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Il va falloir nécessairement se battre en retraite

Comment peut-on justifier dans le contexte mondial du marché du travail le décalage de l’âge de la retraite autrement qu’en agitant, une fois encore, le risque à moyen terme d’un déséquilibre du financement de la répartition ? Cette solidarité intergénérationnelle voulue par le Conseil national de la Résistance reste la clé de la solidarité nationale. Enfin elle constitue un élément essentiel voulu pour construire une France républicaine fraternelle et équitable mais depuis belle lurette, elle est sans cesse battue en brèche. Il s’agit donc purement et simplement de répondre, pour le gouvernement actuel aux exigences plus ou moins avouables de la Commission européenne mal à l’aise avec les situations dans d’autres pays dans lequel le système est beaucoup moins solide.

D’abord il faudrait rappeler que les bases du régime des droits à pension en France repose sur le principe de l’accumulation de « trimestres » de cotisations à taux plein dans le monde du travail ou en situation correspondante. Le cumul des fameux « trimestres » de cotisations ou d’équivalents acceptés par les décrets d’application de ce calcul, permet de prétendre avec diverses bonifications, au versement de la somme correspondante. Si un « âge de départ » est fixé il revêt une importance particulière car il allonge de fait le nombre des trimestres nécessaires pour bénéficier d’une pension à taux plein.

En fait l’idée d’un seuil fixé génère deux paramètres rarement évoqués : l’un repose sur l’idée que tout le monde débuterait au même âge dans sa carrière professionnelle et l’autre qu’il accomplirait jusqu’au dernier jour un parcours absolument linéaire. En observant les exigences du monde professionnel à l’égard du niveau d’études exigé pour les jeunes et le salaire qu’on leur propose, cet élément est totalement passé sous silence. Or il est décisif. En France les dernières statistiques démontrent que les jeunes trouvent en effet leur premier emploi significatif à 22 ans et 5 mois en moyenne, soit un âge identique à la moyenne nationale (22 ans et 7 mois) mais inférieur à celui observé en Île-de-France (23 ans et 2 mois). 45 % sont des femmes qui donc n’auront pas nécessairement un salaire égal à leurs collègues masculins.

Rappelons qu’ensuite pour bénéficier actuellement d’une retraite à taux plein c’est à dire sans décote il faut soit avoir le nombre légal de trimestres d’assurance retraite qui varie selon votre année de naissance soit partir en retraite à… 67 ans. Ainsi les salariés nés après 1973 doivent justifier de 172 trimestres (43 ans de cotisations ou équivalents) pour obtenir le maximum. Changer l’âge de départ est donc purement dogmatique car il n’apporte que des contributions supplémentaires mais en aucune manière une amélioration de la pension in-fine… Pire il va la diminuer si on ne travaille les dernières années avant le départ.

De plus en plus de retraités ayant été soumis aux régimes à la mode des « primes »,  des bonifications ou à l’intéressement non assujettis aux cotisations sociales se retrouvent dans des situations catastrophiques face aux augmentations du coût de la vie car leur pension est calculé sur les années de salaires déclarés aux cotisations. Que deviendront ceux à qui on distribue des sommes épisodiquement pour tenter d’endormir leur méfiance quand il faudra calculer leur montant de retraite ?

Un autre paramètre qui est oublié c’est que le volume des cotisations redistribuées aux pensionnés doit être alimenté par celles versées par les actifs et ceux qui les emploient. Or actuellement le travail au noir coûte très cher à notre Etat-providence : dans le secteur privé, le préjudice oscillerait entre 5,7 milliards et 7,1 milliards d’euros, selon la dernière estimation diffusée récemment par le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS). Bien évidemment la part des cotisations destinées à la retraite sont incluses dans cette somme.

Cette situation perdure… car les opérations de contrôle ne sont pas suffisamment nombreuses. La disparition et la création d’entreprises en cascade de manière organisée pour échapper aux versements légaux favorise également ces fraudes. Les immigrés en sont les premières victimes mais… personne ne se rend compte que faute de les insérer et de leur permettre de bosser légalement on se prive des ressources de leurs cotisations au plan global.

Par ailleurs l’augmentation des emplois ainsi que celle des salaires, même si elle n’est pas considérée comme suffisante augmente automatiquement les recettes des caisses de retraite. A moins que le gouvernement envisage une nouvelle crise de l’emploi liée à une récession potentielle à venir ainsi qu’une diminution de sommes allouées aux salariés cette croissance des cotisations est durable. On parle déjà d’une bonification de près de 3 milliards annuels dans les prochaines années. Avec près de 16 % de salariés seniors privés d’emplois car ils coûtent trop cher aux entreprises en raison de leur ancienneté la perte est aussi substantielle. Il parait qu’il ya aurait des mesures incitatives prévues mais on sait qu’elles seront contournées.

