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Le signe d’une nouvelle fracture sociale autour du bio

Comme le veut désormais une mauvaise tradition parisienne la manifestation syndicalo-politique de la fête du travail a dégénéré. Cette déviance met désormais en péril la tradition des défilés revendicatifs et même festifs. Les personnes concernées et motivées hésitent à se rendre dans les cortèges craignant les violences urbaines qui accompagnent maintenant systématiquement les parcours. Il est certain que par ailleurs tout n’est pas nécessairement fait pour éviter des débordements dont les images influencent l’opinion dominante déjà angoissée par la violence envahissant le quotidien.

Si la destruction par des adeptes de l’action directe d’agences bancaires ou d’agences immobilières relèvent de la mise en œuvre d’une logique politique anti-capitaliste, autant celle d’un magasin de vente de produits biologiques constitue un élément qui devrait susciter la réflexion. C’est le signe incontestable de la fracture qui s’installe dans une société dont la base s’effrite minée par les crises et le sommet se consolide grâce aux crises. Même inacceptable cet acte évidemment condamnable a été éclairé par les propos d’une manifestante que j’ai entendus sur les ondes d’un grande radio nationale.

La dame visiblement d’un certain âge justifiait cette intervention ainsi que le pillage qui l’a suivie par « le prix exorbitant et donc inaccessible aux plus démunis de ces produits pour bobos aisés ». Elle créait par cette déclaration une nouvelle lutte des classes dont basée sur l’alimentation avec en corollaire la capacité à accéder à ce que la société présente comme essentiel pour préserver la santé : la qualité de la nourriture. Alors que depuis plusieurs semaines pour des millions de Françaises et de Français l’essentiel reste de trouver les moyens financiers de se nourrir. Le « bio » dont ils ont pris conscience de l’intérêt devient un luxe inatteignable.

Par ailleurs toute la chaîne alimentaire « ordinaire » est secouée par des avatars graves en matière de sécurité. Qui consomme les produits industriels qui sont ôtés à la hâte des rayons des supermarchés ? Les pizzas ont touché les enfants de familles extrêmement modestes en raison de leur prix d’appel ? Les œufs en chocolat accessibles aux bourses les plus modestes touchaient-ils les classes aisées ? La charcuterie, les fromages, les viandes… Chaque année, des milliers de produits font l’objet de rappels ou de retraits, en grande majorité dans l’alimentaire mais aussi dans le non-alimentaire. Le plus souvent sans faire grand bruit. Ce qui n’est pas le cas des deux récentes affaires qui ébranlent actuellement Nestlé, Ferrero et Lactalis (encore!) géants de la grande consommation. 

Il y a en moyenne 11 procédures de retrait quotidiennes en France, et plus de 5 000 produits (alimentaire, jouets, véhicules, textile…) ont été retirés du commerce depuis la création du site gouvernemental qui recense les alertes, RappelConso, entre avril 2021 et avril 2022. On en cause beaucoup moins. La défiance déjà très élevée se renforce par ces procédures qui pour simplement des raisons économiques ne transparaissent guère. Le système du fameux « auto-contrôle » montre ses limites dans le monde du profit. Quand vous avez faim vous n’êtes pas très regardant sur l’étiquette du produit d’autant que leur lecture relève parfois de l’exploit !

L’envie de changer sa consommation se heurte au mur des réalités de la capacité à acheter. Le rapport mensuel de la pus énorme base de données relève que parmi les prix des produits de la grande consommation, « cette poussée des prix, couplée à celle encore plus marquée des produits frais, de l’énergie et du carburant, commence à peser sur la capacité des Français à monter en gamme dans leurs achats quotidiens ».

Conséquence inévitable : les Françaises qui sont les principales clientes semblent sacrifier le bio dans les arbitrages qu’ils doivent effectuer dans leurs achats au quotidien. Les ventes chutent ainsi en mars de -5,9% sur une année sur un rythme bien supérieur à la moyenne des autres produits de grande consommation. Pour ces observateurs les produits labellisés bio pourraient devenir une variable d’ajustement dans le budget des Français les plus contraints. Ils le sont déjà. Manger mieux et moins reste un slogan de riches.

