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Même en août n’est pas révolutionnaire qui veut

Les nuits d’été sont réputées chaudes et me^me pour celles et ceux qui en ont l’envie et l’âge elles peuvent être torrides. L’Histoire a ses grands événements qui ont marqué l’histoire sociale. Ainsi quand on avait encore un enseignement chronologique de la Révolution française dans l’enseignement public après celle du 14 juillet arrivait le rendez-vous symbolique de l’abolition des privilèges. Le 4 août constituait la référence absolue des femmes et des hommes soucieux de la conquête de l’égalité citoyenne. Et ce, bien plus que la prise de la Bastille ! On retiendra que dans la journée du 9 août 2017, malgré leur épuisement les députés représentant une part du peuple de France ont eux voté dans un grand fracas médiatique la loi organique de moralisation de la vie politique ! Selon les déclarations de quelques-uns d’entre eux il s’agit d’un acte d’une portée au moins aussi historique que celle que prirent les représentants à l’Assemblée nationale constituante. Eux ce fut cependant dans un bel élan d’unanimité qu’ils proclamèrent l’abolition des droits féodaux et de divers privilèges. Cette initiative fut soutenue par bien des grands personnages qui y voyaient une manière d’échapper eux-mêmes aux plus importantes des contraintes qui risquaient de les frapper.
C’est ainsi le duc d’Aiguillon (29 ans) propose d’offrir aux paysans de racheter les droits seigneuriaux à des conditions modérées. Ce libéral est aussi la deuxième fortune de France après le roi. Le vicomte de Noailles, un cadet de famille sans fortune, surenchérit et propose d’en finir avec les droits seigneuriaux, «restes odieux de la féodalité» selon ses termes. Il suggère rien moins que d’«abolir sans rachat» les corvées seigneuriales et autres servitudes personnelles. L’évêque de Chartres monte à la tribune et propose l’abolition des droits de chasse, ce qui ne lui coûte rien mais pèse sur les nobles. Le duc du Châtelet dit à ses voisins :«L’évêque nous ôte la chasse ; je vais lui ôter ses dîmes». Et, montant à la tribune, il suggère que les dîmes en nature (impôts payés à l’Église par les paysans) soient converties en redevances pécuniaires rachetables à volonté. Là-dessus, voilà que sont attaqués les privilèges des provinces. En effet, chaque fois qu’une nouvelle province était annexée, le roi promettait de respecter ses privilèges, c’est-à-dire ses libertés, les lois particulières traditionnelles, les coutumes et droits immémoriaux de ses habitants. Tout cela prend fin en cette nuit mémorable. Les représentants du Dauphiné, suivis par ceux de Bretagne et des autres pays d’État, provinces jouissant de privilèges, font don de ceux-ci à la Nation. Les représentants des villes font de même. Pour finir, un membre du Parlement de Paris proclame le renoncement à l’hérédité des offices (charges de magistrature).
Au milieu des applaudissements et des cris de joie, sont ainsi abattus les justices seigneuriales, les banalités, les jurandes et les maîtrises, la vénalité des charges, les privilèges des provinces et des villes. Sauf que passé le moment d’euphorie, les députés prennent le temps de réfléchir. Ils décident que seuls les droits féodaux pesant sur les personnes seront abolis sans indemnité d’aucune sorte. Cette nuit d’été entra alors dans la construction de la démocratie. Il paraît que le vote du 9 août va lui-aussi bouleverser la République en mettant fin à des « privilèges » que s’étaient arrogés au fil des ans les élus ayant en charge justement la mis en œuvre de l’égalité héritée de leurs lointains prédécesseurs. Le seul problème c’est que l’impact se limitera à quelques centaines de personnes mais n’aura aucune conséquence particulière pour des millions d’autres !
L’été 2017, à quelques jours près 228 ans plus tard rien n’aura vraiment changé sauf que, sans un attentat contre des sentinelles de l’armée française, nous aurions été submergés de superlatifs pour vanter des décisions aussi utiles que l’implantation de radars dans les lignes droites sans danger pour la très grande majorité des conducteurs ! En fait le résultat de cet après-midi « révolutionnaire » du 9 août ne dépassera pas les cercles d’initiés !
La suppression de la réserve parlementaire et de celle des ministres revient simplement à priver très largement de fonds pour investir des petites communes ou des structures dynamiques au nom des irrégularités commises par une poignée d’élus avec la bienveillance du contrôle d’État désormais inexistant. Plutôt que de bâtir un vrai code de bonne conduite avec sanctions possibles on a fait dans le théâtral estival puisqu’il ne s’agit que de récupérer des crédits dans cette période de disette budgétaire. En fait pour le reste la Révolution en marche a empilé des dispositions ou dispositifs plus ou moins complexes déjà contenus dans les lois ordinaires mais qui étaient bloquées par le simple principe voulant que l’immunité parlementaire fasse des parlementaires des « privilégiés » reposant la fraternité politicienne ralentissant ou simplement empêchant l’action judiciaire (cf le cas récent de Mercier). Les nuits d’août se succèdent depuis des décennies mais pour ma part je n’en connais qu’une qui ait appartenu à l’Histoire !

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