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La loi du marché en situation de pénurie

Des mots reviennent à la mode alors que l’on pensait qu’ils s’éteindraient avec la modernité. Dans une société consumériste au plus haut point il en est un qui connaît une nouvelle heure de gloire : pénurie ! Comment imaginer que des produits, des denrées, des matériaux manqueraient alors que le principe même de l’économie actuelle est celle de l’offre ? Toutes les surfaces de vente tentent de trouver des palliatifs mais certains rayons se vident temporairement. Certes on n’est pas dans la situation du début de la pandémie sur le papier hygiénique ou la moutarde mais les délais d’approvisionnement s’allongent et les prix enflent.

L’explication de la guerre en Ukraine sert de justificatif passe-partout alors que les causes sont multiples. La grippe aviaire que personne ne sait véritablement combattre sans fermer les élevages a une large part de responsabilité dans la rareté croissante des volailles, des œufs dont on sait qu’ils sont convoités par des pays dans lesquels il existe des contraintes religieuses en matière d’alimentation. Les mauvaises récoltes liées au contexte climatique ou à des événements désastreux aggravent la situation. Ces éléments sans aucun rapport avec le conflit en cours !

Un autre élément commence à devenir prégnant, celui des emballages. Quelle que soit la nature de ces derniers (verre, carton, papier, matière plastique…) le combat est rude pour obtenir les livraisons indispensables. Ainsi dans le secteur des liquides le taux de rupture évalué par un institut spécialisé atteint globalement 6,4 %. Les eaux gazeuses, les eaux aromatisées qui apportent une belle marge aux distributeurs approchent les 10 % de pénurie pour les premières et de 4,5 % pour les secondes.

Dans d’autres secteurs le phénomène s’accélère comme énoncé plus haut : les œufs, dont le taux de rupture (de 12%) a été particulièrement élevé début novembre, les granulés de bois, les sauces, le beurre (10%) et le riz (11%).  Les propriétés viticoles auraient pu être concernés tant les bouteilles font défaut. Pour bon nombre d’entre elles malheureusement elles ne souffrent pas trop de ces défaillances des fournisseurs puisque leur production restent dans les chais. N’empêche que les tarifs ne cessent d’augmenter alors que les prix de vente restent gelés surtout avant les fêtes.

A l’inverse le principe de la rareté entraînant une hausse des prix fonctionne à plein régime. Il se murmure chez les distributeurs que parfois la pénurie est organisée et sert de justification à des augmentations exorbitantes du montant des ventes. La plupart du temps ces hausses sont justifiées par les tarifs de l’énergie actuels ou prévus. Le transport constitue un argument généralisé. Un chef de chantier d’isolation thermique des façades a abandonné brutalement l’usine française qui ne cessait de pousser ses tarifs vers le haut pour se tourner vers l’Espagne. L’écart atteint 30 % à qualité égale et sans délais de livraison.

Qui aurait imaginé que les pharmaciens sur des médicaments basiques soient conduits à faire patienter les malades ? Le phénomène prend de l’ampleur. En France, près de 2.500 risques de rupture de stocks – ou de pénuries avérées – ont été signalés en 2020 aux autorités. C’est une forte progression.Les ruptures avérées progressent aussi. En 2021, 900 ruptures d’approvisionnement avaient été signalées sur toute l’année. Là, on est à 600 sur un semestre, il y a donc clairement une aggravation de la situation mais il ne faut surtout pas envisager que des malades soient en situation d’interruption de traitement.

Même l’industrie du luxe est touchée. La demande dans tous les secteurs est trop forte. Imaginez un peu que les commandes chez Ferrari battent tous les records. Après les annonces positives de Bentley c’est en effet au tour du constructeur italien de se targuer d’avoir réussi son année. Ferrari a annoncé avoir livré au total 3 188 véhicules dans le monde au cours de la période juillet-septembre, en hausse de 15,9 %. Sur les neuf premiers mois de l’année, la marque de Maranello a engrangé un bénéfice net de 718 millions d’euros, en hausse de 16%, et des recettes de 3,72 milliards d’euros (+20%). Les usines tournent à plein régime et sont à la limite de la rupture. Le carnet des commandes déborde.

Pénurie par ci. Pénurie par là. Le mot affole dès que l’on touche à l’électricité. Pas question officiellement de l’employer. « Délestages », « coupures sélectives », «  baisse provisoire », «organisation de la sobriété » : la hantise du gouvernement c’est que le courant ne passe plus même temporairement. En été ce sera l’eau potable… mais tant qu’il y a du rosé je m’adapte à toutes les pénuries. Enfin presque !

Cet article a 11 commentaires

  1. J.J.

    À quand la remise en service des tickets d’alimentation qui permettra l’épanouissement d’une forme plus ou moins élaborée du marché noir, comme au bon temps de l’occupation ?
    Il y a des fortunes à faire là aussi pour les pêcheurs en eaux troubles.

