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L’ignorance du passé promet un avenir dangereux

La société française soit par ignorance soit par une faible culture générale semble de plus en plus décidée à éviter de faire référence à son passé. C’est valable nationalement mais aussi localement. Inexorablement tout ce qui peut d’une manière ou d’une autre constituer une référence est méprisé ou occulté. Cette situation conduit à ce que l’Histoire, contrairement au principe de Karl Marx « ne se répète pas mais qu’elle bégaie ».

Si la nostalgie pour les générations les plus âgées constitue grâce aux souvenirs venus des « trente glorieuses la nourriture » essentielle de leur quotidien, il en va tout autrement des autres. Il faut rappeler que les personnes ayant par exemple vécu les moments difficiles des grandes guerres sont de moins en moins nombreuses. Elles n’alimentent par leurs témoignages cette indispensable méfiance vis à vis des idéaux ayant ravagé l’humanité. Et celles qui souhaiteraient combattre encore et toujours la haine, l’exclusion, le racisme, la violence, les dictatures ou les crimes méprisant la valeur de la vie humaine, ont du mal à exister. Elles se font rares et paraissent bien fatiguées par l’indifférence que suscitent leur volonté de transmettre pour résister.

D’ailleurs les signes forts du retour en force, sous des formes « allégées » de multiples racines du mal immonde, ne cessent de se multiplier de manière spectaculaire ou beaucoup plus sournoise. Comme le « passé », tant pour les femmes et les hommes qui y ont participé autant que pour les faits qui l’ont constitué, n’a plus de poids. La place se libère donc pour une « adaptation » bégayante des phénomènes antérieurs.

Cette tendance valable pour les périodes noires est aussi valable pour celles des conquêtes sociales. Aucune d’entre elles n’a été obtenue sans luttes collectives générant des sacrifices pour celles et ceux qui les conduisaient. Partis politiques en déliquescence générale, syndicats à la peine, militantisme en berne ou en voie d’extinction, engagement pour l’intérêt général remplacé par des calculs individuels de carrière : le monde d’après ne se construira pas sur les bases d’antan et risque bel et bien de ne pas se construire du tout !

La pandémie a accentué ce phénomène puisque depuis plus d’un an la vie collective tente de survivre et donc la tentation est de profiter de l’instant présent. L’épisode de la réouverture des terrasses illustre à satiété cette nouvelle tendance : un épiphénomène prend des allures d’événement historique ! Le futile masque l’important.

La réflexion et la connaissance de l’état de nos libertés individuelles n’existent pas… puisque une infime part de ce qui avait été confisqué par le Coronavirus nous a été rendue. Il a fallu ainsi des décisions du Conseil constitutionnel masquées par la folie « terrassière » pour que l’on revienne sur des lois votées par une Assemblée nationale peu regardante sur les principes républicains essentiels. Aucune révolte. Peu de commentaires. Une désinvolture ministérielle avec une pointe de mépris pour les institutions.

Le présent est pourtant rattrapé par le temps passé. Ils se confondent en une « mixture » de plus en plus dangereuse pour la démocratie. N’ayant plus aucune référence les électrices et les électeurs se détournent de l’acte essentiel que constitue le vote. Il faut avouer que la citoyenneté a été tellement malmenée qu’elle ne trouve plus les forces nécessaires pour se manifester. Le décalage entre le monde politique et celles et ceux qui lui donnent mandat devient dramatique.

Jusqu’à présent le local restait le socle de certaines valeurs comme la proximité, le pragmatisme, la résilience, la fraternité or, il plonge à son tour dans le tourbillon de l’instantanée. En tentant d’instiller les échéance nationales futures dans des scrutins du quotidien les élites partisanes prennent une lourde responsabilité. Tout devient encore plus illisible et donc faute de repères tirés de l’Histoire le danger de cette situation échappe à des jeunes et des moins jeunes.

Les « anti-tout » ; les « massacreurs des principes du vivre ensemble » ; les « extrémistes de tous poils », les «  agents du profit financier » ; les « défenseurs de l’ordre moral » ; les « allumeurs des feux de la violence » ; ont toujours existé dans le passé et ils ressuscitent chaque jour davantage. « Les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un respect profond du passé. « Les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un respect profond du passé. » Ernest Renan a raison et il fournit l’explication de la vision réactionnaire actuelle qui envahit le pays.

Cet article a 7 commentaires

  1. GRENE CHRISTIAN

    Je trouve que pour un jour « fait rien », tu t’es surpassé. Ceux qu’on appelait les nouveaux philosophes (les Fielkenkraut, Glucksman et autres Lévy) , devenus de vieux cons réacs, peuvent aller se rhabiller. Ouais, Jean-Marie, il ne fait pas de mal à se retourner vers le passé pour retrouver du bon sens. Si vous ne voulez pas aller aux « Essais », écrit dans un style « à sauts et à gambades », jetez vous donc sur le dernier livre de Jean Eimer – « Montaigne. Encore un essai » (ed. Cairn) – où l’on retrouve l’enseignement de ce que professe JM avec sagesse. Merci Jean-Marie, la lecture de ton blog ce matin éclabousse de soleil une journée qui s’annonçait grise de tristesse.

  2. Christiane Labansat

    Superbe texte Jean- Marie.
    Merci encore pour tout ces écrits que je lis avidement tous les matins.

  3. J.J.

    ..jetez vous donc sur le dernier livre de Jean Eimer – « Montaigne. Encore un essai » (ed. Cairn) – où l’on retrouve l’enseignement de ce que professe JM avec sagesse.

    Très sage conseil : j’ai redécouvert Montaigne que j’avais déjà beaucoup apprécié au cours de mes « humanités. J’ai relu deux fois cet ouvrage et en profite pour enrichir avec délices mes lectures d’autres livres consacrés à Montaigne (Montaigne à cheval , de Jean Lacouture, la Table de Montaigne, Un été avec Montaigne etc… .) On n’en finit plus d’écrire sur Montaigne.
    J’hésite encore à me lancer dans une lecture des « Essais » que je n’ai jamais lus en entier. D’abord, c’est un gros morceau, plus de mille pages, et je ne sais quelle édition choisir : « dans le texte », même avec des notes , ce n’est plus la langue de notre temps. Traduit en français contemporain ne sera-t-il pas un peu trahi malgré toute la bonne volonté et l’honnêteté du traducteur : tradutore, traditore .

    Malgré toute sa sagesse, le tableau hélas très juste et inquiétant de la situation actuelle que nous offre J.M. ne porte pas à l’optimisme.
    Beaucoup d’espoirs de mon « jeune temps  » déçus.

  4. Laure Garralaga Lataste

    Quand je lis que « le futile masque l’important », je dis que c’est encore pire que ça, car c’est voulu ! C’est volontairement réalisé ! Alors je vous invite à répondre à cette question : comment le passé pourrait-il avoir du poids quand on oublie ce rôle attribué à l’Histoire… « celui d’adapter de façon mensongère les phénomènes historiques » !
    Respect à Ernest Renan !

  5. GRENE CHRISTIAN

    Je ne connais pas J.J., mais c’est toujours un plaisir pour moi de lire ses commentaires. J’y retrouve du J.M. Avec amitié.

    1. J.J.

      Grene Christian @
      Disons que l’on a connu et tiré profit de l’influence d’une personne qui a eu beaucoup d’importance dans notre formation.
      Amicalement

  6. Bernie

    Je respecte tout le monde sur le blogue de JM lui même parce ce que je ne connais personne. Le culte de la personnalité est indissociable à mes pensées. Bien bonne fin de journée et soyez vous-même

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