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L’oxymore trompeur et désuet du « capitalisme populaire »

Dans son discours devant le Congrès, Emmanuel Macron a défendu le principe moderniste d’un « capitalisme populaire » qui « passe par un investissement des salariés dans les entreprises avec un nouvel élan de la participation et de l’intéressement ». L’association de la référence au « capitalisme » avec celle du « peuple » relève véritablement de la supercherie la plus complète et même du miroir aux alouettes ! Il s’agit d’une pure invention ultra-libérale qui surgit dans le périodes où il faut trouver un moyen de lier l’entreprise avec des salarié(e)s pour lesquels on prépare de mauvais coups. Posséder des actions n’accorde aucun privilège et aucune part au pouvoir dirigeant. En fait cette notion de « capitalisme populaire » qui permettrait donc au public d’acheter des parts d’une entreprise, y compris nationalisée, renvoie à l’ère Thatcher au Royaume-Uni dont on connaît les effets produits sur l’emploi. La Dame de Fer voyait en effet dans le capitalisme populaire « une croisade destinée à permettre au plus grand nombre de participer de plein droit à la vie économique de la nation » en…. 1986. Une conception qui n’a pas produit les effets escomptés dans bien des secteurs comme les mines, les transports, l’énergie. Elle a été reprise par son disciple David Cameron qui en 2012, déclarait qu’un des « thèmes consistants des conservateurs a toujours été l’ambition de construire une nation d’actionnaires, d’épargnants et de propriétaires immobiliers ».
En France, la notion de «capitalisme populaire» faisait rappelons-le partie du programme de Marine Le Pen lors de la campagne présidentielle de 2012. La candidate du Front national proposait ainsi « l’instauration d’une réserve légale de titres» pouvant atteindre 10% du capital dans les entreprises de plus de 50 salariés, qui leur donnerait «l’accès aux dividendes mais pas au vote ». Trop dangereux que les actionnaires se mêlent de ce qui dans le fond les regarde toujours un peu !
Il serait aussi utile de rappeler que de Gaulle n’avait pas eu l’audace d’associer « capitalisme » et « populaire » mais qu’il avait préféré lancer la notion de « participation » en juillet 1967 confirmé par un texte paru le 17 août. il avait forcé son gouvernement peu enclin à de telles initiatives De Gaulle à promulguer une ordonnance à laquelle il a personnellement veillé sur la mise en œuvre obligatoire de la « participation » dans les entreprises de 100 salariés et plus. C’est d’après des témoignages de l’époque le Général de Gaulle lui-même qui avait imposé contre toutes les oppositions ces dispositions dans le train de mesures économiques et sociales prises par ordonnances en plein été, et qui les a défendues pour éviter qu’elles soient vidées de leur substance. Il aurait même rédigé de sa main une note comminatoire pour le Gouvernement dont le témoin de l’époque qui faisait le lien entre l’Élysée et le Gouvernement sur ce sujet indique qu’elle portait en haut de la page la mention « Voici ce qu’il faut faire » !- allant plus loin que le projet que ce dernier, sur lequel de nombreuses personnalités politiques de l’époque ont travaillé. Nous voici donc revenus plus d’un demi-siècle en marche arrière. Il semble que le Président de la République n’ait pas lu jusqu’au bout les principes édictés par de Gaulle car ils étaient bien plus révolutionnaires et modernes que ceux qui ont été vaguement évoqués à Versailles !
« Il faut encore que dans la grande évolution très considérable et inévitable, toutes nos activités, le travail et les travailleurs trouvent leur sécurité en dépit des changements d’emploi ou d’emplacement qui sont nécessaires. Ce à quoi l’aide publique est maintenant employée sous toute sorte de formes, soit à l’échelle de la nation, soit à l’échelle des régions et il faut enfin que dans les entreprises, la participation directe du personnel au résultat, au capital et aux responsabilités deviennent une des données de base de l’économie française. Très vaste transformation sociale dans laquelle l’intéressement  qui est maintenant prescrit par la loi constitue une importante étape. Comme le bonheur, le progrès ça n’existe que par comparaison. » Des propos qui ouvraient bien d’autres avancées sociales que celles du « capitalisme populaire » principe étriqué issu de l’imagination de ces penseurs qui considèrent que l’argent virtuel reste le meilleur moyen de détourner les consciences citoyennes. De Gaulle ne ut jamais mettre en œuvre sa réforme sociale puisque mai 68 vint donner d’autres droits aux salarié(e)s qui depuis n’ont cessé d’être rabotés par des gouvernements dévoués au « capitalisme impopulaire ».
Chaque mesure, chaque réforme, chaque décision est en lien direct avec le « pognon » susceptible, dans une société de surconsommation, de régler tous les problèmes. Pour la pauvreté il est ainsi envisagé de réduire… les frais bancaires. Pour la sécurité routière on invente le 80km/h qui procurera… des subsides pour les hôpitaux. Pour les collectivités locales il invente le malus… contraint qui doit rapporter du bonus à l’État sans améliorer d’un iota sa situation réelle ! Partout on ne parle que de milliards à économiser… au titre de la participation au redressement des finances publiques. Bref le « capitalisme populaire » n’est qu’un oxymore de plus à mettre au rang des bizarreries politiciennes.