    Si la possibilité de coupures de courant se confirme, on risque là aussi de voir, comme en début 2000, après la tempête, l’instauration d’un marché noir, ou l’apparition de prix exorbitants pour les piles, bougies et autres luminaires de secours. J’ai été témoin, impuissant et furieux sans en être victime, du phénomène Il y toujours des individus prêts à exploiter la misère du monde.

  2. Laure Garralaga Lataste

    Ce « Roue Libre » du jour, hélas, « ramène à la mode » une période et surtout un mot, ……celui de « Pénurie » que les moins de 75 ans ne peuvent pas connaître et…… qu’innocents que nous sommes avions cru avoir aboli……… ! ! !
    Un conseil : n’oubliez jamais que l’Histoire bégaye.

  3. Laure Garralaga Lataste

    Aujourd’hui, Jean-Marie a choisi de nous faire tourner la tête avec sa valse des mots « pénurie et rupture » ! Mais contrairement à l’autre, celle de Jacques Brel, celle de J-M est moins charmante !

  4. Philippe Labansat

    On a souvent entendu qu’une croissance infinie dans un monde fini est impossible.
    Mais grosso modo, jusqu’à présent, tout semblait continuer, comme si de rien n’était, et nous n’avons pas pris ça au sérieux.
    Aujourd’hui, nous sommes surpris alors que, ce que l’on nous annonce depuis longtemps (le rapport Meadows a 50 ans), se vérifie concrètement.
    Et nous n’en sommes qu’au début…

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ ) mon ami Philippe…
      … « une croissance infinie dans un monde fini est impossible. »
      Une preuve parmi trop d’autres… en Ukraine !

  5. facon jf

    Bonjour,
    la pénurie est bien là nos amis Anglais viennent de le découvrir ces derniers jours en atteste ce tweet  » Over the last 40 hours, the UK wind power industry has swung from producing 16.4 GW to generating 0.4 GW
    The drop in electricity production is equal to, give or take, switching off 14 nuclear power stations. That’s the reason why UK power markets are tight today. »
    Dans notre langue on traduit ; » Au cours des 40 dernières heures, l’industrie éolienne britannique est passée de la production de 16,4 GW à la production de 0,4 GW
    La baisse de la production d’électricité équivaut, plus ou moins, à l’arrêt de 14 centrales nucléaires. C’est la raison pour laquelle les marchés de l’électricité au Royaume-Uni sont tendus aujourd’hui. »
    Et voila une réalité qui nous percute de plein fouet les énergies alternatives dites vertes sont intermittentes la nuit pas de photovoltaïque et si pas de vent pas de production éolienne… Et quand c’est intermittent, et bien ce n’est pas permanent et vous pouvez mettre encore plus d’éoliennes, cela vous fait une belle jambe quand il n’y a pas de vent. Que vous ayez 100 éoliennes ou 1 million, quand Éole ne souffle pas, les éoliennes ne tournent pas. On ne peut donc pas contrer l’intermittence par la quantité de moulins à vent. Stocker l’électricité n’est pas chose facile quoiqu’en disent les escrologistes. Les accumulateurs ne peuvent résoudre le problème sauf à créer une pénurie de matières nécessaires à leur construction. Le stockage hydraulique sous forme de STEP ( Station de Transfert d’Énergie par Pompage, une centrale hydroélectrique réversible permettant de stocker de l’énergie grâce au principe de pompage-turbinage) est connu mais butte aussi sur la pénurie de sites hydrauliques exploitables. La solution « miracle » de l’hydrogène « vert » ( électrolyse de l’eau par de l’éolien puis stockage de l’hydrogène que l’on pourrait utiliser sous forme de pile à combustible en cas de besoin) est encore un rêve ou une solution juste expérimentale. Nous buttons cette fois sur des pénuries multiples de savoir, de savoir faire et de ressources nécessaires insuffisantes pour produire, stocker et déstocker un gaz pas facile à manipuler.
    Alors que fait-on en attendant que le vent revienne ? et bien on importe du courant de chez les voisins, solution instantanée, on démarre des centrales à gaz presque instantané, on démarre des centrales hydrauliques presque instantané, on sollicite le nucléaire presque instantané, on déleste les consommateurs instantané, on démarre des centrales à fioul différé de quelques heures, on démarre des centrales à charbon différé de plusieurs heures. Voila schématiquement comment on gère la pénurie infligée au réseau par dame nature. Car voila !! le nœud du problème électrique c’est que à chaque instant la production doit être égale à la consommation sinon le réseau s’effondre comme un château de cartes. L’intervention la plus rapide et automatique c’est le délestage ( coupure) des utilisateurs.
    Nous entrons dans une période de disette énergétique alors que notre système entier est basé sur cette idée d’énergie abondante et peu coûteuse. Notre système comme notre niveau de confort sont basés sur ce principe.
    Le climat est devenu une religion, avec ses grands prêtres, et ses excommunications sans parler parfois d’exécution en place cathodique. La voiture électrique est devenue une religion.
    Comment voulez vous recharger des millions de véhicules électriques avec des moulins à vent sans vent ! Il va falloir penser autrement!!
    Nous avons déjà été écolos bien avant que le mot ne soit inventé. C’était avant la révolution industrielle.Il n’y avait aucune ville de plus d’un million d’habitants.
    Il n’y avait que des circuits courts.Il n’y avait pas beaucoup de déchets car tout était utilisé.
    Les temps viendront où nous serons contraints de gérer les pénuries en choisissant quel secteur nous allons faire croître et de quel secteur nous allons devoir faire le deuil.
    bonne journée

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami façon jf…
      « thank you » étant le seul mot anglais que je connaisse, mon allergie m’ayant tenue à l’écart de cette langue…, c’est ma manière à moi de te remercier pour la traduction de ce passage !

