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Le monde du silence va faire la décision

Il n’y a peut-être rien de plus angoissant que le silence dans la campagne… La vie semble avoir fui le lieu où elle prend habituellement ses aises. Une sensation étrange d’inquiétude s’empare alors de celle ou celui qui a l’habitude de l’animation et de l’action. A quelques heures du premier tour de l’élection présidentielle, en dehors du bruit de fond entretenu par les télés qui ressassent des sondages et tentent de mobiliser les promeneurs du suffrage universel avec des plateaux alimentaires sans grand intérêt, il n’y a que des bruits de fond lointain. Le scrutin ne mobilise guère les électrices et les électeurs qui ont réduit leur choix en un « pour ou contre » le Président sortant.

Plus rien n’imprime les esprits préoccupés par bien d’autres images que celles de ces tribunes où se déclinent des propos convenus. En fait la seule nouveauté réside dans le « vote utile » qui se profile et qui risque de valoir une éventuelle surprise. Personne n’est véritablement passionné par ce moment d’élection d’un monarque plus ou moins républicain. Les votes s’effectueront encore une fois par rejet des personnalités en lice et par adhésion réelle d’un votant sur cinq.  J’entends des phrases du type : « jamais je ne voterai pour celle-là ou celui-là » mais pas « le programme de celui-ci ou celui-là me plait! » . Les convaincu(e)s euxn ne cherchent même pas à comprendre en affirmant que « c’est le seul capable…c’est lui ou c’est elle! » et en font leur crédo.

Le silence devient inquiétant comme si personne n’osait avancer ses arguments de fond pour justifier sa prise de position. Même sur les marchés les distributeur de tracts paraissent désabusés et résignés à se heurter à l’indifférence. La pénurie de militant(e)s bien que n’étant pas une nouveauté, confirme cette tendance à se réfugier dans une attitude passive et discrète. Les boites aux lettres ne regorgent pas de papier glacé et bien des affichoirs proposent les brocantes des prochains week-ends au lieu des slogans politiques. Dans la ruralité la douzaine d’espace « officiels » alignés pour recevoir les portraits des candidat(e)s restent désespérément vides. La campagne est réduite aux acquêts.

Dans un tel contexte le résultat ne fait aucun doute avec un pays partagé entre la périphérie ou la « profondeur territoriale » tournée vers la protestation et les agglomérations plus tentées par des votes d’adhésion. Chaque scrutin confirme que le poids de l’isolement social, les difficultés de déplacement et l’impression d’abandon ou d’échec dans la réalisation du rêve « maison, gazon, télévision », creusent encore et toujours plus ce fossé des résultats. La droite extrême va réaliser des scores impressionnants dans des villages où l’immigration n’a jamais existé mais où il n’y a plus de moments de partage et de vie sociale réelle. Ce monde du silence désormais pesant, va profiter aux requins.

En fait dans la ruralité ou les zones intermédiaires, deux angoisses se rejoignent et se transforment en haine. L’une transpire chez les « cultivateurs » de tous ordres accablés par les événements climatiques, les incertitudes sur le rapport de leur travail, l’horizon qui n’a plus aucune véritable lueur d’espoir d’amélioration de la situation. Pour les plus modestes des travailleurs de la terre, le lendemain n’a plus que la couleur grise de l’incertitude permanente. A leurs cotés les néo-ruraux pour qui rien n’est rose ou vert. Les crédits sur quelques décennies pour le pavillon financé à la limite de l’endettement, annoncent des moments difficiles avec le surcoût des transports et l’inflation galopante. Ces peurs se transforment en haine avec des conséquences électorales maintenant prévisibles.

Les terribles images venant d’Ukraine renforcent durablement l’angoisse de l’avenir. Plus personne quel que soit son âge et son milieu ne parvient à se projeter à cour terme et plus encore à long terme. Le pire est peut-être à venir lors des législatives avec une moindre mobilisation et une expression encore plus nette de cette dualité territoriale. A force de s’éroder la démocratie représentative perd de sa crédibilité. Le refuge dans les choix de proximité indépendant des étiquettes politiques a sauvé les apparence depuis quelques années. Il n’est pas certain que cette tendance perdure car la désillusion de chaque camp après une victoire étriquée ou d’une défaite de justesse risque de provoquer des éruptions incontrôlées.

La règle définissant la présence au second tour aggravera la situation des partis traditionnels. si aucun candidat ne l’emporte en effet dès le premier tour (ballottage), se qualifier pour le deuxième tour nécessite de réunir un nombre de voix au moins égal à 12,5 % du nombre des électeurs inscrits dans la circonscription (rare). Il peut donc y avoir non pas deux mais aussi trois (triangulaire) voire quatre candidats (quadrangulaire) au second tour… à condition toutefois que la participation soit suffisante. La Gauche risque de disparaître de l’Assemblée nationale et je prends les paris qu’une alliance patronnée par un ancien Président silencieux…deviendra inévitable après le règlement de comptes qui suivra le premier tour de dimanche !

