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Qui « pneu » le plus, « pneu » le moins. Enfin presque…

Dans le fond si le soir on prend le temps de scruter le déroulement d’une journée et de se rapprocher de l’horoscope du matin on s’aperçoit de la forte divergence entre les prévisions et le résultat. L’exercice permet également de prendre conscience du fait que la vérité se trouve souvent dans des histoires n’ayant vraiment rien d’extraordinaires. Alors autant que je vous fasse partager quelques épisodes révélateurs d’un quotidien bien éloigné des soucis de cette période marquée par des événements de portée planétaire angoissants.

Toujours passionné par l’idée que toutes les occasions de transmettre ont leur utilité je me suis rendu dans la cité de Castillon pour livrer une nouvelle bataille contre les idées reçues sur la fiscalité locale, sujet étrangement absent des débats politiques. Un moment comme je les aime durant lequel il est possible de démonter des artifices immuables de tous les pouvoirs souhaitant asseoir en douce leur tutelle sur les collectivités territoriales. Deux bonnes heures autour de mes souvenirs de passage il a plus d’un demi-siècle sur les rives paisibles de la Dordogne et à décortiquer les chausse-trappes mises en places contre les propriétaires contribuables, sont passés très vite. Une remarque de l’une des participants suffit à mon bonheur : « c’était passionnant et j’ai beaucoup appris ! ».

En quittant léger et heureux le parking situé dans l’ancienne cour de récréation de l’école de garçons dont je fus le directeur… mineur je n’imaginais pas que quelques mètres plus loin les voyants du tableau de bord de la Clio qui me transporte depuis quelques années m’offriraient un feu d’artifice inquiétant. L’ordre m’est intimé de m’arrêter sans délais pour une crevaison. La roue avant gauche est en effet à plat car le pneu montre une sale blessure causée par un objet tranchant. Panique…puis résignation : l’utilisation de la roue de secours s’impose à mes articulations rouillées et à mon manque absolu de pratique dans ce genre de situation de combat solitaire contre l’imprévu.

Je me gare sur le parking déserté du garage où je pensais trouver un main secourable. Que nenni : le week-end a débuté ! La découverte grâce au manuel réputé simple et pratique du processus de déverrouillage de la roue de secours me paraît encore plus difficile que ces foutus notices de montage de meubles achetés dans cette grande surface où je n’ai jamais vu de belles vendeuses fines comme des allumettes susceptibles d’enflammer mon cœur. Après bien des tâtonnements et un pouce maltraité, les éléments du puzzle « crevaison » se retrouvent rassemblés. Le jeu des chiffres et des lettres débute sans que j’y prenne le même plaisir que les adeptes du service des sports de Sud-Ouest dans son époque « ricardisée. » Rien n’est plus traître qu’un cric d’opérette qu’aucun des techniciens l’ayant conçu n ‘a du utiliser. Quel est le malin qui avant d’acheter la voiture regarde ce détail ? Autant soulever une pierre de taille avec un cure-dents.

Des malins qui filent légers et insouciants vers ailleurs klaxonnent. Probablement pour m’encourager ou pour se foutre de moi. Mou du genou, raide du dos et prenant conscience que le poids des ans s’ajoute à la maladresse j’avance n pratiquant le fractionné du changeur de roue, catégorie vétéran 3 ! Alors que j’approche du but, une camionnette s’arrête derrière moi. Un jeune trentenaire en descend et me propose son aide. « J’ai vu n passant dans l’autre sens qu vous étiez en difficulté m’explique-t-il. J’ai effectué un demi-tour au giratoire pour vous sortir de là. Je sais ce que c’est, je suis chauffeur livreur et ne vous inquiétez pas. Même pour moi c’est pénible car ce qu’ils fournissent c’est de la quincaille ! » En quelques minutes il a pourtant bouclé la dernière étape et serré l’ultime boulon ! J’éprouve gêne et soulagement,  émotion et rconnaissance. Mes remerciements lui suffisent. Il remonte dans son calion et repartcomme il était arrivé, sur la pointe des pneus!  Une grosse heure après mon arrêt je repars pour la maison avec toujours des alertes allumées mais peu importe. Je suis heureux. Simplement heureux. La venue de ce renfort désintéressé, sympa, partageur m’a fait oublier mes déboires de piètre « manuel ». 

