avec une certaine lassitude. Le « grand moment » se situait ailleurs.
On avait consulté un « comportementaliste » afin de décoder le contact manuel attendu. Cette fameuse poignée de main serait un excellent moyen d’en savoir un peu plus sur les rapports entre les personnalités politiques . Ce serait un excellent révélateur d’une partie de leur personnalité et donc toutes les hypothèses avaient été envisagées.
Si l’un gardait manifestement une distance importante il faudrait en conclure qu’elle a un grand besoin d’espace. Par cette attitude, l’un d’eux ne souhaiterait inconsciemment repousser, éloigner de sa bulle intime, en d’autres mots, bouter hors de son territoire un intrus. Celle que l’on attendait pouvait être de ce type. Il était donc primordial d’observer en ce jour de commémoration de l’Armistice la façon de se serrer la main de ces hommes politiques. Bien souvent, en effet dans le cas de grandes rencontres internationales, le dirigeant du pays le plus « puissant » a sa main par dessus celle de son homologue pour affirmer sa suprématie. Qu’en serait-il ? Il peut malgré tout arriver que la situation inverse se produise, afin de donner volontairement plus d’importance à l’interlocuteur.
La paume vers le haut ou vers le bas de l’un ou de l’autre ? On allait savoir qui dominerait l’autre. Important un jour d’Armistice ! L’un des deux protagonistes pouvait avoir un regard fuyant ce qui traduirait une certaine timidité ou au pire un refus d’ « affronter » l’autre probablement à cause de quelque chose à cacher. Celui qui regarderait droit devant, bien dans les yeux témoignerait d’une aisance et d’un caractère bien équilibré d’une preuve d’une assurance et d’une maîtrise bien canalisées. Par contre si lors du serrage de mains ses épaules étaient orientées de trois-quart on en déduirait qu’il ne souhaitait pas s’attarder car il n’appréciait pas vraiment son vis-à-vis qu’il venait tout de même saluer par simple politesse avant de poursuivre vers ses vrais amis ou ceux en qui il a vraiment confiance.
Bref en ce 11 novembre 2015 on a encore une fois éludé médiatiquement l’essentiel pour parler de quelques secondes superficielles…pompeusement transformées en rencontre de l’année par celles et ceux qui chaque jour passe leur temps à éviter d’informer !

Cet article a 6 commentaires

  1. J.J.

    Comme aurait dit mon arrière grand-mère, qui employait des formules imagées, à défaut d’être élégantes : « d’une merde chien ils en font un pain de sucre ! »

    Pour moi, attacher de l’importance à ce non événement est une marque de dédain, un manque de respect pour les victimes des conflits actuels, passés et hélas avenir.

    Il révèle également l’outrecuidance de certains personnages qui n’ont pas honte de se montrer en public avec toute leur batterie de cuisine aux basques. A leur place je me cacherais dans un trou de souris, mais nous n’avons probablement pas les mêmes valeurs.

    Cela me rappelle une réplique de Lino Ventura….

    1. J.J.

      Question subsidiaire : c’est une Rolex que le personnage de gauche porte à la main droite ?

  2. Lecourt Gérard

    Vous avez tellement raison que je n’ai pas écouté les commentaires affligeants de nos pseudo journaleux!!!

  3. mlg

    C est vrai que c’etait penible d’entendre toujours la même litanie et ^changer de media ne changeait rien justement!!!!A oublier

  4. Alain .e

    Non , rien d’ anormal à tout ça , la télé est au niveau de la classe politique , affligeant.
    Il suffit de regarder les séances télévisuelles à l’ assemblé pour s’ en persuader.
    Et on nous ressort la mixité pour les collèges , on ferait mieux de mettre de la mixité chez les politiques , chez les journalistes, la France des castes a encore de beaux jours devant elle, on n’ est pas si loin de l’ Inde!!!

  5. Cubitus

    Je ne regarde plus la télé depuis plusieurs années (par choix, les programmes étant d’une nullité affligeante). J’ai donc échappé à cet épisode de télé réalité dont les médias sont friands. Ouf…!
    Ceci étant, mon père né en 1908 était trop jeune pour avoir participé à ce conflit. Mais un de ses frères âgé de 22 ans y a laissé sa peau, un autre en est revenu avec une jambe en moins et un troisième a eu les poumons perforés à Verdun. Quand au père de ma mère, il fut également blessé à Verdun et eut droit aux honneurs militaires lors de ses obsèques. Alors les gesticulations télévisuelles de certains me laissent complètement indifférent et le ridicule ne frappe selon moi que ceux qui s’y livrent et ceux qui les mettent en une de l’actualité. Mes pensées vont plutôt vers tout ceux pour qui ce conflit fut à l’époque une véritable tragédie humaine, quel que soit le côté des belligérants, qui vit l’Europe se déchirer une première fois et qui devra attendre plus de 40 ans et un nouveau conflit meurtrier pour se comprendre et s’entendre.

Laisser un commentaire