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Réné le berger béarnais des valeurs oubliées

Après Aranaud Dellu, Jacky Sanudo partis tros jeunes je perds un vieux compagnon des sentiers de la vie locale. Avec René Cauhapé j’ai partagé les trois-quarts de ma vie. 

Enfant d’une famille de bergers de Lourdios-Ichères, village en vallée d’Aspe, René Cauhapé, ancien adjoint au Maire de Créon (1983-1995) est décédé à quelques jours de ses 95 ans. Ses parents ayant mis fin aux transhumances hivernales entre les terres girondines et celles de leur Béarn natal il avait accompli tout son parcours de vie en Gironde et notamment à Blésignac et à Créon. Il y laissera le sillon profond, tracé avec humilité, rectitude et passion dans les champs de l’éducation et de l’action publique.

Ancien élève du cours supérieur de Cadillac il avait, comme tant d’enfants du vrai peuple entretenant l’espoir d’offrir un avenir meilleur aux siens, embrassé la carrière d’instituteur comme son frère Yves. René n’avait jamais oublié son adolescence en pension durant la seconde guerre mondiale et il rappelait toujours les exigences de son parcours. Il n’échappa jamais à l’effort, à la volonté et il fit preuve d’une résilience exceptionnelle.

Homme de devoir il appartenait à cette classe « des appelés du contingent » pour laquelle la République Française, manquant de cadres, avait eu une dureté particulière en la maintenant « sous les drapeaux » près de 3 ans en Algérie. Il commanda une compagnie de harkis, seul Français présent dans un poste des montagnes de Kabylie proches des gorges de Palestro. Il avait accueilli le général de Gaulle dans son « campement » d’altitude lors d’un visite présidentielle de fin août 1959. Une grande partie de sa jeunesse avait été engloutie dans ce conflit. J’avais eu l’immense honneur, alors que j’aurais pu être son fils de lui remettre les insignes de chevalier de la légion d’Honneur de trop longues années après cet engagement exemplaire. Une cérémonie à son image : discrète, sincère et surtout partagée. 

De retour en métropole il s’investit dans les prémices de l’enseignement agricole et le conseil pour le développement des productions de proximité. Il dirigea et parvint à maintenir actif et compétitif l’un des centres girondins de formation des apprentis agricoles sur le boulevard de Verdun à Créon sur l’emplacement actuel de la ludothèque. Il mena un nouveau combat exemplaire en faveur de cette filière permettant d’assurer une continuité sur bien des exploitations.

La rondeur physique de René dissimulait un caractère bien béarnais, robuste, parfois vif, franc et intransigeant sur des valeurs fondatrices du vivre ensemble. Militant reconnu au sein du Syndicat national des instituteurs, responsable très actif de l’amicale laïque ds écoles de Créon il affichait un attachement profond à cet enseignement public qui lui avait donné une promotion sociale décisive pour sa vie. 

Serviteur inlassable de l’intérêt général il s’était engagé aux côtés de Roger Caumont dans la vie municipale apportant son bon sens naturel, sa fidélité absolue, son dévouement à l’action publique concrète puisqu’il occupa le poste d’adjoint en charge des travaux. René Cauhapé fut un honnête homme, un compagnon de route curieux, avisé, protecteur, lucide, attentif pour moi et tant d’autres jeunes élus. Il savait nous mettre le nez dans la réalité. 

Les aléas de de ce que certains appellent le destin ne lui avaient point été épargné avec la disparition successive et prématurée de ses deux épouses. Il tenait bon. Il résistait. Il encore restait lui-même avec son caractère bien trempé à l’EHPAD du Hameau de la Peloue où il s’était installé et où il participait avec une équipe de joyeux drilles aux fameux casse-croûte mensuel. Il avait siégé au conseil d’administration mais handicapé par une forte surdité il avait renoncé depuis quelques mois. 

Sa vie n’avait jamais été un long fleuve tranquille. Comme les galets ou les rochers du gave de Lourdios, les obstacles avaient été nombreux pour en contrarier le courant. René en était devenu sceptique sur la destination du cours du torrent de sa vie. Il se montrait d’un pessimiste légendaire sur « le vent », ne croyait pas trop dans son changement mais il avait suffisamment de réalisme pour finalement ajuster les voiles afin d’aller de l’avant. Créon perd l’une de ses figures emblématiques. Adiu mossu Cauhapé ! 

Cet article a 3 commentaires

  1. Fiorotto André

    je me souviens de se Monsieur charmant qui était mon professeur à l’école d’agriculture à targon je l’ai rencontré quelques années plus tard à créon alors que je joué dans l’orchestre Michel cursan

  2. François

    Bonjour !
    En ces derniers jours d’automne, un vent de tristesse va balayer les cheveux blancs des retraités du monde agricole de l’Entre-Deux-Mers : Monsieur leur Professeur vient de rejoindre ses collègues : Messieurs Combel, Jouanno, Vincent, Naud, …
    Tous ces anciens instituteurs avaient quitté les écoles communales pour enseigner l’Agriculture Moderne à … leurs anciens élèves alors âgés de quatorze à dix-sept ans. C’étaient les cours post-scolaires agricoles que nous « incurgitions » … dans le calme et le respect des professeurs dont beaucoup de jeunes enseignants ne peuvent que rêver ! !
    Monsieur Cauhapé avait un petit avantage sur ses collègues : ses racines au milieu des moutons dans les vignes et le Béarn lui avaient laissé un bagage d’observations devenues des exemples qui étayaient et ancraient ses cours dans nos cervelles d’adolescents. Bien que ces jeudis d’enseignement puissent paraître épars, ils donnèrent de vraies réussites.
    Il me semble qu’il a eu aussi une influence dans le bon développement des CIVAM … contre le vent du syndicat majoritaire !
    Que ce repos auquel vous accédez vous permette de retrouver vos anciens collègues avec lesquels vous pourrez mieux apprécier l’avenir exponentiel mais fragile de notre métier.
    Merci MONSIEUR CAUHAPÉ …et ADISHATZ !

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