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Quelques lumières supplémentaires sur les petites coupures

Tout le monde est au courant : EDF ne va plus couper totalement (la précision est importante) à ses abonnés qui ne règlent plus leur consommation. La fondation de l’abbé Pierre qui roulait depuis des années pour une telle mesure s’en réjouit car elle intervient en pleine augmentation de l’énergie. Reprise en boucle comme toutes les décisions pouvant contribuer à rassurer sur les intentions sociales de l’un des mastodontes des ex-entreprises publiques françaises l’information mériterait (comme toujours) bien des précisions utiles.

D’abord EDF ayant été démantelée il s’agit d’une décision mise en oeuvre par ENEDIS en charge de la distribution de l’électricité et ce n’est pas un détail car désormais sur ce secteur relève de la concurrence. Or EDF détient un portefeuille de 22,3 millions de clients et donc 70 % de parts de marché. Il faut donc préciser que près de 7 millions de foyers ne sont pas concernés par la mesure prise. Ils ont souscrit des contrats avec des entreprises qui proposent selon elles des tarifs »avantageux » au porte à porte, par téléphone ou via des publicités postales. Le constat des services sociaux apporte des indications importantes sur cette clientèle.

En effet lorsque la facture devient trop lourde pour des foyers modestes la tentation est grande de se laisser attirer par des promesses d’économie sur le montant à payer. Au moindre impayé le fournisseur ne mégote pas pour faire couper le compteur et les abonnés s’aperçoivent alors que malgré la « sévérité » supposée d’EDF est dénoncée, il n’y a aucune mansuétude chez les « privés ». Mieux alors que l’ex-entreprise nationale finance en Gironde le Fonds social du logement qui peut prendre en charge les factures impayées, les autres opérateurs refusent cette contribution. Le « social » ne les concerne pas !

Or chaque année en France, 5,6 millions de ménages subissent la précarité énergétique. Et, selon le Médiateur de l’énergie, un Français sur cinq (20 %) a déclaré avoir souffert du froid dans son logement l’hiver dernier. Il précise encore que chaque année dans l’Hexagone, 200.000 à 300.00. foyers se voient couper l’électricité pour factures impayées et pas tant que ça dépendent de la seule volonté d’Enedis mais de celle de leur forunisseur. Ce qu’il faudrait savoir : que fera l’opérateur majoritaire quand ce seront ses concurrents qui lui demanderont, comme c’est le cas actuellement de « couper » le compteur de l’une des maisons qu’ils desservent.

Il y a donc désormais seulement deux fournisseurs qui ne couperont plus l’électricité. Elles auront un avantage sur les autres. Les 90 000 clients d’un tout petit fournisseur, « Plüm énergie » sont déjà concernés par cette mesure. Si les autres ne veulent pas s’aligner il faudra une décision gouvernementale pour les y contraindre. Ce serait dans la loi des finances et donc applicable qu’en 2022. On espère que les effets en cascade pour des questions….commerciales les amèneront à éviter de se trouver en défaut d’image. Les faibles revenus ne les intéressent guère et il n’est pas certain qu’ils les renvoient vers ENEDIS qui ne le coupera plus la totalité de l’électricité contrairement aux autres.

A l’époque où « l’on n’avait pas de pétrole mais des idées » l’incitation officielle a été de favoriser l’électricité pour le chauffage à coup de primes ou de subventions. Bien des pavillons utilisent cette source d’énergie. Ils sont souvent en milieu périurbain ou rurbain déconnectés du réseau de gaz et pas encore équipés de photovoltaïque qui nécessitent un investissement élevé. Plombé par le coût du carburant pour le trajet domicile-travail, par les remboursements d’emprunts, par les augmentations diverses s’ils se trouvent en difficulté pour régler leurs factures ils garderont certes un fil d’électricité mais pas suffisamment pour le chauffage.

En effet on ne peut pas se chauffer avec 1 000 ou 2 000 watts qui servent qu’à l’éclairage, la télé et peut-être une machine à laver en journée tout éteint. Il y a même dans les familles modestes encore beaucoup d’appareils électroménagers sollicitant de la puissance, et qui ne pourront pas les utiliser. C’est donc quand même une mesure coercitive qui reste forte et que personne ne peut raisonnablement « s’amuser » à ne pas payer son énergie électrique car ses conditions de vie n’auront rien d’acceptables sur le long terme.

Si cette décision hautement symbolique constitue une avancée elle mérite vraiment un accompagnement institutionnel car elle reflète les conséquences de « la concurrence libre et non faussée » du concept libéral européen. L’insécurité sociale génératrice de précarités diverses s’étend sans que les « pansements » proposés évitent des blessures profondes.

Cet article a 2 commentaires

  1. J.J.

    Des effets d’annonce, com d’hab…mais quand on y regarde de près, les exceptions fleurissent. Les vilains contestataires prétendront que cette mesure est dictée par une ambition électorale. Il y a des gens qui ont vraiment mauvais esprit.

    Le diable se niche dans les détails, comme pour la fameuse prime de cent €, dont l’attribution comportera de nombreuses exceptions également( CSG, prélèvement fiscal à la source etc.).

  2. Laure Garralaga Lataste

    Pourquoi faire compliqué quand on peut faire inextricable… ! À l’orée de l’hiver, cette nouvelle jungle, instaurée par « le grand capital » comme aurait dit un certain Jacques Duclos, ne facilitera pas la compréhension du coût exact de cette vitale distribution …

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