Cet article a 7 commentaires

  1. Laure Garralaga Lataste

    La question lancinante qui taraude mon cerveau depuis déjà longtemps…
    la voici :  » comment a-t-on pu en arriver là ? « 

  2. christian grené

    Que c’est bon de pouvoir remonter sur son vélo en Roue Libre. Surtout quand, sur la ligne de départ est écrit en gros: « Le Monde du silence va faire la décision ». Je vais rejoindre la commandant Cousteau, natif comme moi de Saint-André-de-Cubzac. Un commandant à la présidence, maintenant, pose question.
    Abrazos, Laurita mia!
    Pour les grincheux, il y a aussi « Le Silence de la mer » de Vercors. Et combien de verres encore? Je le reconnais volontiers, celle-là Valérien!

  3. LAVIGNE Maria

    Pour répondre à Laure : De reniements en renoncements, de trahisons en mépris, le peuple de gauche désespéré est sans doute parti ailleurs. Il suffit d’écouter la candidate PS pour en avoir la nausée. Elle ferait mieux de se taire;
    Je précise que j’ai mal, très mal, car le PS a été ma maison pendant 30 ans

  4. facon jf

    Bonjour,
    » comment a-t-on pu en arriver là ? « demande Laure. La réponse est assez simple en vérité, c’est la concrétisation de 30 années de libéralisme forcé qui nous ont conduit ici.
    C’est le modèle imposé par Thatcher et Reagan aux économies de l’ Europe toute entière avec comme antienne  » la concurrence libre et non faussée »,  » le privé c’est toujours mieux que le public »,  » l’État doit se cantonner au régalien », et aussi  » les pauvres sont pauvres par leur propre faute ». Concrètement cela s’est traduit par des baisses d’impôts pour les riches et des baisses de contributions sociales sur le travail. Le libéralisme génère de ce fait de l’inégalité en enrichissant les riches et en diminuant les amortisseurs sociaux. Moins d’impôts = moins de ressources= diminution des aides pour la santé, l’éducation, le social, le service au public.
    la logique d’acceptation sociale est portée par l’idée de mondialisation qui implique la concurrence entre les travailleurs du monde entier. Baisser les salaires direct et indirect est donc l’alpha et l’oméga des politiques économiques. Et c’est le constat que l’on peut faire depuis 30 ans gauche et droite confondus et cerise sur le cageot ni de droite ni de gauche pour les 5 ans passés.
    Plus amusant encore, la concurrence est intra-européenne avec la course au moins disant fiscal et social, résultat les délocalisations se font maintenant à l’intérieur même de l’UE(rss) avec des aides payées par NOTRE CONTRIBUTION!
    Le malaise est profond devant cette logique autophagique qui consiste à dévorer les emplois de certains pays Européens au bénéfice d’autres pays Européens… Et on nous répète l’Europe protège du chômage !!!
    Les Français ruraux constatent tout cela avec la disparition des services publics et les infrastructures de communications ( routes, ponts, voies ferrées) qui se dégradent de jour en jour. La paupérisation constante des services de santé ( déserts médicaux, Ehpad, hôpitaux, spécialistes…) se conjugue avec des reste à charge en constante augmentation.
    Et qu’est-ce que l’on nous propose? Encore plus de baisses d’impôts et de « charges » salariales qui vont se traduire par l’aggravation de la situation.
    En réaction les solutions de droite et de droite sont contestées par l’extrême droite qui pointe du doigt le bouc émissaire ( l’étranger) ! Le constat c’est plus on fait du libéralisme et plus l »extrême droite monte!
    Je suspecte fort M. Macron d’avoir monté de toutes pièces le candidat Z en complicité avec le milliardaire B ( comme breton). Sauf que la créature, tel Frankenstein, a échappé à ses concepteurs!
    Les merdias aux ordres entonnent en chœur  » Macron c’est la solution! les autres ne sont pas crédibles ( dans la logique libérale) », « il faut faire barrage aux extrêmes en votant Macron ».
    Les mêmes solutions en échec depuis 30 ans au vu et au su de tous.
    Tout le monde comprend que c’est un système à somme nulle où ce que l’on donne aux uns est pris aux autres. Ainsi la proposition de RSA à la source, sachant que 1/3 des ayants droit ne le réclament pas, va se traduire soit par une baisse du RSA soit par une baisse de la durée puisque cela se fera sur la même enveloppe totale!
    Les électeurs sont dégoûtés de tant de mensonges, ils désertent les urnes.
    Bonne journée

    1. François

      Bonjour @faconjf !
       » 30 années de libéralisme forcé … »!
      En réalité, cela fait plus de quarante ans … depuis la chute des nuages de rêves dont nous a abreuvés un certain charentais. Ce réveil s’est accompagné d’un constat amer synonyme de mensonge . Gauche ou droite,tous les mêmes ! Cela me rappelle l’exactitude des paroles d’un ami : « Les énarques : de vrai.e.s prostitué.e.s: quand le trottoir de droite est trop plein, on passe à gauche ! »
      Résultat des « courses »: les électeurs trompés et désabusés car toujours pris « pour des veaux », vont à la pêche faisant ainsi le bonheur des élus avec … 20% des inscrits voire moins !
      La vérité est là ! Aussi, il n’est point nécessaire de chercher à noyer le poisson dans un laïus certes explicite; il faut aussi appuyer où ça fait mal pour crever l’abcès !
      Cordialement

  5. Bernie

    Votons Nathalie Arthaud parce que la classe ouvrière c’est pas du cinéma.

  6. Jean-François Hautin

    J’y avais pensé aussi, Sarkosy premier ministre de Macron, c’est ça que tu veux dire.

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