En travaillant une fois encore plutôt sur les causes que sur les effets le gouvernement échappe à une vraie négociation. Il n’y aura même pas de vrai débat sur les valeurs portées par cette réforme. Le tripatouillage institutionnel, les marchandages politiciens, les entourloupes techniques et plus encore le souhait permanent de satisfaire le monde du profit ayant bénéficié du quoi qu’il en coûte vont conduire à une situation tendue inutile qui aurait pu se régler dans le temps par des ajustements moins douloureux pour les jeunes générations. 

Cet article a 5 commentaires

  1. J.J.

    En vérité je vous les dis, et je le répète, mais c’est une évidence, ce tripatouillage des retraites n’est qu’une manière, en créant un nuage de fumée, de faire diminuer de façon substantielle les salaires, au profit des éternels et indéboulonnables profiteurs protégés et même « boostés » par les exigences scélérates de la commission européenne.

    Et évidemment, le coup des primes « généreuses » (qui sont parfois presque intégralement pompées par les impôts directs, les bénéficiaires ayant changé de tranche d’imposition, j’ai connu des cas semblables) fait toujours des victimes chez les naïfs et les travailleurs mal informés.

  2. Laure Garralaga Lataste

    « … Et se battre en retraite…  » ne conduira-t-il pas les jeunes générations à la Bérézina… ?

  3. Philippe Labansat

    Ce qui apparaît aujourd’hui dans les politiques publiques, c’est que « faire société » n’est plus un projet.
    Nos gouvernants s’appuient successivement et (ou) alternativement sur leurs mandants, sur les groupes de pression, les lobbies qui les ont placés au pouvoir, et sont les plus à même de les y maintenir.
    Tout le reste n’est que théâtre, pantomime et parlottes, pour enfumer le citoyen lambda…

  4. facon jf

    Bonjour,
    le dossier des retraites = énorme complexité en lisant le dernier rapport du COR c’est la conclusion à laquelle j’aboutis. L’ensemble de ce travail se conclut par des réseaux de courbes de projections à l’horizon 2070. En bougeant les critères d’entrée -espérance de vie, taux de chômage, croissance du PIB, participation de l’État convention EEC (effort constant de l’Etat) ou EPR (équilibre permanent des régimes)-chacun peut trouver la courbe qui l’arrange.
    Les princes qui nous gouvernent utilisent les scénarios les plus pessimistes pour aller dans le sens des volontés de la Gross Kommission ( Europäische Kommission).
    Mais qui a porté au pouvoir celui qui avait inscrit le recul de l’âge de la retraite dans son programme? Les retraités aisés qui ont pris leur retraite à 60 ans ou même avant et les retraités pauvres qui ont cru à la promesse fallacieuse d’un minimum retraite à 1200 €. les 60-69 ans étaient 30% et les 70 ans et plus 41% à voter pour lui au premier tour et 59% et 71% au deuxième tour. Si l’on considère les 18-24 ans 61% de votes au deuxième tour, on peut dire que le noyau dur de l’électorat macronniste est constitué de gens qui ne sont pas encore ou plus au travail !!
    On peut aller un peu loin en regardant le vote des cadres 77% au 2éme tour, assez logique car ce sont eux qui profitent le plus longtemps de la retraite en bonne santé.
    Il y a une grande ironie à constater dans les derniers sondage cet état de fait : «comme dans d’autres études, ce sont les personnes déjà à la retraite (54 %) qui veulent voir les actifs travailler plus longtemps. Employés et ouvriers sont très majoritairement contre (77 %), tout comme les professions intermédiaires (72 %) et même les cadres (60 %), a priori moins touchés par ce report».

    bonne journée
    PS pour ceux qui ont un peu de temps il y a cette vidéo du 8 avril 2022
    https://www.les-crises.fr/macron-reelu-retraites-la-bombe-nucleaire-qu-il-nous-prepare/

    1. Philippe Conchou

      Quand j’ai commencé à travailler, la retraite était à 65 ans et l’espérance de vie était à 70 ans pour les hommes (80 pour les femmes) et personne ne se plaignait.
      Les retraités actuels, dont je suis, se fichent de la réforme comme de leur première feuille de paie, car ils ne sont pas concernés.
      Leurs enfants par contre sont concernés et le rôle des anciens est de les encourager à se préoccuper de leur retraite le plus tôt dans leur carrière, vérifier le niveau de cotisation de leurs patrons et d’eux mêmes, refuser les salaires non déclarés etc…
      Personnellement (et sans être fonctionnaire) je savais 10 ans à l’avance quelle serait (sauf accident) ma retraite et cela s’est vérifié.
      Tous les futurs retraités actuels sont suivis par l’administration depuis leur premier job, il est donc facile de se faire évaluer.
      A titre d’info, mes premiers jobs d’été au début des années 70 m’ont rapporté 6 trimestres, qui m’ont, avec les 4 trimestres d’armée, permis de prendre la retraite à 62 ans et demi au lieu de 65.
      Pour envisager de toucher une retraite il faut bien sûr avoir travaillé (certes pas toujours facile à notre époque) et surtout avoir été déclaré, et ceci, réforme ou pas, n’est pas près de changer.

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