Hier matin je me rends pour la suite, dans un garage pour remettre tout en état. Grand moment. Les pneus avant sont quasiment neufs. « Je vais voir si je peux en trouver un du même genre me confie le réparateur. L’ordinateur délivre son verdict : « la fabrication de ce modèle a été arrêtée il y a quelques mois. Il faut donc changer les deux car vous ne pouvez pas rouler avec des pneus différents. » Il relance sa recherche pour m’informer qu’il ne sera pas livré avant mercredi… car les fabricants n’ont pas de stocks. La guerre en Ukraine ? La demande mondiale? Peu importe. Inutile d’ajouter qu’avec l’augmentation du prix du pétrole, la note suit la tendance.

Je pense un instant à celui qui se sert de son véhicule tous les jours pour travailler, qui est étranglé par les crédits et les frais contraints et qui doit prendre une décision de plusieurs centaines d’euros alors qu’il n’a pas de quoi payer. Que fait-il ?  La lacération d’un pneu et cette personne bascule vers un sentiment d’injustice, vers une haine de tout et de rien  dont on connaît les conséquences.

Cet article a 11 commentaires

  1. J.J.

    Estime toi heureux dans ton malheur ! Les nouvelles » Twingo » (je ne sais pas pour les autres) n’ont pas de roue de secours, ni même de galette permettant d’aller au plus proche garage. On arrive à la case dépanneur, et le plus simple est d’appeler IMA Assistance(09 72 72 15 15 ). Ils sont très rapides et efficaces(service gratuit selon la formule d’assurance).
    Un conseil : se munir d’une bombe anti crevaison.
    Il m’est arrivé la même chose avec le pneu introuvable. Heureusement l’employé complaisant chargé de la réparation m’a trouvé un pneu dépareillé qu’il a mis en roue de secours, et celui de la roue de secours, un pneu qui était de même modèle que celui hors d’usage a permis de reconstituer un train conforme.
    Je constate dans ton cas comme dans le mien, même s’ils sont rares, on trouve encore des gens de bonne volonté.

    Et puis consolons nous, cet incident, tout regrettable qu’il soit t’a donné l’inspiration pour conter avec talent tes mésaventures.

  2. facon jf

    Bonjour,
    et voila rattrapé par la réalité du moment qui permet de relativiser nos « petits  » malheurs.
    Et voila aussi, quand on a une conscience, on mesure les difficultés des soutiers de notre société.
    Bonne journée à vous et aux « anges de la route » prêts à s’arrêter pour secourir les naufragés, espèce en voie d’extinction hélas!

  3. christian grené

    Je viens de quitter ma chambre à air pour me dégourdir un pneu, mais je suis trop crevé …

    1. facon jf

      un trait d »humour qui ne manque pas d’air, il va falloir vous arrêter sinon ma vessie va se dégonfler.

      1. Laure Garralaga Lataste

        @ à jf
        Et quand on le connaît, le Christian, on comprend qu’il n’est pas au meilleur de sa forme… !

  4. Bernie

    Je voulais répondre à la conclusion du texte de Jean marie.
    Celui qui va bosser à la ville se paye les bouchons journaliers. Une habitude pour les néo ruraux qui vont vers la capitale régionale.
    Les envies de « pisser » sont fréquentes
    prévoyant le néo rural aura mis une couche culotte.
    Bonne après midi

  5. Bernie

    Attention une couche culotte pour pisser mais pour les grands besoins, je ne sais pas si cela est possible de s’asseoir sur ces excréments.

  6. Laure Garralaga Lataste

    Démonstration est faite que le capitalisme ne peut survivre qu’à la condition de démultiplier ce vieil adage… « Pourquoi se contenter de faire compliquer quand on peut gagner plus d’argent en faisant inextricable… ».

    1. J.J.

      Adage inspiré sans doute par la philosophie shadokienne, chère à nos technocrates, joignant l’utile à la doctrine.

  7. Philippe Misandeau

    «…et cette personne bascule vers un sentiment d’injustice, vers une haine de tout et de rien dont on connaît les conséquences.»
    Humanisme, quand on veut te lâcher, on trouve toujours plein de bonnes/mauvaises raisons.
    Ça mouline à notre niveau, ça poutine à d’autre !
    Ça cultive le melon des grosses têtes, mais sans l’humour et avec si peu d’amour…
    Pas rassurant tout ça.
    Heureusement on fait encore et tous les jours, de belles rencontres, non ?

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