L’attaque du magasin bio parisien bien qu’inadmissible et absurde dénote une réalité qui devrait être prise en compte. La famine va s’installer dans le monde selon les prévisions de toutes les organisations internationales créant des tensions autour de l’alimentation. Cette mise à sac n’est pas un épiphénomène négligeable.

Cet article a 9 commentaires

  1. christian grené

    Peut-être ces magasins sont-ils biodégradables?

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ a mi estimado amigo Christian

      Je le souhaite vivement !

  2. J.J.

    « Elle créait par cette déclaration une nouvelle lutte des classes dont basée sur l’alimentation avec en corollaire la capacité à accéder à ce que la société présente comme essentiel pour préserver la santé : la qualité de la nourriture. »

    En fait elle a dit bien haut ce que beaucoup pensent tout bas.
    La différence de prix entre le bio et le non bio se justifie certainement, mais le bio certifié bio, reconnu bio, légitimé bio, est il aussi « bio » qu’on veut bien nous le faire croire ?
    En un mot le « bio » est il vraiment « efficace », ou est ce un effet de mode, une illusion, un placebo ? Je n’ai pas grande foi en les qualités du « bio ».
    Quand on prend conscience de la quantité de polluants émis par les diverses activités humaines, existe-t-il des secteurs suffisamment protégés pour certifier qu’ils ne transmettent dans leurs productions aucun élément néfaste à la santé ? Tout cela n’est il en fait qu’une affaire de snobisme pur et simple ?
    Avec des revenus décents, on doit pouvoir manger sainement

    Maintenant je vais chausser ma casquette de théoricien du complot.
     » la manifestation syndicalo-politique de la fête du travail (non, le travail ça ne se fête pas , c’est la Fête des Travailleurs, nuance !)a dégénéré. »
    Bizarre, vous avez dit bizarre ? Comme c’est étrange !
    Nous avons assisté ces derniers mois à des manifestations anti passe, anti vaccin, plus ou moins organisées par des particuliers auxquels ont a prêté différentes attaches plus ou moins politiques, du vague, du flou. Ça manifestait pour manifester, aucune revendication politique ou syndicale, les Black Bloc devaient être en RTT. Apparemment on laissait faire. peu de heurts, pas de pillages, Peace and Love !

    Ben oui, mais le premier mai ce n’est pas innocent, non seulement ça manifeste, mais ça revendique, ça rassemble les syndicats, les politiques plutôt de gauche et les mécontents du système, ça accuse même parfois et ça dit des vérités qui ne font pas forcément plaisir à tout le monde.
    Alors il faut arrêter ça !
    Interdire ? C’est s’assurer de l’effet contraire, alors on « décrédibilise », alors on discrédite en utilisant le bon vieux système de Basile, qui a fort bien fonctionné déjà avec « élections piège à con » attribué à des gauchistes, en réalité probablement lancé par des nostalgiques du suffrage censitaire, et ça marche !
    Ce n’est pas à un vieux singe que l’on apprend à faire des grimaces.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami J.J.
      Et encore moins à une vieille guenon !…

  3. Baillet Gilles

    La nourriture de merde pour les pauvres et la nourriture de qualité pour les riches ou ceux qui ont un revenu très correct est malheureusement la règle depuis des décennies… C’est pour cela qu’il faut que les salaires augmentent pour démocratiser la bonne nourriture. L’épidémie d’obésité touche les plus pauvres. C’est la conséquence de la mal bouffe. Ecologie et lutte contre la pauvreté sont indissociables. Les cantines scolaires avec un maximum de bonne nourriture, gratuites là où l’on peut ou à prix modiques de manière générale, ça doit être un objectif politique.

    1. Bernie

      Bjr Gilles,
      Je pense que votre objectif ne peut être atteint. Ce n’est pas cela. Il faut revoir votre formulation.
      Très bonne soirée tout de même

      1. Baillet Gilles

        Encore un « réaliste » tient ….

  4. Laure Garralaga Lataste

    Née dans la petite Espagne, car nous n’étions pas riches, tout prêt des Capucins où se trouvaient les riches…, je ne connaissais pas « la nourriture de merde »… J’ai appris à la connaître au fur et à mesure de ma croissance… Et voilà où nous en sommes arrivés ! POURQUOI ?

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