      1. François

        Bonsoir @Laure !
         » … te remercier pour la traduction de ce passage ! »
        C’est la technique Google / traduction qu’il faut remercier ! Sélectionner anglais en entrée puis copier-coller et l’exploit cérébral est obtenu ! !
        Oui ! Je l’avoue: à soixante-quinze ans, je suis un adepte de cette pratique …. lors des conversations Laure-Christian, mon « espagnol » datant de l’époque pré-machine à vendanger ! ! ! !
        En souriant,
        Respectueusement.

  6. Philippe Labansat

    Il n’a jamais été question de tout miser sur une ressource, contrairement à ce que l’on a fait avec le nucléaire (décision de 2 ou 3 personnes sur un coin de table, Pompidou, Messmer et je ne sais plus qui, nous ligotant pour des dizaines d’années).
    Il y en a qui bossent et qu’on s’ingénie à ne pas écouter :
    https://negawatt.org/IMG/pdf/synthese-scenario-negawatt-2022.pdf

    1. facon jf

      Le scénario négawatt que je suis assidûment depuis des années évolue au fil du temps même si son objectif final neutralité carbone en 2050 reste fixe. J’observe qu’entre 2015 et 2022 la fermeture de la dernière tranche nucléaire était fixée à 2035 dans le scénario de 2015 et en 2022 la dernière tranche ferme en 2045. Ce n’est pas la moindre des contradictions des grands mamamouchis qui ont élaboré ce scénario. Le défi est énorme car il s’agit de diviser par 3 la consommation d’énergie primaire et de multiplier par 3 la production des ENR et en moins de 30 ans !
      Il faut donc passer de 261.3 Mtep à moins de 90 Mtep en activant 3 leviers sobriété, efficacité et énergies renouvelables. Ce qui revient à dire que la majorité de l’énergie consommée serait par conséquent électrique. Je rappelle qu’aujourd’hui la production représente 37.4 Mtep (sur les 261.3 Mtep) dont 71.7% de nucléaire et 7.2% de carbonés.
      Donc déjà pour commencer il faut remplacer 80% de production carboné et nucléaire par des ENR soit environ 29 Mtep ou 432 Twh. La production éolienne terrestre actuelle c’est
      20 Gwh/ an et par KM². Pour remplacer les 432 TWh ( nucléaire+ carbonés) il faut donc 432 000 GWh/ 20 GWh= 21 600 km² implanté par 5 éoliennes de 2MW par km² = 108 000 éoliennes en plus.
      Soit environ 3.74 fois la superficie du département de l’Ain 5 762 km² , en fait beaucoup plus pour tenir compte des constructions et des infrastructures ( routes, autoroutes, zones sans vent..)
      Une éolienne récente de puissance 2 mégawatts (MW) mesure environ 150 m de haut en bout de pale (environ 100 m pour le mât) et sa durée de vie est de 20 ans. Sa construction nécessite 425 mètres cubes (m3) de béton et 40 tonnes d’acier. Le poids total des matériaux de construction atteint presque 1120 tonnes (Rotor (moyeu et pales) 50 T, nacelle 90 T, mât 180 T, fondation 800 T). Des « composites » entrent dans la fabrication des pales (3 fois 7 tonnes, soit 21 tonnes par hélice), des métaux (dont le cuivre) et des « terres rares » composent la nacelle et le générateur, ainsi que 300 à 400 litres d’huile de lubrification et de refroidissement.
      Reste à résoudre le problème des jours sans vent comme nos amis Anglais viennent de connaître…
      Je n’ai traité là QUE le problème des 30 Mtep électriques produits par les carbonés et le nucléaire, reste 60 Mtep utilisées par les transports, l’industrie, le commerce, l’agriculture, le résidentiel. En acceptant le défi de diviser par 3 notre consommation en moins de 30 ans pour ne consommer que 90 Mtep !
      Alors le scénario Négawatt pourquoi pas ? mais quid des problèmes réels, les matières premières, les ressources humaines pour mettre en œuvre, l’acceptabilité sociale du projet et ce satané pognon ???
      bien amicalement

      1. Laure Garralaga Lataste

        @ à mon ami facon jf…
        N’ayant pas fait polytechnique… je suis larguée… !
        Sans rancune, tu restes mon ami.

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