Cet article a 11 commentaires

  1. Bernadette

    Les salariés actionnaires vont créer une mauvaise ambiance dans l’entreprise à moins qu’une loi intervienne pour le bien être au travail.

  2. Bernadette

    Si les salariés doivent perdre leur vie sur proposition de gagner plus.
    La vie ne se gagne pas, elle se vit

  3. JJ Lalanne

    La bourgeoisie méprisante du 19ème siècle a entraîné la création de mouvements violents, type Ravachol ou autres, contre ses symboles, dans les biens ou les institutions publiques. Le retour d’ un capitalisme triomphant et le mépris affiché de considérations humanistes, conjugués, entraîneront inexorablement le retour au chaos. Quand mépris,oppression et rejet de la discussion avec les syndicats se conjuguent ils ne faut pas s’ étonner de la recherche de solutions tout aussi radicales…

    1. Bernadette

      Je pense que l’action syndicale elle même n’est pas au top.
      Il manque les compte rendu de réunion, les tracts qui sortent bien souvent de la machine devraient être accompagnés d’heures mensuelles d’informations syndicales. Le fonctionnement du syndicat devrait être revu.
      La vie syndicale dans l’entreprise doit exister. C’est dans l’entreprise qu’un syndicat doit naître.

  4. JJ Lalanne

    Les personnes les plus critiques envers les syndicats sont celles qui ne se syndiquent pas. C’ est quand la « boîte » va fermer que l’ on vient vous trouver pour adhérer. Trop tard. Nous n’ acceptions pas d’ ailleurs d’ adhésion à chaud. Ni opportunisme ni raccolage. Combien de personnes confondent syndicat et assurance…

    1. François

      Bonjour @ JJ Lalanne !
      N’oublions pas de dire que le syndicat s’est toujours comporté (et se comporte toujours !) comme … une assurance : si tu veux un emploi, passe par le syndicat ! C’est une erreur de destination de celui-ci. Ce n’est pas la boîte à sucre d’orge !
      Cordialement.

  5. JJ Lalanne

    @François: C’ est vrai que certains syndicats ou sections syndicales ont ostensiblement favorisé leurs adhérents. Je l’ ai aussi constaté, combattu et subi… Des dérives qui ont fait et font le plus grand mal au syndicalisme. Il n’ y a pas que mais le côtoiement de cadres syndicaux avec les autorités administratives ou autres faisait passer abusivement les copains avant… Est-ce que l’ on peut supporter de voir un secrétaire régional d’ un syndicat important (Snetaa) critiquer l’apprentissage pour le voir le soir en cachette venir y donner des cours pour le fric? Ça remonte à un certain temps mais les pratiques ont-elles disparues? Difficile sur le terrain de défendre les collègues et les idées au milieu des invectives « tous pourris » comme les politiques le subissent. N’empêche pas de continuer. Du masochisme peut-être!

