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Des Mousquetaires ressuscités et revisités

Je ne sais pas pourquoi j’ai parfois une envie profonde de retourner en enfance, de traquer ces « madeleines » susceptibles de réveille en moi une séquence de la période la plus heureuse de ma vie. Un objet oublié, une photo défraîchie, un plat oublié, un livre malmené et parfois l’envie de comparer les réalités du monde actuel avec celles d’antan : autant d’opportunités de revenir en arrière. Deux minutes m’ont suffi hier soir pour rejoindre cette salle du Cinémax Linder fondatrice de l’autogestion citoyenne associative à Créon il y a eu maintenant plus de quarante ans. Un sacré privilège !

Me retrouver absolument seul dans la salle du rez-de-chaussée face aux « Trois Mousquetaires » relevait à la fois de la déception pour les bénévoles et de la jubilation. Entrer dans le roman culte d’Alexandre le prolifique Dumas me paraissait alléchant pour souffler un peu en fin d’une journée un tantinet oppressante. Les effets d’annonce, mal de ce nouveau siècle magnifiaient une adaptation présentée comme infidèle mais originale, grandiose mais authentique, incarnée plus qu’interprétée. Une occasion de retrouver les sensations maintes fois renouvelées des lectures.

Dès que j’ai vu d’Artagnan sortir de son tombeau en pleine terre d’un sous-bois tel un zombie du XV° siècle le doute s’est installé. Jusqu’où irait la volonté de nouveauté ? Pour plaire au plus grand nombre les Mousquetaires endosseraient toutes les facettes du cinéma à succès. Un zeste de film d’horreur, une bonne dose d’enquête « policière », des plans de combat filmés de l’intérieur, des reconstitutions grandioses, un brin de sexe LGBT sous-entendu, un attentat lié à l’extrémisme religieux, de l’eau de rose amoureuse : impossible de ne pas trouver séquence à son pied !

Ce patchwork cinématographique n’est jamais parvenu à me convaincre que j’y trouverais une vibration me ramenant sous mes couvertures avec une lampe de poche. Un empilage d’histoires connexes à seulement trois références d’origine comme les trois face-à-face avec un Aramis « tortionnaire-religieux », un Porthos manquant singulièrement de truculence et un Athos maniaco-dépressif ou l’épisode final de la récupération des ferrets de la Reine. Certes le scénario ne prétend pas à la reprise de l’histoire de base mais les trouvailles ajoutées manquent de crédibilité. Un roi baderne, un Richelieu discret, une Milady mièvre passent dans un film surtout tourné vers les confrontations genre bastons de banlieue entre bandes rivales bien difficiles à identifier.

Ces trois Mousquetaires manquent de panache, de flamboyance, de lumière. Plongé dans au maximum dans le clair-obscur et au maximum dans une obscurité démoralisante j’ai peu à peu perdu mon enthousiasme initial. Seule la chevauchée parallèle entre Milady et d’Artagnan le long des falaises de Douvres constitue une séquence palpitante. Le « suicide » de l’âme damné du Cardinal n’est en revanche peu convaincant. Il faut bien préparer d’une manière ou d’une autre la seconde partie. 

ll faut donc ne pas avoir lu ou vu d’autres versions pour s’emballer devant cette superproduction pourtant servie par d’excellents acteurs et actrices. Les dialogues constituent la vraie réussite. Des répliques ciselés dans une langue rappelant parfois les vers de Rostand dans Cyrano donne une teinte classique agréable. Il n’y a pas de bavardages inutiles. Les mots bien choisis favorisent l’expression de personnages sachant aussi exploiter le silence. Le duo de La Patellière-Delaporte sera probablement récompensé pour son adaptation et la qualité de sa gestion des échanges entre des comédiens adaptés aux rôles.

Signe des temps cette adaptation a été devancée en terme d’entrées par une autre, celle de Super Mario Bros qui doit probablement davantage correspondre à ce que les jeunes attendent du cinéma. Donjons et dragons dans la même veine n’est pas mal du tout en terme du nombre de passages au guichet. Alors que je suis allé retrouver un livre d’autres viennent replonger dans des jeux vidéo… Quels seront leurs souvenir ? 

Alors dans le fond je conseille aux grands-parents ou aux parents d’offrir Les Trois Mousquetaires à leurs petits-enfants afin de leur expliquer qu’il a été conçu à partir d’un bouquin. Ce serait déjà une victoire. Ne boudez pas votre plaisir et si vous n’avez pas, comme moi besoin de retrouver la part de votre propre imagination vous apprécierez ce film !

Cet article a 6 commentaires

  1. J.J.

    Si la lecture des Trois Mousquetaires et de la suite… avaient enchanté mes vertes années, j’avoue, qu’aucune adaptation ciné ne m’a emballé, ni généralement pour aucun autre ouvrage (le pire, l’adaptation de « Pour qui sonne le Glas, complétement vidé de sa « substance »). J’ai toujours été déçu, sauf pour l’adaptation de « Capitaine Conan », avec un Philippe Torreton plus vrai que nature. Mais je suis un vieux bougon peu enthousiaste …

  2. Philippe Labansat

    Merci de nous prévenir, Jean-Marie.
    Cela confirme ce que je subodorais.
    Perso je me suis plongé dans un autre grand roman passionnant :  » Histoire de la révolution française  » de Jules Michelet, et je compte embrayer aussitôt sur celle d’Albert Mathiez…

  3. Laure Garralaga Lataste

    Mes excuses à Jean-Marie de mettre à profit nos échanges pour vous signaler un évènement sur l’histoire de Bordeaux de sa région, évènement que beaucoup attendaient depuis… très/trop longtemps… !
    À vous tous et toutes, passionnés et passionnées d’Histoire…
    Je vous invite, si cela vous est possible bien sûr, le 30 avril prochain à 11h sur le parvis des Doits de l’Homme situé devant le Fort du Hâ, pour inaugurer « LE MONUMENT POUR LES DEPORTES.

  4. christian grené

    Bonjour à tou(te)s et à ma Laurita dont j’accepte l’invitation du 30 avril… si possible. Par ailleurs, j’ai adressé ma réponse au texte JMD du jour dans sa boite mail. A lui de juger…

    1. christian grené

      J’ajoute que le titre de mon texte est inspiré du film parodique tournée par Max Linder en 1922.

    2. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami christian…
      Et si pas possible, tu seras excusé avec… « un bisou y un abrazo fuerte » !

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