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Elle court, elle court la rumeur…

Rien ne saurait arrêter une rumeur qui court…Elle a souvent tué et elle constitue un phénomène que les réseaux sociaux ne sont pas faits pour éteindre. Au contraire en quelques clics ils la propagent ou souvent ils la créent avec une intention bien déterminée. Elle constitue même parfois l’un des outils préférés de la désinformation grâce à une propagande bien maîtrisée, des préjugés bien ancrés dans les esprits, la théorie grandissante des complots ou des fausses informations diffusées le plus rapidement possible. La plus emblématique et la plus connue d’entre toutes reste celle dite des « cabines d’essayage d’Orléans ». Elle prétendait, en mai 1969, il y a un demi-siècle, que les cabines de plusieurs magasins de vêtements féminins de cette ville paisible étaient en fait des « pièges pour les clientes ». Elles y étaient kidnappées pour être livrées à un réseau de prostitution.

Cette affaire totalement fausse est considérée comme un cas d’école, par sa durée, son extension, ses dégâts, et par sa fin. Les démentis, même officiels et répétés ne sont vraiment parvenus à l’endiguer. Il n’y a jamais eu la moindre disparition suspecte à Orléans. Les services officiels eurent beau l’expliquer ils n’empêchèrent jamais qu’elle courent la rumeur entretenu même sur le ton du doute et au conditionnel par les médias. Elle ne s’arrêta que cessa qu’avec la rocambolesque affirmation de celles et ceux qui en savent davantage que les autres : les clientes disparues « étaient prises en charge par un sous-marin remontant la Loire (sic) ». Des sociologues se sont penchés sur la propagation de cette fausse information et surtout les modalités de sa construction. La conclusion se résume ainsi : « C’est une communication informelle qui véhicule des informations officieuses ». Dans notre société où plus rien n’est vérifié il est possible de prétendre n’importe quoi avec vraisemblance dans le discours pour que le « feu » de le rumeur gagne « la prairie » sèche des esprits ravis d’apprendre aux autres ce qui les met en valeur. Ils savent ce qui est ignoré de la plupart ! C’est leur force !

Depuis le début de la semaine en Seine Saint-Denis et si on n’y fait pas attention en d’autres lieux, se propagent des accusations absolument infondées sur l’enlèvement d’enfants par des Roms ! Deux hommes de cette communauté ont été agressés par une vingtaine d’individus et frappés. Ils ont été hospitalisés. Cette agression s’est déroulée après une violente altercation visant la veille également des membres de cette communauté. Des messages mensongers diffusés sur les réseaux sociaux sur un « petit garçon [qui] vient de se faire enlever pas loin de la boulangerie ». Et une précision : « Par une camionnette blanche ». Rien n’est vrai mais la photo de ce véhicule banal circule depuis une dizaine d’années dans l’imaginaire collectif. Il est accompagné d’un commentaire : « C’est la camionnette qui essaie d’enlever des enfants ». On la trouve dans les signalements après tout événement vrai ou totalement faux !

« Avec les réseaux sociaux, il y a quand même deux choses nouvelles : on est mieux informé, on brasse beaucoup plus d’informations qu’avant et parmi elles, il y a forcément beaucoup plus de rumeurs, bobards ou fake news. Et dans le passé, il fallait être quelqu’un d’important pour avoir la possibilité de dire n’importe quoi et aujourd’hui, tout le monde a le droit de dire n’importe quoi » explique Gilles Dowek, chercheur en informatique à l’INRIA, professeur à l’école normale de Paris-Saqué sur le site sud-radio.fr Cette analyse est parfaitement d’actualité car la rumeur naît souvent au comptoir d’un bar de village, devant le portail de l’école ou d’un collège, dans une conversation au marché ou dans les rayons du supermarché. Elle est ensuite « officialisée » par une publication affirmative sur les réseaux sociaux ! Et elle se démultiplie à une vitesse folle.

Combien de fois dans mes mandats électifs ai-je été alerté par « des trafics de drogue devant un établissement scolaire », sur « le caractère suspect de la vie d’une personne » ; pour « des risques matériels potentiels n’ayant jamais existé » ou même sur « l’état de santé d’un tel ou un tel jugé comme très grave » ? La raison n’y peut rien et ces affirmations infondées transforment une petite ville en « Chicago » potentiel ou nuisent gravement à des individus ne connaissant pas les « bruits » qui les accompagnent. Quand c’est possible il est alors nécessaire de remonter aux sources de ces pseudos-informations et de rentrer dans le tas avec autant de vigueur qu’on le peut. Inutile d’espérer effacer le mal en quelques jours. Combattre une rumeur nécessite de plus en plus une motivation exceptionnelle, un sang-froid particulier, une âme de résistant et surtout conduit à se blinder contre la bêtise, l’ignorance et le pire des poisons : la facilité de croire plutôt que vérifier !

Cet article a 3 commentaires

  1. J.J.

    Le sapeur Camember, de garde devant la résidence du colonel a faim. Il est allé se restaurer et a laissé ce qui n’était pas encore un « post it » à l’orthographe douteuse, sur la porte de la concierge : « LE SAPEUR A ÉTÉ MANGÉ ».
    A son retour, il découvre avec stupeur un gendarme moustachu à souhait, la mine grave, coiffé du bicorne réglementaire, en train de noter les explications de la concierge à l’imagination fertile qui s’écrie :
    – OUI, J’AI VU LE MONSTRE !
    Christophe, père facétieux du Sapeur et autres héros grotesques, avait déjà, sans être un précurseur, mis l’accent sur la manière dont se répandent les « fausses nouvelles » (en français dans le texte).
    Le malheur c’est que parfois ces bobards tournent au tragique.

  2. PC

    Le sous marin dans la Loire il devait avoir des pattes…
    Il y a rumeur et rumeur: pendant l’été 1981, une de amis, fils d’un haut gradé de l’armée, m’annonça que Mitterand avait un cancer, à quoi, connaissant ses opinions de droite, je lui rit au nez en lui disant qu’il n’avait pas l’air bien malade…
    Bien cadenassée la rumeur, qui n’en n’était pas une, ne se propagea pas et le grand public n’apprit la chose que bien plus tard…
    Fausse rumeur à Orléans, et vrai non-rumeur à Paris…

  3. PC

    je lui ris avec un « s » et c’est pas une rumeur…

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