    1. faconjf

      27 années de militantisme syndical et social contre vents et marées, contre les directions qui ne supportaient pas que je refuse les accommodements en échange de facilités professionnelles, contre les autres chapelles syndicales conscientes du mauvais exemple, contre les permanents fédéraux qui privilégiaient toujours les compromis ( à leur avantage?). Des années usantes, où le téléphone sonne au domicile dès le matin sans respect pour le repos ou la vie de famille, les préparations interminables de commissions paritaires où tout se joue en coulisses. Et que dire des périodes de conflit, sur le pied de guerre 24/24, les convocations au tribunal ou à la gendarmerie, les pressions des managers et le travail personnel scruté à la loupe dans des buts souvent inavouables…
      Et puis un jour, la déchirure, la trahison ultime qui enclenche la désertion. Alors critiquer les syndicats? Je n’y songe même pas .

      1. François

        Bonjour @faconjf !
        Ne nous méprenons pas car ce que vous prenez pour une critique n’est qu’un constat … constructif. Comme le reconnaît @JJ lalanne, ces actions antérieures ont certainement nui au syndicalisme et participé à sa position actuelle…bien pâle.
        Bravo pour vos 27 années de militantisme syndical et social …même si, dans ma modeste vie, je peux en annoncer 40 passées près du « cambouis ». A 71 ans, l’envie vissée aux tripes par mes formateurs, ça continue, me permettant ainsi de parler avec …expérience ! !
        Solidairement.

  6. JJ Lalanne

    Ce n’ est pas une critique du syndicalisme,bien au contraire. C’ est le regret que les pratiques de certains servent à jeter l’ opprobre sur les intègres dont je pense que François comme faconjf ou moi-même faisons parties. Je peux ajouter que si certains ont pu améliorer leur condition par ces travers,moi c’ est 400euros par mois de moins sur ma retraite pour ne pas avoir plié,avoir sauvé des collègues jusqu’en correctionnelle et ne pas avoir été soutenu moi-même. Ce n’ est pas rien mais je me devais d’ oublier la peur pour quelques cas. Et il est certain que bien des syndicalistes assument honorablement leurs choix de société.

  7. SALWA jean

    Qu’est-ce que l’actionnariat populaire ? :

    Ce n’est pas brader les grands groupes gérés par l’Etat
    L’actionnariat populaire c’est développer l’actionnariat de proximité régional en direction des TPE PME locales et de proximité afin de les aider à croître créer des emplois et se pérenniser. Faire revivre économiquement les déserts qui se délocalisent avec la mondialisation.

    Le capitalisme populaire doit être un désir spontané de participer à la réalisation d’un projet de développement d’entreprises locales régionales voir nationale et qui apporteront de la croissance économique locale mais aussi un placement pouvant distribuer des dividendes et aussi dans une faible proportion de plus-values.

    Il est nécessaire de mettre l’accent sur la nécessité pour que les dirigeants de ces PME organisent la pérennité de leur entreprise, même après eux, sur du très long terme. Les particuliers investisseurs visant sur du long terme, souvent espérant que leur placement soit un complément pour leur retraite.
    Le capitalisme populaire ce ne doit pas être l’État qui cède des actions d’entreprises qu’il détient aux petits épargnants à un prix qui leur permet d’être assuré de les revendre plus cher et qui seront en final rachetées par des groupes financiers (ADP, FDJ, ENGIE etc. …)
    Le capitalisme populaire ce doit être la possibilité pour le public d’acheter des parts de TPE PME ambitieuses répondant aux besoins économique et humains locaux ou régionaux.
    Plus généralement, n’importe quelle personne physique doit pouvoir acheter des actions d’une entreprise, sans intermédiaire, et participer ensuite des décisions de son développement. Le concept existe couramment à l’accession à la propriété, par exemple en permettant aux habitants de HLM de devenir propriétaires de leur logement.

    C’est dans les années 1980 qu’avec l’arrivée de la gauche que s’est développé spontanément un actionnariat régional populaire à travers la France. L’idée qui s’est amorcée en énorme succès à partir de 1981 a servi en 1986 de tremplin aux privatisations.

    Le capitalisme populaire doit amener une nouvelle forme juridique d’entreprises qui doit créer une nouvelle forme de richesse répartie de façon plus équitable entre les Français jean SALWA

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